Lettre au premier ministre belge visitant Israël

Bruxelles, le 18.03.05

Monsieur Verhofstadt,

il y a quelques jours, j’écoutais les informations à la RTBF radio relatant votre déplacement à l’occasion de l’inauguration du mémorial Yad Vashem à Jérusalem, quand abasourdi, je vous entendais déclarer qu’après votre entretien avec le 1er Ministre Sharon, vous étiez persuadé que le gouvernement israélien était déterminé à poursuivre son plan de paix avec les Palestiniens.

Quelle différence avec les déclarations de M. Ken Livingston, Maire de Londres, quelques jours plus tôt, désignant le 1er Ministre israélien comme « criminel de guerre qui devrait être sous les verrous » ! Quand le contraste est tel, forcément, l’un de vous doit se tromper… Vous ajoutiez qu’aux dires du Ministre Sharon, vous étiez convaincu que le Mur actuel était provisoire et ne constituait pas un obstacle pour la création du futur Etat palestinien…

Pour tout observateur quelque peu lucide et informé de la situation dans la région, il est à se demander s’il s’agit-là d’une provocation gratuite, d’une incompétence crasse ou d’une lamentable méconnaissance de l’un des dossiers les plus brûlants sur la scène internationale.

Puis-je vous rappeler que non seulement la Cour Internationale de Justice de La Haye a émis fin 2004, un avis négatif et sans la moindre ambiguïté quant à la construction de ce Mur ; que l’Europe a suivi (comme toujours !) l’avis de la CIJ et que chacun des pays la constituant s’est engagé à tout mettre en œuvre pour contraindre le gouvernement d’Israël à son démantèlement ; et que l’Assemblée Générale de l’ONU l’a condamné également. En minimisant de la sorte les dramatiques conséquences sur le quotidien de centaines de milliers de Palestiniens, vous procédez d’une inconscience criminelle.

Non content de ces déclarations irresponsables, je vous entendais le lendemain, lors d’un discours tout aussi misérabiliste, vous interroger devant la photo d’un enfant juif victime de la déportation nazie. Il est bien sûr plus facile M. le Ministre, de vous apitoyer sur l’image d’un disparu que de faire face aux victimes encore vivantes qui se débattent pour survivre dans des conditions que vous ne pouvez imaginer, puisque vous ne vous êtes pas rendu dans les villes et villages occupés brutalement par Tsahal et les colons. Car en fait, les regrets ne coûtent jamais rien à ceux qui les présentent. Et surtout, ils ne les engagent pas ! Ce ne sont que des mots, toujours des mots, vides, creux, vains à l’image de ceux qui les manient … Qui pensez-vous donc avoir convaincu avec de telles inepties !? Le devoir de mémoire indispensable devant les atrocités dont les hommes sont coupables est d’une autre nature M. le Ministre, et surtout, d’un tout autre engagement. Parmi les jeunes recrues en Israël, les Objecteurs de conscience qui souvent font de la prison et s’hypothèquent leur avenir social et professionnel, ou encore les Refuzniks ont beaucoup plus de courage que de nombreux cols blancs dans leurs ballets diplomatiques !

Dans quelques années peut-être, entre le Congo et le Rwanda, votre fils ou petit-fils (puisqu’il semble que ce soit entré dans les mœurs de la politique en Belgique) pourra se rendre en Palestine à l’inauguration d’un monument érigé en mémoire des victimes de la politique d’occupation israélienne. Et tout particulièrement, il pourra voir la photo du petit Mohamed Al Durah tué dans les bras de son père au début de l’Intifada à Gaza (vous savez, cette photo qui a fait le tour du monde). Enfin, il devra bien chercher l’endroit du crime parce que dans le même temps où Israël multiplie partout les commémorations et les monuments à la mémoire des victimes du génocide nazi, son armée zélée rase et efface toute trace de ses méfaits à l’encontre des victimes palestiniennes…

Au lendemain des attentats du 11/09/01 aux USA, nous avions déjà dû supporter votre insensée déclaration : « Aujourd’hui, nous sommes tous Américains ! » Très peu pour moi ainsi que pour une majorité de citoyens semble-t-il, croyez-le bien !

Il y a peu, votre confrère K. De Gucht tenait des propos insultants de type colonialiste, aux plus hautes autorités congolaises. Et faut-il revenir sur les maladresses de M. Verwilghen lorsqu’il était Secrétaire d’Etat à la Coopération au Développement… Incompétence, quand tu nous tiens !

Vraiment, M. Verhofstadt, j’invite plus que jamais les pontes du gouvernement, mais particulièrement ceux du VLD à moins d’arrogance et par-dessus tout, au « devoir de réserve » en matière de relations internationales. Et dans la foulée, je vous prie de revenir dans votre bac à sable, et de rester dans les frontières de notre petite Belgique déjà trop grande pour vous semble-t-il, puisque vous semblez incapable d’enrayer la montée du Vlaams-Blok-Belang qui se poursuit de manière continue depuis bientôt 20 ans… vous savez, ce parti d’extrême droite de même nature que ceux qui sont alliés au gouvernement en Israël et à qui vous serrez la main… Mais, après avoir serré celle de G.W.Bush, autre criminel de guerre patent, quoi d’étonnant !?… Où il y a de la gêne,…

Dans tous les cas, PAS EN MON NOM, M. le Ministre !

Daniel Vanhove –

Observateur civil en Palestine

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