Elections en Colombie : l’analyse des résultats

L’épisode tordu du feuilleton électoral colombien du 17 juin a finalement dévoilé des données précises et exploitables. Surgit alors une nouvelle attente sur le président élu, entre son discours et sa future action politique, c’est-à-dire, entre la rhétorique et les faits.

 

Les analyses quantitatives sur les résultats électoraux sont nombreuses et détaillées : Iván Duque – la droite dure au visage d’ange – gagne l’élection avec plus de 10 millions de voix. Gustavo Petro – centre gauche – arrive à avoir un peu plus de 8 million de voix tandis que le vote blanc, avec 800 mille voix, est réclamé par le groupe maoïste Moir et la bourgeoisie nationale. L’abstention atteint la valeur non négligeable de 19,5 millions de voix – 53% – valeur similaire à celle du premier tour.

 

De façon qualitative :

 

1- La faction d’Álvaro Uribe Vélez a gagné électoralement la bataille pour l’hégémonie à l’intérieur de la classe dominante, par rapport à la faction de Juan Manuel Santos – Vargas Lleras, César Gaviria, le parti U, les conservateurs qui suivent Santos, etc. – la même qu’après le premier tour adhère à la candidature de Duque.

 

2- Avec cette élection, Duque légitime électoralement l’union du « uribe-santisme », qui fonctionnait déjà dans la sphère économique quand le Conseil Entrepreneurial qui intègre 21 organisations ; la Société d’Agriculteurs de Colombie – SAC – et l’Association Nationale d’Entrepreneurs de Colombie – ANDI – adhère à la candidature de Duque.

 

3-Sur l’aspect supra structurel, les « lignes générales » de la coalition gagnante se consolident et sont signalées par l’avocat J. Manuel Carrero : l’idéologico-religieuse (tradition, famille et propriété), l’éthico-politique (la fin justifie les moyens mafioso-paramilitaires), et la ligne programmatique (néolibérale-conservatiste).

 

4- Le Parlement Colombien élu lors de la première élection du 11 mars 2018, a assuré la majorité absolue en faveur de la coalition montée par Uribe Vélez au tour du nom de Duque, dans le futur développement législatif du nouveau gouvernement. Pauvre Timoleón Jiménez et les FARC – Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes !

 

5- L’abstention, même si elle a légèrement diminué, suit gravitant comme un élément de délégitimation de la soi-disant « démocratie colombienne » : 19 628 564 abstentions représentent plus que les voix obtenues par le président élu.

 

6- Le vote blanc – 800 mil – surdimensionné par les sondages comme tactique anti-Petro et réclamé par le Moir qui annonce maintenant s’opposer au nouveau gouvernement, n’aurait jamais pu aider à modifier les résultats et l’élection de Duque, même si le Moir avait choisi de voter pour son adversaire Petro. Le Moir s’est finalement mis à nu.

 

7- En somme et en tenant compte du discours du nouveau président élu, il met en lumière et souligne « l’unité de la Colombie » – de la classe dominante et des puissants : le binôme Sécurité-Justice; les bien connus « ateliers démocratiques » de l’AUV (le groupe fasciste paramilitaire qui a essayé de renverser Chávez en avril 2002, pièce maîtresse de la déstabilisation d’aujourd’hui au Venezuela, l’équivalent et partenaire du groupe colombien AUC, NdT); le « mariage » entre l’agro-industrie et la paysannerie »; la démobilisation des bases de la résistance armée; la reprise du discours anticorruption du « fajardisme » – Sérgio Fajardo est un politicien colombien, candidat à la présidentielle et éliminé au premier tour…

 

« Les corrections en vue de la paix », bien comme les révérences à la « Force Publique », ont ouvert dans l’horizon politique colombien la possibilité réel d’une seconde régénération politico-religieuse-entrepreneuriale-autoritaire, au style de celle de Rafael Nuñez en 1886 ; face à laquelle il ne reste plus que la mobilisation social et la résistance de la rue, à l’image de celle à laquelle nous assistons en ce moment au Brésil.

 

Traduit du Castillan par Paulo Correia pour le Journal Notre Amérique

 

Note du traducteur : Voir le livre « Politics of Terrorism: A Survey » edité par Andrew T.H. Tan, Professeur à l’Université de Mcquarie, Sidney, Australie. 

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