L’agonie des soins de santé aux Philippines

Au Philippines, les soins de santé ne se portent pas bien. Si les personnes aisées bénéficient de soins comparables aux nôtres, les plus pauvres n’ont pas cette chance. La plupart d’entre eux ne peuvent pas se faire soigner ou “profitent” – pour les plus “chanceux” – d’un service de piètre qualité.


A notre arrivée à Manille, nous sommes accueillis par des membres d’un syndicat très combatif : l'”Alliance of Health Workers“. Ils tentent d’organiser le personnel médical et militent pour que chaque Philippin ait accès à des soins de santé de qualité. Pour que nous puissions comprendre la signification de leur combat, ils nous convient à visiter quelques hôpitaux où ils sont actifs.

Nous débutons notre journée à Tondo, un quartier pauvre de la capitale. Situé près de la mer, l’hôpital local ressemble à tous les bâtiments : il est vétuste et délabré. Il semble que nous soyons arrivés au bon moment. En raison de la marée, basse ce matin, seul le chemin d’accès est inondé, mais l’humidité qui règne dans le hall me conduit à penser qu’à marée haute, le sous-sol de l’hôpital est lui aussi la proie des eaux.

Dans le bâtiment, l’atmosphère est glaciale. L’hôpital est le seul de Tondo pourtant de nombreux lits sont vides. Et pour cause : “personne ne vient ici volontairement pour se faire soigner“, me confie un des accompagnateurs. Le sous-financement structurel de l’hôpital empêche le personnel de travailler correctement. Il n’y a pas d’argent pour le rémunérer ou pour acheter des médicaments et du matériel. Dès lors, les soins sont dispensés par de jeunes infirmiers inexpérimentés. Ils travaillent jusqu’à 16 heures par jour et. acceptent ces conditions, car pour un exercer un jour à l’étranger, ils doivent renforcer leurs compétences.

Le système de sécurité sociale est limité aux Philippines. Chaque Philippin peut consulter gratuitement un médecin, mais tous les autres frais sont à sa charge. Les personnes qui bénéficient du statut de “charity” sont les seules à pouvoir compter sur une intervention financière de l’Etat, lorsqu’elles se rendent dans un hôpital pubic. Malheureusement la procédure de reconnaissance est très compliquée et lèse les individus qui ont urgemment besoin de soins. Dans la plupart des cas, la population pauvre de Tondo ne peut pas se payer les examens ou les médicaments dont elle a besoin. Comme me l’ont avoué plusieurs personnes, “On vient à Tondo pour mourir“.

A San Lazaro, l’activité est plus intense. Cet hôpital compte 500 lits. Il est spécialisé dans le traitement des maladies infectieuses et est – de ce fait – très fréquenté. La répartition des patients se fait selon l’état d’avancement de leur pathologie. Chaque malade partage sa chambre avec une dizaine de personnes. Partout des ventilateurs dispersent les microbes dans l’air ambiant. L’hôpital San Lazaro jouxte les locaux du département de la Santé. Il n’est donc pas étonnant qu’il reçoive plus de subsides que celui de Tondo. Mais même ici, les gens ne peuvent pas s’offrir des soins appropriés. Ce sont les familles qui lavent leurs proches et leur donnent à manger. Les jeunes infirmières auxquelles nous parlons veulent toutes partir à l’étranger.

Les Philippins sont malades et ils peinent à trouver des infirmiers. Chaque année des dizaines de milliers d’étudiants terminent avec succès leur formation médicale dans des écoles spécialisées de Manille, mais peu d’entre eux veulent exercer sur le territoire national. Aux Philippines les soins de santé sont devenus un business. Ils ne sont plus considérés comme la base d’une cohabitation saine. “Driving the healthcare industry” : le slogan du Kidney Institute à Manille est à cet égard très révélateur. Un traitement dans un hôpital moderne et bien équipé est excessivement cher. Il est de ce fait strictement réservé aux patient les plus aisés. A la demande des autorités, les étrangers ne peuvent plus venir aux Philippines pour se faire soigner, mais comme me le révèle Sol : le tourisme médical à la côte.

La commercialisation des soins de santé n’est pas un problème strictement philippin, il concerne toute la planète. Cette nouvelle conception des soins de santé fait des émules partout, même en Europe. Dès, lors la bataille menée par l'”Alliance of Health Worker” est aussi la nôtre. Nous devons la conduire conjointement. Avec leur pugnacité et leur engagement, les collègues philippins nous montrent d’ores et déjà le bon exemple.

 

Source: intal 

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