Brésil : le secret caché du groupe Globo et de l’opération « Lava Jato »

« Ce n’est pas la peine de raconter ce que nous savons déjà. Nous voulons des renseignements qui nous amènent à dévoiler le schéma de corruption dans d’autres organismes ou entreprises publiques ».« Il y a beaucoup de monde qui blanchit de l’argent au Brésil »

 

Le journal « O Globo » était le seul média de la presse brésilienne à publier, dans le numéro paru le 29 janvier 2018, que les « clés pour dénicher les secrets d’Odebrecht se sont perdues ». La source du reportage est le procureur du parquet Carlos Fernando dos Santos Lima, chargé d’enquêter sur le schéma de corruption chez Petrobras au sein de la « force opérationnelle » .

Aucun autre vecteur de la presse écrite n’a relayé cet article. C’est donc de façon délibérée que la source, qui est aussi un des patrons de l’opération Lava Jato à Curitiba, a choisi le journal « O Globo ».

C’est curieux que, cette fois-ci, la « force opérationnelle » ait évité de communiquer à l’ensemble de la presse. Ils ne l’ont fait ni par une interview collective, ni par une manifestation de prépotence dans les réseaux sociaux.

Le reportage n’a apparemment aucun intérêt journalistique, sauf celui d’agir comme un vaccin pour le réseau média Globo et le groupe d’enquête Lava Jato, au cas où une future révélation viendrait à émaner d’une autre source. Une telle révélation pourrait provoquer un scandale d’une puissance destructrice, équivalant à une bombe nucléaire sur l’opération Lava Jato.

 

 

Secrets perdus ?

 

 

Le reportage nous informe que le système mywebday créé par le géant du BTP Odebrecht ne pourra jamais être accessible. Ce système servait de registre pour le paiement des pots-de-vin et des contributions légales et officielles dans les campagnes électorales.

Selon Carlos Fernando « le système est crypté avec deux mots-de-passe qui se sont perdus sans moyen de les récupérer. Y en aura-t-il un, un jour ? Pour l’instant, c’est au point mort.

D’après le reportage « ni Odebrecht ni le M.P.F n’ont testé les tokens (boîtiers d’authentification informatiques) au moment de la remise de données à Lava-Jato » [sic].

 

Tout est très étrange, pour le moins, et plusieurs questions demeurent sans réponse:

 

Pourquoi les justiciers de Lava Jato, qui, habituellement et de façon ostentatoire, se montrent sévères et diligents, ont-ils reçu l’équivalent d’un container rempli de preuves sans même en « ouvrir la porte » au moment de la réception, afin d’en vérifier le contenu ?

 

Lava Jato a-t-elle accordé des avantages à 77 délateurs de Odebrecht sans exiger en contrepartie la réelle remise des preuves contenues dans le système mywebday?

 

Si mywebday est inaccessible depuis la remise des disques durs au M.P.F, comment expliquer l’usage par Lava Jato de preuves seulement exploitables dans ce système, spécifiquement contre certains accusés?
À quel moment Lava Jato a-t-elle accédé au mywebday?

 

Pourquoi les procureurs, le juge Moro et le TRF4 (Tribunal Régional Fédéral de la 4ème Région) n’acceptent-ils pas le témoignage de l’ex-Odebrecht Rodrigo Tacla Duran, qui a dénoncé l’accès et la manipulation du système dans le but de forger des preuves qui incriminent certains accusés et d’en détruire d’autres portant contre d’autres accusés?

 

Pour quelle raison les procureurs, le juge Moro et le TRF4 ne répondent-ils pas à la demande d’accès intégral au mywebday formulée par la défense de Lula, si eux-mêmes ont utilisé des preuves soi-disant stockées dans le système pour le condamner?

 

Le droit de ne pas s’auto-incriminer ?

 

 

L’argument [cynique] du procureur Carlos Fernandes, un bourreau adepte de tortures psychologiques lors d’emprisonnements illégaux pour obtenir des confessions, est une perle. Il admet que : « c’est une situation délicate, en fonction du droit constitutionnel pour n’importe quelle personne enquêtée, de ne pas s’auto-incriminer. »

Dans ce cas en particulier, ce n’est pas n’importe quelle personne enquêtée, mais 77 délateurs « récompensés » dans le contexte de l’accord d’indulgence signé par Odebrecht.

En échange de généreux avantages concédés par Lava Jato, les corrompus sont obligés de rendre purement et simplement les preuves et faits dénoncés, sous peine d’annulation de l’accord et suppression des avantages pénaux et financiers.

*** ***

Un gros nuage de suspicion recouvre l’opération Lava Jato.

Le dissiper serait la moindre des choses, garantissant ainsi que la lettre de la Constitution brésilienne ne soit pas remplacée par des codes typiques des mafias au pouvoir.

 

[*] Mérite une attention particulière : la dénonciation de Marcelo Odebrecht, parue le 4/2/2018 en couverture du F.S.P. (journal Folha de S.Paulo). Il accuse son beau-frère, le vice-président juridique de l’entreprise, d’avoir détruit des preuves. Ce reportage de la F.S.P. fait appel à un document du Département de Justice des U.S.A. [sic] qui mentionne qu’en janvier 2016 les clés [mots-de-passe] qui permettaient l’accès au système My Web Day ont été détruites, révélant ainsi un épisode qui peut faire partie de l’accord avec Lava Jato.

 

Traduit du brésilien par P. Correia pour Le Journal Notre Amérique

Source : le blog de Jeferson Miola

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