Georges Ibrahim Abdallah: la mobilisation s’élargit

Selon son avocat Jean-Louis Chalanset, la Cour de cassation devrait incessamment se prononcer sur la énième demande de libération de Georges Ibrahim Abdallah. A Paris en juin, et le week-end dernier à Dortmund, à la fête de Unsere Zeit, l’organe du Parti communiste allemand (DKP), ses soutiens ont réaffirmé la nécessité d’ « intensifier la mobilisation pour la libération » du partisan communiste libanais détenu en France depuis plus de 31 ans !

 

Photo: Louvre à Lens (Pas-de-Calais), en février 2013 lors d’un rassemblement pour Abdallah devant le tableau de Delacroix

 

Plusieurs centaines de manifestants défilant au cœur des quartiers populaire de l’est parisien, de Belleville à République, ce dimanche 19 juin 2016. Un seul mot d’ordre : « Libérez Georges Ibrahim Abdallah. Il est de notre lutte, nous sommes de son combat !  » Du jamais vu dans la capitale depuis 1984 et l’arrestation du résistant libanais. Georges Ibrahim Abdallah est le plus ancien prisonnier politique de France.

Arrêté à Lyon, ce dirigeant des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL) a été condamné en 1987 à l’issue d’un procès tronqué et sans preuves à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité dans l’exécution, en 1982, d’un agent du Mossad, les services secrets israéliens, et d’un autre de la CIA.

Cette même année, des centaines de civils palestiniens étaient assassinés dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth-Ouest par les milices chrétiennes libanaises, avec la complicité d’Israël et de l’Occident. En toute impunité !

Georges Ibrahim Abdallah, 65 ans, est libérable depuis 1999. Par deux fois, en 2003 et en 2012, la « Justice » française lui accordait un bon de sortie. Par deux fois, les ministres de la « Justice » (Dominique Perben) puis de l’Intérieur (Manuel Valls) intervenaient pour empêcher son élargissement ; ce dernier refusant, en janvier 2013, de signer le décret d’expulsion vers le Liban imposé par les juges comme préalable à sa libération.

 

Un « scandale mondial »

 

Yves Bonnet, l’ancien patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST), estimait dans une interview à La Dépêche, que « cette injustice (…) dépassé les limites du raisonnable, plus rien ne justifie son incarcération, qu’on le mette dans un avion et qu’on le renvoie chez lui au Liban où les autorités sont disposées à l’accueillir… ».

Pour l’avocat Jacques Vergès qui l’a assisté jusqu’à sa disparition, le cas Abdallah relevait du « scandale mondial ». Une déclaration faite en juin 2012 à Calonne-Ricouart. Ici au pied des terrils de l’ex-Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, Georges Ibrahim Abdallah venait d’être élevé au rang de citoyen d’honneur. Un véritable pied-de-nez à l’État français dont le premier magistrat de l’époque André Delcourt, militant du Parti communiste français (PCF), dénonçait « l’acharnement ». Christian Champiré (PCF), le maire de la commune voisine de Grenay, près de Lens, lui emboîtait aussitôt le pas. Puis, en décembre 2013, c’était au tour de son homologue Marc Everbecq (PCF) de Bagnolet dans la banlieue parisienne (1)…

 

« Fier d’avoir mis à l’honneur un résistant »

 

Ces 2 et 3 juillet 2016 à Dortmund dans la Ruhr, à l’initiative justement du groupe de Bagnolet de soutien à Georges Ibrahim Abdallah, Christian Champiré s’est rendu, accompagné de Robert Goffin (PCF Grenay), à la Fête de Unsere Zeit (Notre Temps), l’organe du Parti communiste allemand Deutsche Kommunistische Partei / DKP.

Un déplacement de 400 km motivé par le souci « de faire parler de Georges en espérant que la presse s’intéresse à son cas comme elle l’avait fait lorsque nous l’avions élevé au rang de citoyen d’honneur en 2012. Il s’agit de faire en sorte qu’il ne tombe pas dans l’oubli le plus total d’autant qu’en ce moment c’est compliqué avec tout ce qu’on raconte sur le terrorisme. On mélange un peu toutes les affaires… »

Alors que des parlementaires américains, les partisans de l’Algérie française, le lobby sioniste ou encore Jean-Jacques Urvoas, l’actuel Garde des Sceaux, qualifient volontiers Georges Ibrahim Abdallah de « terroriste », Christian Champiré se dit fier d’avoir mis à l’honneur « un résistant qui n’a jamais renié ses engagements anti-impérialistes ».

C’est à cette fête que 23 organisations avaient, il y a deux déjà, signé une motion exigeant sa libération (2). Interpellé, François Hollande, le président de la République française, « n’a jamais répondu », indique Bärbel de Bagnolet en charge de l’animation des deux débats consacrés à la situation de Georges Ibrahim Abdallah.

« Notre devoir de communiste ! »

 

D’emblée, elle cède la parole à Nadia du Comité anti-impérialiste de Saint-Denis (région parisienne). « Notre comité participe à la campagne pour la libération de Georges. Il s’agit d’une question centrale et de principe », précise celle qui rappelle  « qu’en tant que communistes, nous avons une responsabilité plus grande encore ».

Un point de vue que partage Christian Champiré qui s’inscrit dans une longue tradition communale de résistance. Et l’élu communiste de citer la « lutte des mineurs de Grenay contre le nazisme et le régime de Vichy », d’évoquer leur « grève de 1948 contre la casse du Statut des mineurs » ou encore la posture de son prédécesseur au fauteuil majoral Edmond Bince.

Dans les années 1950, celui-ci avait « affiché sur notre mairie son opposition à la guerre d’Algérie. C’est donc tout naturellement que nous avons élevé Georges au rang de citoyen d’honneur. Il est important que l’engagement internationaliste reste le quotidien pour une ville communiste ».

Un message que le Comité anti-impérialiste tentera de relayer auprès de Didier Paillard, le maire PCF de Saint-Denis : « Nous le rencontrons le 20 juillet prochain pour lui demander de faire de Georges un citoyen d’honneur », sourit Nadia. Une pétition a été mise en ligne en ce sens.

 

comite dortmund

Photo: le comité de soutien, avec Christian Champiré (à droite),  à Dortmund

 

« Gagner la bataille du soutien de masse  »

 

Jérôme de Bagnolet qui rend visite à Georges dans sa prison de Lannemezan (Haute-Pyrénées) « depuis une dizaine d’années », évoque pour sa part la personnalité de son hôte : «Un vrai révolutionnaire au sens noble du terme. Georges, c’est une vie de combat au sein du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) puis des FARL, contre l’invasion de son pays le Liban par Israël et pour la libération de la Palestine. »

Un militant communiste qui « nous donne toujours de grandes leçons de combativité et d’humanité. Georges est debout face à ses geôliers qui ne lui pardonnent pas son engagement dans la résistance ». Et Jérôme de dénoncer l’attitude de l’État français qui cède aux pressions américaines comme il y a plusieurs mois «  lorsque les États-Unis ont conditionné leur aide militaire à la France alors en pleine intervention au Mali, à la non-libération de Georges. C’était le sens du message adressé par Hillary Clinton, secrétaire d’État, au ministre français des Affaires étrangères de l’époque Laurent Fabius ».

Si en France, Georges est soutenu dans les milieux militants progressistes (3), il « faut désormais gagner la bataille du soutien de masse », plaident ses partisans. « Nous intervenons dans les quartiers et allons sur les marchés discuter de sa situation. Désormais, les habitants de toutes origines s’échangent des informations sur lui », se félicite Nadia.

« Ici, la mobilisation serait plus forte si Georges était emprisonné dans un autre pays. C’est toujours plus compliqué à dire que c’est son propre pays qui est complice de l’impérialisme », imagine Christian Champiré qui pense « que le PCF en tant que tel devrait se mobiliser davantage si les militants de base le poussent à le faire. Nous devons travailler en ce sens ».

 

Une justice d’exception, une décision politique

 

Tous s’accordent sur la nécessité d’impulser « une large mobilisation internationale » et d’ « intensifier la campagne en faveur de sa libération ». Les militants du DKP, du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) ou encore du PC libanais présents sur la fête acquiescent…

Le 14 juillet, jour de la Fête nationale française, un rassemblement est programmé à Beyrouth devant la résidence de l’ambassadeur de France au Liban à l’heure où la Cour de cassation devrait se prononcer sur une énième demande de libération de Georges.

Une demande rejetée en première instance sous prétexte que Georges Ibrahim Abdallah « n’avait pas fait préalablement l’objet d’un arrêté d’expulsion, puis en appel, en février 2015, en raison aussi du fait qu’il ne regrettait pas les actes pour lesquels il avait été condamné », s’indignait alors le Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah (CLGIA) dénonçant le « régime d’exception » qui était appliqué à ce militant antisioniste et une « décision politique » symptomatique de l’« esprit de vengeance » qui anime l’État français « complice des États sionistes et américains ».

Mais le CLGIA de rappeler qu’ « en France, au Liban, à Tunis ou à Athènes, et jusqu’en Argentine, de plus en plus de voix s’élèvent dans le monde pour condamner la France et soutenir la cause de Georges Ibrahim Abdallah. Tous ensemble, nous resterons mobilisés pour lui exprimer notre solidarité, jusqu’à sa libération et son retour au Liban ».

Notes:

(1) Jugeant la décision de la municipalité « sans intérêt local », le tribunal administratif de Montreuil saisi par le préfet de Seine-Saint-Denis et le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, l’invalidait en juillet 2014...

(2) http://ledesordre.over-blog.com/2014/07/georges-ibrahim-abdallah-solidarite-internationaliste.html

(3) Les initiatives de solidarité sont recensés sur le blog du Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah : http://liberonsgeorges.over-blog.com

 

Source: Investig’Action


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