Brésil : Victoire du peuple Munduruku face au projet de méga-barrage 

A l’heure où pas moins de 250 projets de barrages sont à l’étude en Amazonie brésilienne, le Rio Tapajos, l’un des derniers affluents non aménagé de l’Amazone se voit devenir la nouvelle cible du gouvernement brésilien et des industriels. Le 4 août dernier, les populations indigènes locales et notamment les indiens Munduruku ont obtenu gain de cause dans leur lutte contre le projet de construction d’une gigantesque centrale hydroélectrique sur la rivière Tapajos au Brésil. En ces temps déconcertants, il fait bon de se rappeler que les mobilisations ne sont pas toujours vaines, alors autant les saluer!

 

Très souvent présentés comme une source d’énergie renouvelable censée répondre au défi énergétique, les grands barrages se révèlent être des projets ruineux et néfastes pour les populations locales et pour l’environnement. Comme le souligne Green Peace dans un rapport récent sur les business de l’hydroélectricité en Amazonie : « La déforestation met en péril la biodiversité exceptionnelle de cette région, contraint les communautés forestières à quitter leurs terres  et représente une menace pour le climat à l’échelle mondiale (1).

Pour l’IBAMA (Autorité Brésilienne de l’Environnement) : « l’absence de prise en compte des droits des populations indigènes de la zone et des impacts directs et indirects sur leurs modes de vie» ne permet pas l’autorisation du projet ». Une mauvais coup pour le monde industriel : les indigènes ont des droits et en plus il faut les respecter ! Cette annulation intervient comme une bonne nouvelle non seulement pour les populations locales mais aussi pour l’environnement et ainsi le monde entier.

 

Une victoire éphémère?

 

Si elle résonne comme une grande victoire, qui soit dit en passant intervient en plein Jeux Olympiques de Rio, cette annonce ne doit pas démobiliser les mouvements sociaux pour autant.

Tant que les territoires des Munduruku et des autres populations autochtones de la région ne sont pas officiellement reconnus comme terres indigènes, ils ne seront pas à l’abri de nouvelles tentatives.

D’autant que l’actuel président Michel Temer et son nouveau gouvernement d’hommes conservateurs légèrement corrompus, semblent plus intéressés par le démantèlement de la législation environnementale du pays que par la démarcation des terres indigènes.

C’est pour cela « qu’il faut profiter de ce nouveau souffle pour se préparer au mieux et rassembler nos forces » comme en appelle Tchenna Maso, juriste et militante au sein du Mouvement des personnes affectées par les barrages au Brésil (MAB): « Nous ne croyons pas que cette décision soit définitive. Il est fort probable qu’une nouvelle offensive du capital intervienne, surtout à un moment où le secteur électrique au Brésil connaît une crise. Dans ce pays, 90% de l’énergie produite est hydroélectrique, alors oui nous avons gagné une bataille, mais pas le combat».

Crée dans les années 80 et nationalisé en 1991, le MAB est  un mouvement social qui défend les droits des personnes affectées par les barrages. Formés de groupes de base présents dans 17 états, ces « familles » parviennent à coordonner leurs actions au niveau national.

«Nous estimons que plus de 6 millions de personnes ont déjà été déplacées. » ajoute-elle « Mais nous ne disposons toujours pas d’une politique nationale pour les personnes qui ont été touchées par le barrage. Il n’y a donc aucune marque de respect de la part des entreprises pour les droits de ces personnes. »

De l’impunité des transnationales au déni des droits fondamentaux

 

En juin dernier, lors d’une journée d’échanges au Parlement européen, Tchenna Maso soutenait la nécessité d’un traité contraignant pour mettre fin aux violations récurrentes des transnationales : « Un tel traité nous permettrait de générer des obligations directes sur les entreprises à respecter les droits de l’homme. Il est essentiel de créer des normes d’extraterritorialité aux États si l’on veut garantir l’accès à la justice pour les victimes de leurs activités.» (2)

Revenant sur ce qui a été l’une des pires catastrophes environnementales d’origine industrielle, Tchenna Maso dénonce l’impunité de la transnationale Samarco dont « les crimes restent jusqu’à présent impunis ». En effet, le 15 novembre 2015, l’effondrement d’un double barrage de déchets miniers dans l’État de Minas Gerais a entraîné un immense déversement de boues toxiques, et avec lui la mort de 19 personnes, la contamination de l’ensemble du bassin de la rivière et de 35 villes (3).

Un bilan accablant pour l’entreprise , qui pourrait se voir exonérée de ses responsabilités au vu du décret fédéral adopté en novembre par le gouvernement brésilien qui considère désormais les crimes industriels comme des « désastres naturels »(4).

Notes :

(1) http://www.greenpeace.org/france/PageFiles/266171/Tapajos_FR.pdf

(2) Propos recueillis par l’auteure.

(3) http://presrepublica.jusbrasil.com.br/legislacao/256176296/decreto-8572-15

(4) http://multinationales.org/Rupture-d-un-barrage-au-Bresil-BHP-Billiton-et-Vale-impliques-dans-un-desastre

Source : Investig’Action

 

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