La contre-révolution : Hosni Moubarak en liberté

Selon le porte-parole égyptien de la justice, le dictateur déchu Hosni Moubarak pourrait être remis en liberté cette semaine même. Bien que l’on se soit aperçu que l’ex-président et son clan se soient servis de l’Etat comme de leur coffre-fort personnel et se soient remplis les poches de milliards, le ministère public a rejeté le chef d’accusation de corruption. Ce serait alors son successeur au poste de président, Mohammed Morsi, qui devrait occuper la cellule que Moubarak libèrerait. La revanche contrerévolutionnaire n’aurait pas pu s’écrouler de manière plus évidente.

Toutefois, il s’agit d’une contrerévolution qui s’opère après une révolution qui, elle, n’a pas eu lieu. En effet, la destitution de Moubarak, forcée par les imposants mouvements de protestations menés par le peuple et facilitée par l’armée, n’a guère changé les rapports de force. Il n’y a pas eu de changement de régime et encore moins de changement dans le système. La transition présidentielle s’est certes produite mais n’a rien changé à la suprématie des généraux, qui ont fait en sorte que la présidence par un représentant démocratiquement élu, issu des Frères Musulmans, prenne une fin brutale. Strictement aucune transformation structurelle du début jusqu’à la fin n’a pu être observée. Le système étatique est resté en grande partie entre les mains des représentants de l’ancien régime. Avec la destitution de Morsi, les commanditaires de l’armée, tel Napoléon l’aurait fait, se sont servis déjà pour la deuxième fois du mécontentement des foules pour s’assurer leur propre prise de pouvoir. Ces derniers reçoivent également en prime le soutien de l’opposition, malgré le fait que, de par leur faute, celle-ci se soit retrouvée dans l’insignifiance la plus totale.

L’absence d’une stratégie de destitution n’aurait pu apparaitre de façon aussi éclatante au grand jour. Il s’avère une fois de plus que les révolutions ne peuvent être uniquement menées par les classes révolutionnaires et non par la société civile, aussi révolutionnaire pense-t-elle être. D’ailleurs, les Frères Musulmans, qui en ce moment brandissent haut le drapeau de la résistance face à la dictature militaire, font également partie de cette société civile. La violence et l’infamie avec lesquelles l’armée écrase la confrérie ont été vivement critiquées par l’Occident. Après que Washington et toute la bande aient appris à considérer l’islam politique comme un allié face aux régimes laïques insubordonnés, ils ne peuvent plus vraiment reprendre à leur compte la campagne que mène l’armée contre les islamistes. D’autant plus que les partisans de Morsi ont été élus en tant qu’  « alternative » impliquant la mise en place de réformes afin de calmer les mouvements révolutionnaires. Cependant, l’administration Obama n’a pas non plus l’intention de miser plus qu’il ne faut sur la carte islamique, car cela impliquerait la rupture des relations avec les commanditaires de l’armée et la renonciation à l’aide provenant également de l’armée qui s’élève chaque année à un montant de 1,3 milliards de dollars américains. Et oui, cela remettrait tout de même en jeu le traité passé entre Israël et l’Egypte ainsi que les intérêts américains liés au Canal de Suez. Et il ne faut pas exclure le fait que la tentative d’ingérence de Washington dans les affaires égyptiennes, au demeurant assez infructueuse, produit même l’effet inverse que celui escompté : le retour d’un sentiment profondément enraciné dans la culture égyptienne, l’antiimpérialisme.

Traduction: Collectif Investig'Action

Source: Junge Welt

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