Portugal : Les conséquences dramatiques de l’austérité imposée par la Troïka

Voici un an avait lieu la grande manifestation du 12 mars 2011 – de la Geração à Rasca (Génération Précaire) – qui a réuni 500.000 personnes dans tout le pays pour s’opposer à la détérioration des conditions de travail et au démantèlement des droits sociaux.

 

Elle a donné naissance au mouvement 12M |1|. Quelques jours plus tard était imposé un plan d’austérité drastique accompagnant un prêt de la Troïka |2| qui a aggravé les conditions de vie d’une grande majorité de la population.

 

Le Portugal où les conditions de vie de la population étaient déjà les moins bonnes de la zone Euro a été – à l’instar de la Grèce – lourdement affecté par les mesures de la Troïka. Le taux de chômage officiel a atteint 14% en 2011, le taux réel étant lui de plus de 20% du fait de l’absence dans les chiffres officiels de comptabilisation de centaines de milliers de personnes sans emploi décent ou qui ont cessé de chercher de l’emploi.
Lorsqu’on analyse l’évolution de la situation entre le début et la fin de l’année 2011, on constate que le chômage de longue durée a augmenté de 23,6%. Au 3e semestre 2011, ce sont en moyenne 437 emplois par jour qui ont été détruits alors qu’au 4e semestre après la révision du mémorandum par la Troïka ce nombre a plus que triplé pour atteindre une destruction de 1314 emplois par jour |3|.

 

Cette évolution conduit bien évidemment à une augmentation de la pauvreté qui entraîne des conséquences en cascade. En 2011, seule 27,3% de la population active sans emploi a réellement perçu une indemnité de chômage contre un chiffre officiel qui était lui de 41% |4|. La destruction des stabilisateurs économiques comme l’indemnité de chômage, le revenu minimum d’insertion, l’allocation de soutien aux familles destinées au maintien d’un pouvoir d’achat minimal a eu pour conséquence la fermeture de milliers de petites entreprises et la destruction des postes de travail du secteur.

 

Une étude de 2009 de l’Institut national de statistiques montrait qu’après les transferts sociaux, 10,3% des travailleurs en situation d’emploi vivaient sous le seuil de pauvreté |5| contre 37% des travailleurs sans emploi.
Alors que la situation s’est considérablement aggravée depuis 2010, le montant dépensé en indemnités de chômage et de licenciement a diminué en termes réels |6| de 15,1% alors que pour le revenu social d’insertion et l’aide aux familles la baisse est respectivement de 37,5% et 34,4%.
En dehors de l’emploi formel proprement dit il faut également mentionner les "faux indépendants" (les « reçus verts ») qui sont confinés dans une situation où ils travaillent mais sans contrat ce qui rend leur statut encore plus précaire |7| que celui des salariés avec contrat. Plusieurs mouvements Precários Inflexíveis, M12M, FERVE et Intermitentes do Espectáculo e Audiovisual se sont ainsi regroupés pour organiser une action de dépôt d’une pétition signée par plus de 35.000 personnes le 12 janvier au Parlement |8|.
Quant à la santé et l’éducation, elles ne sont bien sûr pas épargnées, le gouvernement et la Troïka ont décidé lors de la révision du Memorandum en décembre 2011, la réduction d’un milliard d’euros au titre des dépenses de santé et plus de 1,5 milliard d’euros en matière d’éducation |9|.
Tout cela allié au doublement en moyenne des impôts payés par la majorité de la population va plonger des centaines de milliers de familles dans une très grande pauvreté.

 

Au lieu que le gouvernement prenne position contre la dette illégitime imposée par les marchés financiers et la Troïka, il préfère prévoir d’annuler 74,8% de dettes de tiers vis à vis de l’organisme de sécurité sociale. Une partie importante de ces dettes est constituée de prélèvements patrons sur les salaires, prélèvements qui n’ont pas été transmis à la sécurité sociale. Un rapport de la Cour des comptes évaluait que les dettes vis-à-vis du fisc représentaient, elles, 17,3 milliards d’euros à la fin 2010 |10|. Si cela se confirme, ça aura évidemment des conséquences catastrophiques sur ces organismes publics.

 

A tout cela, il faut aussi ajouter la question des Partenariats Public Privé (PPP) qui comme mentionné dans un précédent article |11| représentent "environ 80% grands projets dans le domaine des infrastructures, autoroutes, ponts, hôpitaux pour un montant d’une cinquantaine de milliards d’euros". Alors qu’il était question d’un audit de ces PPP selon une proposition faite par le représentant du Blocco de Esquerda, José Gusmão, cette demande a bien été reprise mais a été confiée sans délibération au cabinet international d’audit Ernst&Young pour examiner 36 partenariats public privé et 24 concessions contre une rémunération de 250.000 euros. Or, celui-ci conseille déjà certains groupes impliqués dans ces affaires et se trouve donc à la fois juge et partie, position qui devrait le disqualifier d’emblée. L’Iniciativa Cidadà de Auditoria à Divida Pública (l’Initiative pour un audit citoyen) lancée à Lisbonne les 16 et 17 décembre 2011 a dénoncé dans un communiqué de presse cette collusion d’intérêts et exige d’urgence un audit indépendant des partenariats publics privés |12|.

 

A l’occasion de la journée des femmes, la Coordination Portugaise de la Marche Mondiale des Femmes et l’association portugaise féministe UMAR ont, elles, lancé la demande d’audits citoyens avec l’intégration de l’impact des mesures d’austérité sur les femmes |13|.

 

Face à ce déferlement d’austérité et cette confiscation de la revendication d’un audit indépendant des Partenariats Public Privé, les Portugais n’ont guère d’autre choix que de se mobiliser pour tenter d’infléchir le rapport de forces.

 

Après la grande manifestation du 11 février qui a réuni à Lisbonne plus de 300.000 personnes de toutes les régions du pays sur le mot d’ordre "Non à l’exploitation, aux inégalités et à l’appauvrissement. Une autre politique est possible et nécessaire" la CGTP, principale confédération syndicale a annoncé lundi 12 mars 2012, jour anniversaire de la grande mobilisation de 2011 un préavis de grève générale pour le 22 mars |14|.

 

Source: CADTM

Notes:

|1| http://www.movimento12m.org/?q=node/14

|2| D’un montant de 78 milliards d’euros, il représente 35 milliards en intérêts information communiquée dans la déclaration Não à exploração, às desigualdades e ao empobrecimento.Outra política é possível e necessáriadu secrétaire général Arménio Carlos http://cgtp.pt//index.php?option=co…

|3| Chiffres tirés de l’article Governo intensificou destruição do emprego e aumento do desemprego – Em 2011 Portugal perdeu 37.108 milhões € de riqueza devido ao desemprego de l’économiste Eugénio Rosa ; http://resistir.info/e_rosa/desempr…

|4| Idem

|5| Idem.
Le Portugal était au sein de la zone Euro, le pays où le salaire minimum horaire brut légal est le plus faible à 2,92 euros. Iconographie Disparités au sein de l’Union, Dossier Main basse sur les salaires, Le Monde Diplomatique, Février 2012, p.10. Voir également Gwenaëlle Lenoir et Marie-Line Darcy, "Au Portugal, ne dites plus « précaires » dites « reçus verts »", Le Monde Diplomatique, janvier 2011 http://www.monde-diplomatique.fr/20...

|6| En valeur de 2012 par rapport aux prix de 2010.

|7| Ibid Gwenaëlle Lenoir et Marie-Line Darcy.

|8| Voir le site http://www.leicontraaprecariedade.net/

|9| A destruição dos estabilizadores sociais automáticos pelo governo PSD/CDS, Eugenio Rosa http://resistir.info/e_rosa/estabil…

|10| Idem

|11| Le Portugal, dernière victime en date du modèle néolibéral, Virginie de Romanet, http://www.cadtm.org/Le-Portugal-de…

|12| Comunicado de Imprensa : Conflito de interesses põe em causa a validade e a credibilidade da auditoria às PPP ; http://www.auditoriacidada.info/art…

|13| Protestation féministe anti-austérité ; http://www.cadtm.org/Protestation-F…

|14| http://cgtp.pt//index.php?option=co…

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