Obama vous décernera la carte de journaliste

Les droits associés à la liberté d’expression seront désormais octroyés par les corporations médiatiques et les universités. Une loi qui nie votre liberté d’expression sur Internet est en train d’être approuvée aux Etats-Unis. On veut empêcher que vous soyez le prochain Edward Snowden ou Chelsea Manning. Maintenant on prend pour cible la citoyenneté, qui a pour principe de permettre à chacun de s’exprimer et de communiquer librement.

 

On veut vous harceler, même si vous n’êtes que le petit ami d’un journaliste engagé et que vous collaborez avec lui, comme cela lui est arrivé à David Miranda. (1) On est en train de légaliser la guerre perpétuelle contre nous tous. Cela avait déjà été appliqué à José Couso. (2) 

 

La protection des droits constitutionnels liés à la liberté d’expression sera limitée à ceux qui touchent un salaire des médias ou qui sont inscrits dans les facultés de communication des universités. Vous avez ici la rédaction complète de cette proposition de loi. Vous pouvez constater que là où il était écrit « personne », ils veulent que l’on utilise maintenant « journaliste », afin que ce dernier (qu’ils reconnaissent en tant que tel) soit le seul détenteur du droit à dénoncer le pouvoir. Votre licence sera décernée par ceux-là mêmes qui auront payé votre salaire et qui auront validé votre diplôme.

 

Cette initiative sert à répondre au défi posé par Wikileaks, car elle contient une clause déjà connue comme « clause Assange ». Ce qu’ils appellent aujourd’hui un « covered journalist » (journaliste couvert) exclut de façon délibérée « toute personne ou entité (…) dont la fonction principale (…) consiste à publier des documents provenant de sources originales ayant été révélées sans autorisation ». C'est-à-dire que cette clause a pour seul objectif de blinder les médias conventionnels, dont la  plupart  sont devenus des bureaux de presse et de relations publiques. Elle va droit au cœur du quatrième pouvoir qui se profilait, inauguré par Wikileaks.

 

Le journaliste « embedded », que le Pentagone « embarquait » parmi ses troupes au front, est désormais complété par le journaliste « couvert ». Celui qui touche ou paie une inscription pour devenir journaliste sera le compagnon sans uniforme à l’arrière-garde. L’on veut que les rédactions soient leurs bataillons de réserve. Et les Facultés, leurs académies militaires, spécialisées en désinformation et en guerre psychologique.

 

Après le Vietnam, le Pentagone autorisa les journalistes les plus dociles à être des témoins (plutôt des propagandistes) de ses exploits militaires. Alors les exclus, comme Couso et bien d’autres, sont devenus des dommages collatéraux par les « tirs amis », des cibles à abattre par les troupes « humanitaires ». Maintenant, la guerre perpétuelle s’élargit chez nous. L’arrière-garde civile qui se dresse contre leurs guerres est la prochaine cible.

 

Victor San Pedro est professeur d’université en communication politique (URJC)

Traduction: Collectif Investig'Action

Article originalement paru à Propolis-colmena

 

Notes:

1 José Couso, journaliste assassiné par l'armée américaine lors de l'attaque contre l'Hotel Palestine (où se logeait la presse internationale) à Bagdad, en 2003. Javier Couso est son frère, lui aussi journaliste. Avec d’autres collègues présents lors de l’attaque, il a travaillé sans cesse depuis des années pour dénoncer et envoyer aux tribunaux les responsables de l'attaque planifiée par l'armée pour intimider les journalistes.

http://www.rfi.fr/europe/20130820-nsa-londres-heathrow-am%C3%A9ricain-journaliste-affaire-snowden-detention-david-miranda-fait-vagues

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