Iran : les médias occidentaux sont-ils impartiaux?

La journaliste égyptienne Sara Khorshid analyse la façon dont les médias occidentaux ont traité l’élection présidentielle iranienne et les événements qui ont suivi.

Le 22 juin 2009

Le Caire – Il est difficile, je trouve, de savoir et, a fortiori, de comprendre ce qui se passe vraiment en Iran. Chaque fois que je me branche sur internet pour y consulter des sites d’actualités respectables, l’Iran fait les grands titres.

N’empêche, je ne sais toujours pas si le résultat de l’élection est légitime ou non, je ne sais toujours pas si une majorité d’Iraniens est contre le président conservateur Mahmoud Ahmadinejad, je ne sais pas non plus si les foules qui descendent dans la rue ne sont qu’une minorité dans une population de 70 millions d’habitants.

Pourtant, les sources d’information sont abondantes. Mais la situation que décrivent les médias occidentaux est le plus souvent subjective, se rangeant aux côtés de l’opposition iranienne, selon un schéma manichéen, avec les bons d’un côté, les méchants de l’autre.

Pour ma part, je ne sais trop que penser de ces événements que la presse occidentale décrit comme un soulèvement contre la révolution islamique. Si j’essaie d’être raisonnable, je sais qu’une opposition déçue s’estime souvent lésée par les résultats d’un scrutin. C’est souvent le cas, tout autant dans les pays démocratiques que dans les autres.

Depuis quelques décennies, les élections iraniennes avaient la réputation d’être “correctes”. Certes, le système encadre strictement la possibilité de présenter une candidature aux élections législatives et présidentielles. Mais une fois ce sas franchi, le scrutin nous semble se dérouler équitablement.

Une fraude généralisée ou des inexactitudes sont, il est vrai, toujours possibles. Mais jusqu’à présent, aucun élément objectif ne prouve que ce soit le cas et rien ne permet à l’opinion occidentale de voir en Mir Houssein Mousavi, le candidat malheureux, la victime d’un complot.

Ce n’est pas parce que des foules se rassemblent pour le soutenir qu’il est forcément l’homme politique iranien le plus populaire, ni que ses droits ont été bafoués par le président en exercice et la droite iranienne. Ahmadinejad peut aussi faire descendre des milliers de gens dans la rue.

Le même raisonnement s’applique à d’autres dirigeants politiques hostiles à l’Occident, comme Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, dont les partisans libanais se comptent par centaines de milliers.

Voici maintenant que la presse occidentale s’indigne des heurts entre la police iranienne et les manifestants, alors qu’on aurait pu s’y attendre après les avertissements lancés par les autorités à l’intention de ceux qui auraient l’intention de contester dans la rue les résultats du scrutin. Avec un degré de violence variable, on voit partout dans le monde la police charger contre les manifestants, comme en témoignent les manifestations anti-américaines qu’on peut voir en Corée du Sud, au Pakistan ou au Royaume-Uni. Dès l’instant que cela se passe en Iran, le monde entier s’étrangle d’indignation.

Dans ma ville, Le Caire, les CRS étant souvent plus nombreux que les manifestants, ils n’ont aucun mal à les réprimer. Ils harcèlent sexuellement les manifestantes ; lorsque mes amies vont à une manif, elles se mettent en pantalon pour éviter les agressions des policiers en civil.

Et pourtant, quand il s’agit de l’Egypte, la presse mondiale ne s’indigne ni de ces infamies ni de la sévérité de la répression. Cela fait tout juste des brèves dans la section Moyen-Orient de BBCNews.com ou de CNN.com.

Le jour du discours du président Barack Obama au Caire, la police a vidé les rues, houspillant les piétons égyptiens innocents qui essayaient seulement de marcher ou de conduire dans ces rues habituellement fréquentées. Un ami de mon père, qui habite près de l’Université, s’est vu interdire de se tenir sur son balcon. Personne n’a lu ça à la une des journaux occidentaux.

Il fut un temps où l’Egypte correspondait au profil qui plaît à l’Ouest.

C’était en 2005, lors de la première élection présidentielle en Egypte, qui répondait aux ambitions de promotion de la démocratie chères à l’ancien président George W. Bush. A l’époque, les médias bruissaient de l’évocation du “vent nouveau” qui était censé souffler sur l’Egypte.

Quelques mois plus tard, lors de législatives qui furent relativement plus libres et correctes que les consultations précédentes, 88 Frères Musulmans étaient élus à la députation. Le vent du changement cessa tout à coup de souffler. L’Egypte ne faisait plus la une des médias, alors que, pourtant, la répression illégale des forces d’opposition se faisait plus sévère. C’est que ces élections législatives égyptiennes avaient envoyé un signal d’alarme à l’Ouest, suscitant la crainte de l’avènement d’un islam politisé.

Alors ne nous réjouissons pas encore. Si ça se trouve, ces manifestants iraniens n’ont aucune intention de renverser le régime. Les médias devraient faire preuve de plus d’exactitude et d’impartialité. Les restrictions imposées par le gouvernement iranien aux moyens d’information occidentaux ne justifient pas de se ranger du côté de l’opposition, même si les violences exercées contre des manifestants pacifiques ne sont pas acceptables.

Source: Al Arabiya News Channel

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