Amérique Latine en Résistance: Jusqu’à la victoire, toujours!

 

Editorial / 2020: une année de contradictions et de luttes

 

L’année 2019 a été une année de convulsions pour l’Amérique latine; les mouvements politiques de droite et de gauche ont mesuré leurs forces dans les rues et les urnes. En quelques mois, le continent a vécu des protestations massives, des élections décisives et même un coup d’état.

En ce qui concerne les élections, la gauche revient au pouvoir en Argentine et se trouve face à de grands défis après quatre années de politiques néolibérales qui ont engendré endettement, pauvreté et inégalité.

Les analystes politiques se sont empressés de déclarer la fin des gouvernements progressistes sur le continent. Néanmoins, la droite est en train de s’épuiser très rapidement dans un contexte de rejet du néolibéralisme. Les peuples de pays tels que l’Equateur, le Chili et la Colombie ont exprimé leur “ras le bol” après trois décennies de fortes inégalités.

Le gouvernement de Sebastian Pinera a conclu l’année avec une société qui continue d’occuper la rue pour exiger des changements réels dans la Constitution Nationale. De son côté, le colombien Ivan Duque s’est vu confronté à trois grèves générales en quelques semaines et 2020 l’accueillera avec un nouveau calendrier de luttes. Quelques mois plus tôt, le gouvernement de Lenin Moreno en Equateur s’est vu contraint à renoncer à un paquet de mesures néolibérales après une insurrection dirigée par les mouvements indigènes.

Le Mexique, l’un des pays les plus stables politiquement, a pris congé de l’année 2019 avec le premier anniversaire du gouvernement de Lopez Obrador. AMLO est parvenu à réduire la délinquance, à éviter une guerre commerciale avec les Etats-Unis et à améliorer certains indices économiques. Mais, lamentablement, il n’est pas parvenu à réduire de façon significative les indices de violence dans le pays, puisque, rien qu’en 2019, on a enregistré 29 000 homicides. Il n’a pas davantage eu de meilleure politique en matière de migration.

Entre temps, la Bolivie a sombré dans les pratiques antidémocratiques du coup d’état mené par la droite avec l’appui de la force armée. Mais, le temps imparti pour convoquer de nouvelles élections s’achève; ceci pourrait mettre en évidence le caractère putschiste du gouvernement de fait de Jeanine Anez. Le MAS et les autres mouvements tentent de s’unir tout en affrontant la brutale répression du gouvernement autoproclamé, appuyé par les Etats-Unis.

Pendant ce temps-là, le Venezuela résiste encore contre l’agression des Etats-Unis et l’imposition progressive de sanctions unilatérales. L’économie continue de se dégrader, alors que les sanctions affectent fortement l’industrie pétrolière. Washington continue de miser sur le fait de semer la mort et la misère pour obtenir le changement de régime qui installerait une fois encore un gouvernement servil au Palais de Miraflores. La capacité de résistance du peuple vénézuélien continuera donc d’être mise à l’épreuve.

Toutes ces batailles surgissent au milieu d’une crise globale du capitalisme à laquelle n’échappe pas l’Amérique latine. La CEPAL prévoit que la région continuera sur le chemin d’une faible croissance, avec une expansion du produit intérieur brut (PIB) estimée à 1,4%.

Ainsi, prendrait donc effet la septième année de faible croissance; elle s’est d’ailleurs également traduite par une détérioration du niveau moyen de revenu par habitant.

L’année 2020 promet un renforcement des contradictions et une intensification des luttes.Cependant, elle débute par un anniversaire de plus de la révolution cubaine, la plus improbable des victoires des peuples du Sud global. Tandis que l’empire et les oligarchies créoles persévèrent dans leur pari de coloniser les esprits et les ressources, les peuples luttent et résistent. Et s’il est une leçon que nous donne la Révolution cubaine, c’est bien celle qu’aucun empire n’en finira avec la dignité d’un peuple. Jusqu’à la victoire, toujours!

 

Breves

 

Venezuela / La fin de Guaido?

 

La position de Guaido en tant que leader de l’opposition s’est vue de plus en plus contestée. (Reuters)

La position de l’auto-proclamé “président en exercice” Juan Guaido en tant que leader de l’opposition s’est vue de plus en plus contestée ces dernières semaines. L’anti-chavisme, appuyé par les Etats-Unis, a sombré dans des querelles internes, avec Guaido et d’autres qui s’accusent mutuellement de corruption.

Ce jeune homme de droite a pris les rênes de l’opposition en janvier, en promettant la fin du gouvernement de Maduro. Cependant, presqu’une année plus tard, il n’a fait qu’accumuler les scandales, les coups ratés et la frustration parmi ses partisans.

Guaido a bénéficié de l’appui inconditionnel des Etats-Unis, avec des centaines de millions de dollars de financement et de cruelles sanctions contre le peuple vénézuélien, mais il pourra être remplacé en tant que président de l’Assemblée Nationale le 5 janvier.

 

Argentine / La croissance économique sera la priorité

 

Le nouveau président argentin Alberto Fernandez a débuté son mandat le 10 décembre après la défaite de Mauricio Macri aux élections présidentielles d’octobre.

Avec la vice-présidente Cristina fernandez, il prend les rênes d’une économie en crise soumise au poids d’un gigantesque emprunt auprès du FMI. Dans son discours d’investiture, Fernandez a signalé qu’il donnerait la priorité à la croissance économique sur le paiement de la dette extérieure.

Parmi les premières mesures du nouveau gouvernement se trouve la récupération des Minis des sciences et de la technologie, du travail et de la santé qui furent relégués à des secrétariats durant le mandat de Macri, ainsi que la création du Ministère des femmes, des genres et de la diversité.

 

Chili / L’ONU condamne la répression

 

L’ONU a condamné la répression au Chili (EFE)

Le bureau de la Haute Commission des Nations Unies pour les Droits de l’Homme a publié un rapport qui condamne les violations des droits de l’homme par les forces de la répression au Chili.

Ce rapport relève qu’il y a eu “un nombre élevé de graves violations des droits de l’homme” et dénonce, en particulier, l’usage de fusils et de grenades lacrymogènes à courte distance. La répression au Chili a fait 23 morts et 352 lésions visuelles graves.

Le peuple chilien a occupé les rues dans les principales villes depuis le mois d’octobre pour exiger le départ de Piñera ainsi qu’un processus constituant qui mettrait fin à la Constitution approuvée par Pinochet en 1982.

 

Bolivie / Evo dénonce l’imminence d’une rupture économique

 

Le président déchu de Bolivie, Evo Morales, a signalé que le gouvernement de fait conduit le pays “à la faillite” car “ils ont paralysé l’appareil de production et réduit les investissements publics”.

Morales a ajouté que les principaux responsables de la récession économique sont “les actions putschistes de l’OEA”, “l’assaut des institutions et entreprises publiques” et d’autres “décisions politiques dépassées”.

En outre, Evo a alerté sur le possible retour aux privatisations et à la vente d’actifs aux entreprises internationales.

A ce sujet, le ministre de fait de l’Économie de Bolivie, Wilfredo Rojo, a signalé que “les grandes entreprises qui sont actuellement administrées par l’état et montrent des signes d’inefficacité doivent faire l’objet de négociations et être dirigées par des firmes privées”.

 

Colombie / La FARC dénonce “un génocide” contre leurs ex-combattants

 

La FARC a dénoncé un “génocide” contre les ex-combattants. (Colprensa)

Le parti politique colombien Force Alternative Révolutionnaire du Commun (FARC), a exhorté le mandataire colombien Ivan Duque à honorer les accords de paix signés entre l’Etat et la guérilla FARC-EP dissoute.

“180 Signataires de la paix ont été assassinés. Le gouvernement doit agir de façon effective et mettre en oeuvre cet Accord. L’assassinat de Manuel Antonio Gonzalez, ex-combattant, ratifie le fait qu’il s’agisse d’un véritable génocide” a dit le sénateur de la FARC, Pablo Catatumbo.

Depuis le début de l’année, au moins 19 ex-combattants ont été assassinés.

Les dirigeants et autres sympathisants du parti FARC ont manifesté leur préoccupation devant ces attaques qui ont ôté la vie à ceux qui ont décidé de bon gré de déposer les armes et de permettre la paix sur le sol colombien.

 

Interview

 

Uruguay / Salinas : « Nous aurons une plus nette affirmation de positionnements alignés sur les orientations de la politique des États-Unis ».

 

Le 1° janvier 2020, Luis Lacalle Pou, du Parti National, prendra les rênes de l’Uruguay. Le président nouvellement élu, âgé de 48 ans, clôt un cycle de 15 années de gouvernement de gauche mené par le Frente Amplio (Front Elargi). Qu’est-ce que cela signifie ? Hernán Salinas, journaliste uruguayen et militant du parti Unidad Popular, nous donne son point de vue. 

Après avoir été au gouvernement durant 15 années, le Frente Amplio vient de subir une défaite aux dernières élections présidentielles. Comment expliques-tu ce résultat?

Le Frente Amplio (FA) s’est trouvé confronté à un ensemble de facteurs qui ont provoqué sa défaite. D’un côté, il a perdu des électeurs de gauche – au moins quelques milliers – qui ont rejoint d’autres courants de gauche nés en dehors du Frente Amplio, comme par exemple les partis écologistes.

Il y a aussi un groupe d’électeurs des couches les plus pauvres de la population qui en principe avaient voté pour le Frente Amplio en guise de reconnaissance pour les aides sociales qu’ils recevaient, les programmes d’assistance sociale… mais on constate chez bon nombre d’électeurs de ces secteurs un manque de prise de conscience politique sur des bases d’une conviction de gauche affirmée et ces électeurs ont alors pu être séduits par un nouveau parti politique, le parti Cabildo Abierto (forum ouvert) qui avait pour candidat Guido Manini Rios, ex Commandant en Chef de l’Armée et nommé à ce poste par le gouvernement même de Tabaré Vásquez. Et nous avons par ailleurs un mécontentement de certaines couches des classes moyennes qui durant ces dernières années de crise ont cessé d’accorder leur soutien au Frente Amplio.

Un autre sujet de mécontentement et de préoccupation pour la population c’est l’insécurité, la hausse du taux de la délinquance dans notre pays. Enfin, c’est le candidat même du Frente Amplio, Daniel Martínez, qui représente une autre cause de la défaite, à cause de son piètre talent d’orateur comparé à celui des candidats précédents et son manque de charisme en comparaison d’un Tabaré Vásquez ou d’un Pepe Mujica. Et puis il y a eu aussi beaucoup de contradictions dans l’organisation de la campagne de la gauche, particulièrement si on compare avec la force de Lacalle Pou qui a fait d’énormes progrès dans sa communication et qui a conduit une campagne très bien organisée.

Le Frente Amplio a aussi payé des affaires de corruption. Souvenons-nous que Raúl Sendic a dû renoncer à briguer la vice-présidence après avoir été mis en examen pour des irrégularités de cette nature et, en plus, il a été responsable d’une gestion déplorable – des centaines de millions de pertes – de l’entreprise nationale des combustibles.

Quelle politique peut-on attendre de la part du gouvernement de Luis Lacalle Pou ? 

Un virage complet vers le néolibéralisme, ce qui ne veut pas dire que les gouvernements successifs du Frente Amplio n’avaient pas déjà donné quelques gages à certaines politiques néolibérales. Même si Lacalle Pou a clairement déclaré qu’il continuera de soutenir les politiques d’assistance sociale mises en place par le Frente Amplio, il a aussi affirmé qu’il développera une politique en faveur de la libre entreprise, qu’il étendra des traités bilatéraux, qu’il avancera avec plus d’agressivité vers la privatisation de larges secteurs de l’Etat (le Frente Amplio est déjà allé dans cette direction avec la tertiarisation); il y aura un ajustement de la fiscalité ; il y aura une réforme de la sécurité sociale à l’image de ce qui s’est fait au Brésil, au Chili ; l’âge du départ à la retraite sera reculé. On doit aussi s’attendre à des mesures conformes à ce que réclament les institutions financières internationales. Nous aurons des réformes dans l’Education avec des plans et une organisation comme ceux que recommande la Banque Mondiale qui veut une institution au service du marché. Tout cela va être porté à un stade supérieur comme l’a précisément déclaré le gouvernement que Lacalle Pou vient de constituer.

Sur le plan international, l’Uruguay s’est fait remarquer par sa défense de la non-intervention dans les affaires d’autres pays et par son respect du Droit International. Ce nouveau gouvernement pourrait-il changer de politique ?

C’est peut-être sur ce point que les conséquences des dernières élections en Uruguay seront les plus grandes, car assurément nous aurons une plus nette affirmation de positionnements alignés sur les orientations de la politique des États-Unis. Ces dernières années, par son vote, l’Uruguay n’a pas soutenu le Venezuela ou l’Iran, même s’il est vrai que nous avons eu quelques timides déclarations en faveur de ces processus populaires, mais avec Lacalle Pou, une politique de suivisme des États-Unis sera plus fortement affirmée. Lacalle Pou a déjà annoncé que l’Uruguay sortira du mécanisme de Montevideo qui avait pour but d’impulser une politique de dialogue en soutien au Venezuela. En principe il a déclaré qu’il ne va pas adhérer au Groupe de Lima, qui est désormais un organisme multilatéral bien constitué, mais il y aura sûrement des prises de position en faveur d’une telle orientation.

 

Fresque dédié à Argimiro Gabaldón à Caracas. (Ricardo Vaz)

 

Veines ouvertes : Carache vit encore!

 

Le 13 décembre 1964, il y a 55 ans, Argimiro Gabaldón, connu sous le nom de commandant Carache, a été assassiné.

Argimiro a commencé ses activités militaires au sein du Parti communiste du Venezuela (PCV) à tout juste 19 ans . Bien que fervent partisan de la paix, il s’est rendu dans les montagnes vénézuéliennes au début des années 1960, en tant que fondateur du Front de guérilla des Forces Armées Nationales de Libération (FALN), pour combattre les gouvernements de l’époque alignés avec Washington.

Le commandant Carache a déclaré qu’ “il fallait non seulement changer le gouvernement mais aller à la racine des problèmes pour générer des changements transcendantaux et non formels”.

Gabaldón représentait un risque pour les élites et le 13 décembre 1964, il fut victime d’un coup de feu «accidentel» qui a mis fin à ses jours à l’âge de 45 ans. Cependant, certaines théories rejettent cette version.

Argimiro s’est également démarqué en tant que peintre et poète. Un de ses poèmes se termine comme suit: “Nous sommes la vie et la joie, en lutte constante contre la tristesse et la mort.”

 

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Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne correspondent pas forcément à celle des membres de l’équipe de rédaction d’Investig’Action.

Traduit par Sylvie Carrasco, Manuel Colinas Balbona et Ines Mahjoubi. Relecture par Ines Mahjoubi.

 

Source : Investig’Action

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