Obama et le mouvement contre la guerre

Puisque l’euphorie des adorateurs d’Obama tend vers un paroxysme et que les spécialistes annoncent l’arrivée de très grandes choses, ce sont les petits changements qui me préoccupent, en particulier ceux qui concernent directement mon travail, qui consiste à débusquer le Parti de la guerre, où qu’il se terre à présent.
18 décembre 2008

Source: « Antiwar » (1)

L’élection de Barack Obama a été le signal qui a poussé bon nombre de ces gens à déserter comme une nuée de mouches les carcasses des campagnes qu’ils avaient ralliées et à sauter sur le corps tout chaud de la nouvelle administration, qui représente une cible d’assez belle dimension. C’est un jour nouveau et, à l’ère d’Obama, les bataillons du Parti de la guerre se massent (2) du côté d’une prétendue gauche. Voilà précisément le genre de changement auquel je puis croire.

Ah, oui, les petits changements, en particulier ceux qui me préoccupent personnellement : ceux auxquels je m’intéresse vraiment, c’est bien naturel, et le changement le plus important – et je dois dire qu’il vient comme un soulagement bienvenu – fera partie de mes cibles. Au lieu de devoir m’occuper de ces néo-conservateurs exaspérants (3) aux tendances républicaines, je vais m’occuper d’une bande absolument nouvelle.

Naturellement, tout un tas de néo-cons vétérans vont réapparaître, en particulier dans les marges de la nouvelle administration, mais le cœur même de la force du Parti de la guerre se situera au département d’État [l’équivalent de notre ministère des Affaires étrangères, NDT], avec Hillary Clinton (4) regardant de haut un nouveau nid (5) d’oisillons néo-cons (6), mais cette fois de la variété social-démocratique.

En alliance avec les interventionnistes « humanitaires », dont la marotte est d’envoyer des troupes dans des endroits comme le Kosovo (7), le Darfour (8), le Congo (9) et la Birmanie (10), ce nouveau Parti réinventé de la guerre est tout disposé à ouvrir plusieurs nouveaux fronts dans notre sempiternelle « guerre contre le terrorisme » (11), avec des conséquences potentiellement cataclysmiques pour l’Amérique et le monde entier.

L’influence décisive (12) du Parti de la guerre dans l’administration Obama va pleinement apparaître (13) lundi, de sorte que même les plus mous des fans d’Obama, à gauche, resteront pantois tout en se demandant pour qui et pour quoi ils ont voté. Hillary la belliciste (14) aux Affaires étrangères, le seigneur de guerre de Bush (15), Robert Gates, à la Défense, et le général Jim Jones (16) – qui veut stationner des troupes américaines dans les territoires occupés (17) sous l’égide de l’Otan ! – en tant que conseiller du président en matière de sécurité nationale.

Oui, les électeurs hostiles à la guerre ont quand même misé sur Obama, en se disant que n’importe quoi serait meilleur que quatre années de plus (18) de belligérance bushienne et, aujourd’hui, ils découvrent à leur grand dam que les dés étaient pipés.

La même vieille bande qui nous a amené l’invasion de l’Irak est de retour, sinon en pleine force ou dans sa forme la plus pure, du moins en nombres inquiétants et à des postes importants. On peut déjà entendre crier à la « trahison » (19). La réponse des adorateurs d’Obama parmi la petite aristocratie libérale, et en particulier parmi ceux qui occupent des positions de choix dans les colonnes éditoriales des principaux journaux de la nation, fut servie (20) par E. J. Dionne depuis le perchoir qu’il occupe au Washington Post :

« En élisant Barack Obama, le pays a échangé la politique étrangère du second président Bush contre celle du premier président Bush. Telle est la signification de la décision apparente d’Obama de garder Robert Gates au poste de secrétaire à la Défense et de choisir également Hillary Clinton comme secrétaire d’État. »

Cela ravit Dionne au plus haut point, même si cela déprime ces électeurs anti-interventionnistes qui pensaient qu’ils avaient un allié à la Maison-Blanche. Le message qu’il nous adresse est suffisamment clair :

« La vérité à propos de la conception du monde d’Obama se dissimulait à la vue de tous dans son discours sur la politique étrangère, discours qui, sur le plan politique, devait avoir le plus de répercutions. Les démocrates hostiles à la guerre avaient applaudi Obama pour avoir pris la parole à l’adresse d’un rassemblement contre la guerre en Irak. C’était à la Federal Plaza de Chicago, le 2 octobre 2002. Son opposition à la guerre fut un atout majeur dans son combat contre Clinton en vue de sa nomination.

« Obama dénonçait en effet la guerre imminente en la qualifiant de ‘stupide’, ‘téméraire’ et ‘ne reposant sur aucun élément rationnel hormis la passion’. Mais, en regardant en arrière, le discours pouvait se révéler très, très remarquable pour d’autres choses qu’Obama avait dites et qui le séparaient de bon nombre de ses auditeurs hostiles à la guerre. »

En bref : Va te faire voir, mon pote, et il faudra bien que tu t’y fasses.

Parmi tous les commentaires à propos du retour des « réalistes » républicains dans les cercles du pouvoir de Washington et les hosannas suscités par l’influence croissante (21) de Brent Scowcroft (22), il convient de se rappeler que c’est le même gang qui nous a valu la première guerre du Golfe (23) et le « Nouvel Ordre mondial » de George H. W. Bush (24).

Ce fut une guerre destinée maintenir sur son trône l’émir du Koweït (25) et qui fut déclenchée après que l’ambassadrice américaine en Irak, April Glaspie, eut donné le feu vert (26) à Saddam Hussein pour qu’il franchît la frontière avec ses troupes. De la boucherie de cette guerre naquit (27) la vague de radicalisme antiaméricain qui alimenta (28) le recrutement dans les rangs d’al-Qaïda (29) et qui rationalisa la stationnement de nos troupes (30) en Arabie saoudite. C’est ainsi qu’à l’époque de Bush Ier, nous eûmes les deux pieds dans le bourbier, sans toutefois y être déjà enfoncés jusqu’au cou (31).

Les « peaceniks » du cocktail washingtonien tiennent en haute estime Scowcroft et ses amis du fait qu’ils n’ont pas mis directement le cap sur Bagdad pour y renverser le régime. Cela arrange ces gens d’oublier les origines louches de cette guerre, sa raison officielle – n’est-ce pas James Baker, qui avait croassé « emplois, emplois, emplois » (32), recourant à un argument d’une vulgarité inégalée, sans parler de l’horrible boucherie (33) que subit l’« armée » irakienne qui, à ce moment, était surtout constituée d’adolescents et de vieillards peu armés et pas très désireux d’en découdre.

La première guerre du Golfe prépara la voie (34) à la seconde et à l’actuelle occupation, puisque l’administration Clinton reprit (35) la campagne contre Saddam et sponsorisa l’Iraq Liberation Act (36), qui allait mettre en branle tout le désastreux processus (37) et nous mener à la situation actuelle.

Dionne poursuit en faisant remarquer qu’Obama a déclaré (38) : « Je ne m’oppose pas à toutes les guerres » et il ne l’a pas dit « une fois, mais répété à cinq reprises ». Dionne encense Obama pour avoir mentionné toutes les « bonnes » guerres et cité tout particulièrement les deux guerres favorites des libéraux, la Seconde Guerre mondiale (39) et la guerre de Sécession (40), sans oublier « la bataille contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre ». Cette dernière phrase ne se distingue en rien du combat crépusculaire de George W. Bush impliquant plusieurs générations et qu’Obama compte bien poursuivre, quoique sur un champ de bataille différent, à savoir l’Afghanistan (41) et le Pakistan (42).

Donc, ne vous inquiétez pas, vous tous, les faucons, là-bas : le bon temps n’est pas encore terminé !

La position de Dionne sur le sujet est toutefois celle-ci :

« Les choix sécuritaires nationaux d’Obama provoquent déjà la grogne chez certaines fractions de la gauche hostile à la guerre, même si, il y a six ans, Obama avait fait savoir clairement que, s’il était d’accord avec ces personnes à propos de l’Irak, il n’était pas des leurs pour autant. »

Si vous, les « progressistes », avez l’impression d’être dans la peau de quelqu’un qui vient de se faire virer du plumard avant l’aube et sous l’un ou l’autre prétexte – « Mon gars, qu’est-ce que j’étais bourré, hier soir ! Je ne me souviens de rien ! » –, eh bien, dans ce cas, ne venez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenus.

Eh bien, ici, quelqu’un devait être soûl, bien que ce ne fût probablement pas Obama. Après tout, il n’est pas du genre à s’associer avec quelqu’un qu’il estimait correct, et pour ne s’éveiller qu’avec… Brent Scowcroft (43)!

NOTES EN MARGE

Dionne mentionne le Center for a New American Security (CNAS) en tant que source de talents de l’administration Obama et acteur clé dans l’appareil de décision politique actuellement mis en place. Visitez ce site Internet (44), où je parle du CNAS. En version abrégée, il s’agit d’une sorte de Projet pour un nouveau siècle américain, à quelques petites différences près…

OOOOO

Justin Raimondo est le rédacteur en chef de Antiwar.com. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages : An Enemy of the State: The Life of Murray N. Rothbard (Un ennemi de l’État : la vie de MNR) (45), Prometheus Books, 2000 ; Reclaiming the American Right: The Lost Legacy of the Conservative Movement (La régénérescence du droit américain : l’héritage perdu du mouvement conservateur) (46), avec une introduction par Patrick J. Buchanan), Center for Libertarian Studies, 1993, et Into the Bosnian Quagmire: The Case Against U.S. Intervention in the Balkans (Dans le bourbier bosniaque : l’opposition à l’intervention américaine dans les Balkans) (1996).

Il rédige également des articles pour The American Conservative (47), il fait partie des anciens du Randolph Bourne Institute, c’est un collaborateur assistant du Ludwig von Mises Institute (48), et il écrit fréquemment pour Chronicles: A Magazine of American Culture (49).

Traduit par Jean-Marie Flémal pour Investig’Action

Notes (renvois à divers sites Internet)

(1) http://www.antiwar.com/justin/?articleid=13838

(2) http://www.huffingtonpost.com/2008/11/30/obama-turns-to-friends-an_n_147260.html

(3) http://www.nationalreview.com/

(4) http://www.huffingtonpost.com/david-bromwich/hillary-clinton-votes-for_b_66174.html

(5) http://www.slate.com/id/2205109/

(6) http://www.alternet.org/waroniraq/107666/this_is_change_20_hawks,_clintonites_and_neocons_to_watch_for_in_obama’s_white_house/

(7) http://www.antiwar.com/orig/pilger.php?articleid=4136

(8) http://www.youtube.com/watch?v=OnYjWCARAFE

(9) http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5ildHL_ETBncY7RVdJKp8BLaUWZ4w

(10) http://www.guardian.co.uk/politics/2008/nov/10/gordonbrown

(11)

http://www.sfgate.com/cgi-bin/article.cgi?file=/chronicle/archive/2004/01/15/MNGK14AC301.DTL

(12) http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/us_and_americas/article5263920.ece

(13) http://www.huffingtonpost.com/2008/11/30/obama-turns-to-friends-an_n_147260.html

(14) http://www.amconmag.com/article/2006/mar/27/00007/

(15) http://www.consortiumnews.com/2006/121806.html

(16) http://www.boeing.com/news/releases/2007/q2/070626a_nr.html

(17) http://www.haaretz.com/hasen/spages/1039923.html

(18) http://www.antiwar.com/orig/giraldi.php?articleid=12345

(19) http://www.cbsnews.com/stories/2008/11/26/opinion/main4634552.shtml

(20)

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2008/11/27/AR2008112702048.html?hpid%3Dopinionsbox1⊂=AR

(21) http://online.wsj.com/article/SB122747548224451435.html

(22) http://www.opinionjournal.com/editorial/feature.html?id=110002133

(23) http://www.antiwar.com/mcconnell/mc012202.html

(24) http://www.antiwar.com/stromberg/?articleid=740

(25) http://en.wikipedia.org/wiki/Jaber_Al-Ahmad_Al-Jaber_Al-Sabah

(26) http://www.antiwar.com/justin/?articleid=511

(27) http://www.pbs.org/newshour/terrorism/international/fatwa_1996.html

(28) http://www.antiwar.com/orig/horton.php?articleid=6720

(29) http://www.usatoday.com/news/world/iraq/2003-05-30-wolfowitz-iraq_x.htm

(30) http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=1977111

(31) http://www.youtube.com/watch?v=6BEsZMvrq-I

(32) http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9C0CE3D61739F937A25752C1A966958260

(33) http://www.digitaljournalist.org/issue0211/sloyan.html

(34) http://www.counterpunch.org/scahill1204.html

(35) http://www.cnn.com/WORLD/meast/9812/16/iraq.strike.03/

(36) http://www.fas.org/news/iraq/1998/11/01/981101-in.htm

(37) http://ftp.fas.org/irp/congress/1998_cr/h981005-iraq.htm (38) http://en.wikisource.org/wiki/Barack_Obama’s_Iraq_Speech

(39) http://www.antiwar.com/pat/?articleid=5899

(40)

http://www.amazon.com/Emancipating-Slaves-Enslaving-Free-Men/dp/0812693124/antiwarbookstore

(41) http://www.news8.net/news/stories/1108/572099.html

(42)

http://in.news.yahoo.com/20/20080927/1424/twl-obama-mccain-clash-over-attacks-on-t.html

(43) http://www.scowcroft.com/html/staff/scowcroft.html

(44) http://www.antiwar.com/justin/?articleid=10821

(45) http://www.amazon.com/exec/obidos/tg/detail/-/1573928097/antiwarbookstore/

(46) http://antiwar.com/raimondo/book1.html

(47) http://www.amconmag.com/

(48) http://www.mises.org/

(49) http://www.chroniclesmagazine.org/

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.