Paraguay: bilan et défis de la réforme agraire de Lugo

Entretien avec Fernando Lugo, président du Paraguay

Le président de l’Equateur, Rafael Correa, expliquait que lors du Forum social de Caracas de 2006, il déambulait en sandales tel un participant anonyme, tout comme celui qui a fini par devenir le président du Paraguay. En effet, personne n’imaginait alors que un an et demi plus tard Fernando Lugo échangerait sa robe d’évêque pour un passeport diplomatique de Président de la République.Il est maintenant de retour au Forum social mondial, cette fois à Belem, Brésil.
02/02/2009

La réforme agraire a été l’un des piliers fondamentaux de votre programme électoral. Dans quelle situation vous trouvez vous actuellement, après cinq mois de gouvernement?

La réforme agraire n’a jamais été menée sérieusement au Paraguay. Il y a bien eu quelques tentatives mais elle n’a finalement jamais été réalisée. Maintenant, nous avons créé une coordination qui comprend non seulement l’objectif de transférer de terres afin que les agriculteurs puissent cultiver les parcelles, mais également une assistance technique, de crédit, etc … de manière générale, pour les personnes les plus défavorisées. Ensuite, pour les paysans sans terre, il a été prévu de lancer un programme développé par eux-même.

Quel serait actuellement le principal problème économique que le Paraguay et son gouvernement doivent affronter?

Sans aucun doute, notre plus grand défi est la création d’emplois et la lutte contre l’émigration des jeunes. Après cela, il faudra aussi construire des logements. Cela exige que le Paraguay développe son l’industrialisation. Nous ne pouvons pas rester de simples exportateurs primaires de céréales. Le secteur génèrera des emplois et répondra aux problèmes économiques du pays.

Vous avez accédé au pouvoir sous la bannière du parti de l’Alliance Patriotique pour le Changement, une coalition formée par plusieurs partis avec des idéologies différentes. Dans quelle mesure cette particularité pourrait empêcher la mise en œuvre de vos propositions politiques?

Sans aucun doute, la situation est plus compliquée que s’il s’agissait d’un parti unique. Nous sommes dix partis politiques représentés et vingt organisations sociales. En outre, il faut ajouter à ce constat l’existence de divergences avec la majorité parlementaire. Nous étions conscients que cela risquait de conduire à des complications, la première étant la question du pouvoir parce que traditionnellement le gouvernement a toujours été considéré comme une sorte de grande répartition du gâteau qu’ exige de la direction de l’État, mais il s’agit d’une lecture que nous voulons éviter. Bien que le parti majoritaire, le groupe libéral, soit conservateur, nous avons jusqu’à présent entretenus de bonnes relations.

Il a été mentionné dans les divers médias l’existence d’une base militaire américaine au Paraguay. Est-ce le cas ou sa présence est-elle du moins envisagée?

Nous avons étudié cette question au moment de notre arrivée au pouvoir, et nous avons pu confirmer que, au moins dans la Région du Chaco, il n’existe pas de base militaire ou d’accord en vue de l’installation d’une éventuelle base future. Il existe cependant un accord de coopération avec l’élite des forces américaines, supposant la présence au Paraguay d’un certain nombre de conseillers des États-Unis ne dépassant pas dix personnes.

Les différents présidents progressistes latino-américains, concrètement ceux de la Bolivie, du Venezuela, de l’Equateur et du Paraguay, lors du Forum Social de Belem (Brésil), ont réaffirmé une fois de plus leurs appels en faveur de l’intégration. Comment interprétez-vous dans le cadre de cette initiative, l’existence d’autres gouvernements de la région avec lequel vous ne possédez pas la même ligne idéologique, par exemple, la Colombie et le Pérou?

L’élément idéologique n’est pas nécessairement le seul à être pris en compte. Il existe d’autres racines culturelles communes de notre histoire qui permettent de faciliter l’intégration. Un rapprochement respectueux est en train de se produire comme Unasur l’a démontré. Nous sommes certainement face à un défi avec de nouveaux éléments, tels que l’énergie et l’environnement.

L’annonce de votre candidature présidentielle n’a pas été bien reçue par l’Eglise catholique. Quelle est la situation actuelle à ce sujet?

Mon statut est celui d’un laïc, praticien de la doctrine et de l’éthique chrétienne.

Les États-Unis ont un nouveau président, quel est votre opinion à ce sujet et vos attentes?

Barack Obama a suscité de grands espoirs, nous sommes nombreux à espérer qu’il change la position de son pays face au continent latinoaméricain. Par exemple, je pense que Guantanamo est cubain et qu’il doit revenir à la souveraineté de Cuba. Mon avis est qu’il ne sera pas facile de mettre en oeuvre des changements dans la direction qu’il désire suivre, en particulier en ce qui concerne les guerres que les Etats-Unis ont fomentées. En Amérique latine, je pense que les relations des États-Unis avec le continent devraient être plus respectueuses.

Le gouvernement du Paraguay maintient une différence significative avec le Brésil pour le traité concertant le barrage d’Itaipu sur le fleuve du même nom, à la frontière entre les deux pays. Comme on le sait, le Paraguay estime que le partage de l’énergie créée à cet endroit est inégal. Dans quel état d’esprit de déroulent les négociations?

C’est une question très délicate pour le peuple paraguayen. Le traité a été signé au cours des différentes dictatures et le temps passé depuis lors implique une certaine mise à jour. Nous avons déjà installé une table technique, une autre diplomatique et politique. La première d’entre elles a déjà fait beaucoup de progrès parce que des six points présentés, quatre ont déjà été acceptés par le gouvernement brésilien.

Traduit par Estella Varas Reyes pour Investig’action, révisé par Magali Urbain.

Source:www.rebelion.org

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