Qui va payer les pots cassés?

Le 04 avril 2009

Que sont devenus les neolibéraux ? Après qu’eut disparu en peu de mois le quart de la richesse planétaire, ils ont disparu eux-mêmes. A présent ils ne prêchent plus que l’omnipotence du capital mène droit au ciel, parce qu’il nous a précipité en enfer. De même, ils ne protestent plus contre l’intervention de l’Etat, parce que ce dernier leur alloue des parachutes dorés pour les remercier d’avoir causé le Déluge. Très peu proposent la dérégulation, car l’anarchie de la concurrence fut l’arme avec laquelle ils se sont eux-mêmes entretués. Le seul point sur lequel ils insistent est le fait que celui qui doit payer les pots cassés, c’est le travailleur. Comme l’a dit Eduardo Galeano, le socialisme après tout ce n’est pas si mal, quand on peut socialiser les pertes.

Toute catastrophe met à nu l’ordre qui l’a produite. Pendant le naufrage du Titanic, l’accès aux canots fut interdit aux marins, aux seconde et troisième classes, aux servants et machinistes, et à l’orchestre qui a joué pendant la plongée. Source de tout bénéfice, le travailleur est de même le remède à toute perte. « Le sacrifice doit être partagé », a déclaré la Fedecamaras après la fermeture ratée de 2002 et le licenciement de dizaine de milliers de personnes. L’assureur AIG reçoit 173 milliards de dollars d’aides financières et destine 450 millions en primes de remerciement aux cadres qui l’ont ruiné. Le capitalisme sacrifie toujours ceux qui ont créé sa richesse.

Par conséquent, aux Etats-Unis 3.600.000 travailleurs sont à la rue, pendant que l’Organisation Internationale du Travail prévoit que pour fin 2009, 51 millions d’emplois supplémentaires seront perdus dans le monde et révèle de brutales remontées de chômage dans les pays dominants : 14,4% en Espagne, 8,1% en France, 8,1% aux Etats-Unis, 7,2% en Allemagne, 6,2% en Suède, 6,7% en Italie, 6,1% en Grande-Bretagne (Nelson D. Schwartz : « Emplois troublés » ; The New-York Times, 21-2-2009, p.3). L’Union Européenne a 17,5 millions de sans-emplois et on en prévoit 3,5 de plus en 2009. La situation n’est pas meilleure pour les pays qui ont attaché leur économie au rouleau compresseur du capitalisme. En Chine, 20 millions de personnes ont perdu leur emploi ; en Inde, seulement entre octobre et décembre 2008, il y a eu un demi-million de nouveaux sans-emploi. Pour l’Amérique du sud, l’Organisation Internationale du travail en prévoit 2,4 millions de plus en 2009. Le capitalisme ne peut plus créer d’emplois.

De même que les spéculateurs se sont lancés dans la bagarre pour les bénéfices, leurs travailleurs se disputent le peu d’emplois qu’il reste. Pour se les garder, on fait des discriminations sur le sexe, la race, la religion, on durcit les lois sur l’immigration, on ferme les frontières, on applique des « Aides au Retour » et on érige des « Murs de la Honte » contre les immigrants légaux ou illégaux. On propose l’impossible retour à 18 millions d’émigrés mexicains, 5 millions de colombiens, 3 millions de péruviens, 3 millions de boliviens, un million et demi de salvadoriens, 1 million de nicaraguayens, 800.000 équatoriens, qui cherchent du travail dans les grandes métropoles. La crise secoue les pays qui dépendent des envois de leurs émigrants. Le Mexique voit fondre les 4.224 millions de dollars qu’ils reçoit annuellement d’eux ; le Brésil ses 1.213 millions ; le Salvador ses 1.086 millions ; la République Dominicaine ses 847 millions de dollars. L’absence de renvois d’argent des émigrants frappe aussi quasi toute l’Afrique et une grande partie de l’Asie.

Sans travail il n’y a pas de salaire ; sans salaire il n’y a pas de consommation. Les économies des pays développés diminuent leurs importations venant des pays en voie de développement : la crise se déplace vers les victimes habituelles. Obama lance le slogan « Achetez américain ! », ce qui signifie : n’achetez pas à d’autres pays. C’est une condamnation à mort de la part du premier pays importateur du monde, qui en 2007 a acheté pour 1.985.000.000.000 dollars à l’étranger. La production des pays périphériques ne trouve pas acheteur, les prix des produits font une chute en piqué, les industries ferment, les travailleurs se retrouvent à la rue.

Mais à leur tour, les pays en voie de développement, affectés par la faillite de leurs entreprises et le chômage qui en découle, restreignent leur demande en importation de biens venant des pays développés. En 2007 les Etats-Unis exportaient des biens pour un montant de 1.149.000.000.000 de dollars. Une partie significative de ces biens ne trouve plus acquéreur. Une infinité d’entreprises qui spéculent sur ces biens y laisseront leur peau. La crise s’enroule comme une spirale qui à chaque tour majore ses effets, et, livrée à elle-même, va resserrer son étau jusqu’au collapsus total.

Une économie privée qui ne peut se tirer d’affaire d’elle-même peut être sauvée par l’Etat. Mais ne nous trompons pas : l’aide de l’Etat est elle-même payée par les travailleurs, premières et dernières victimes de tout ce processus. Les aides financières, les grands travaux publics, les injections de crédit dans le système économique, l’augmentation des dépenses militaires, classiques mesures « keynesiennes », se financent via des procédés eux aussi classiques: augmentation démesurée de l’argent circulant, ce qui dévalue la monnaie ; approfondissement de la dette publique qui devra être payée par une augmentation des impôts ; déficit systématique, qui en fin de compte se soldera aussi par des augmentations d’impôts. Et tout cela sera pris dans le portefeuille du citoyen.

Ainsi partout dans le monde les régimes d’imposition sont truqués pour que les grandes entreprises paient peu voire rien du tout, et les petits contribuables paient la quasi totalité de la charge fiscale. Les Etats-Unis ont obligé quelques banques suisses à révéler les noms de leurs déposants. Par contre ils ne font rien contre les Paradis Fiscaux des Iles Vierges et des Iles Caïman, sur leur propre côte, où vont être déposés les impôts que les multinationales ne paient pas en Amérique Latine grâce au « Traité contre la Double Imposition ».

Avant la crise, il y avait 1.400 millions de pauvres, 963 millions de personnes en sous-nutrition et 190 millions de sans-emploi, soit un total de 2.553 millions personnes, 38% d’êtres humains en situation précaire. La crise fera grimper ces chiffres. Si vous voulez savoir qui la payera, tendez un miroir vers vous.

Source: http://luisbrittogarcia.blogspot.com/

Traduit par Jean-Louis Seillier pour Investig’Action.

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