Goma occupée par des troupes rwandaises

Lundi 19 novembre, des troupes de l’armée rwandaise ont traversé la frontière à partir de la ville de Gisenyi, ville jumelle de Goma du côté du Rwanda. Deux jours avant, trois bataillons de l’armée rwandaise avaient traversé la frontière près de Kibumba, une localité située 25 km au nord de Goma. Les rebelles du M23 créé et dirigé, selon les trois derniers rapports des experts de l’ONU, par le Rwanda et soutenu par l’Ouganda sont entrés dans la ville mardi matin.



Goma, une ville de 600 000 habitants, est ainsi tombée après cinq jours de combats entre les armées congolaise et rwandaise. Depuis mai, pas moins de trois rapports d’experts de l’ONU viennent de démontrer la responsabilité du gouvernement rwandais dans la création du M23, la énième « rébellion » à l’Est du Congo. Le dernier rapport, daté du 12 octobre, n’est toujours pas publié officiellement sur les sites de l’ONU, mais est disponible ici.

 

Le rapport réfute catégoriquement les déclarations mensongères officielles de Kigali, qui nie son appui au M23. Mais le rapport est surtout plus sévère que les deux autres. Les experts de l’ONU démontrent que le Rwanda, ne trouvant pas une base populaire et confronté avec le fait que la majorité des tutsis congolais refusent d’appuyer le M23, s’est concentré à infiltrer et à manipuler les milices congolaises locales. Et que Kigali a poussé ces milices, souvent très anti-tutsis et anti-rwandophone, à combattre l’armée congolaise et ainsi faciliter l’offensif militaire du M23 et de l’armée rwandaise. C’est un constat important car cela détruit complètement la rhétorique de Kigali qui justifie son appui au M23 en disant qu’il veut « protéger les tutsi congolais » ou que « le gouvernement congolais ne serait pas capable de maintenir l’ordre sur son territoire ». L’Ouganda est aussi accusé dans ce dernier rapport de l’ONU d’appuyer la rébellion du M23.

« La trahison de la communauté internationale est à son comble »

 

C’est le titre d’un commentaire lundi matin du site digitalcongo.net, proche du gouvernement de Kabila. En effet, depuis 5 mois, le conseil de sécurité de l’ONU, sous l’influence des États-Unis et de la Grande Bretagne, se limite à condamner du bout les lèvres l’agression rwandaise mais sans vraiment mettre une pression réelle sur le président rwandais, Paul Kagame. Digitalcongo.net écrit : « La communauté internationale joue avec beaucoup d’hypocrisie dans la crise de l’Est. Elle est avec nous en plein jour alors que la nuit, des sources le confirment de plus en plus, elle encourage les agresseurs à maintenir leur pression et à foncer. Il devient ainsi évident que la chute de Goma représente un enjeu pour plusieurs officines internationales. » En effet, que Joseph Kabila, qui est vu comme trop indépendant et ayant eu le culot de signer des contrats importants avec la Chine, soit fragilisé et peut-être même renversé, arrange bien les gouvernement occidentaux. Et après avoir tacitement soutenu l’agression rwando-ougandaise depuis 14 années, ils se cachent aujourd’hui derrière des résolutions vides, condamnant formellement les crimes de guerre commis et téléguidés par Kigali et Kampala, sans que cela n’ait aucun impact sur les évènements.

Kinshasa appelle à la mobilisation populaire

 

Le président congolais Joseph Kabila a lancé mardi 20 novembre en début d’après-midi un message à la nation. « La RDC est confrontée à une situation difficile, a déclaré le président Kabila, ajoutant quand une guerre est imposée, on a l’obligation de résister ». « Je demande la participation de toute la population pour défendre notre souveraineté », a-t-il dit.

 

Le président congolais a annoncé aussi que l’ambassadeur de RDC au Rwanda avait déjà été rappelé en consultation depuis plusieurs semaines. Kinshasa refuse des négociations avec le M23. Selon le porte-parole du gouvernement à Kinshasa, « ce serait un dédouanement de la responsabilité évidente de Kigali dans la guerre ». Kinshasa exige de la communauté internationale une attitude conséquente élémentaire envers les pays agresseurs. En effet, le gouvernement rwandais, qui dépend pour 48 % de son budget de l’Occident, devrait être sensible à une pression sérieuse.

Pourquoi un embargo militaire contre le Rwanda et l’Ouganda serait-il un tabou ?

 

Les armées ougandaise et rwandaise sont deux armées appuyées, formées et encadrées par les armées des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Il s’agit aussi de deux armées bien équipées et performantes qui ont été actives en permanence dans des guerres et des combats depuis deux décennies. Ces deux armées forment en plus le noyau des deux plus importantes missions de l’ONU en Afrique : celle en Somalie et celle au Darfour. L’UNAMID au Darfour, par exemple, a un budget de 1,4 milliard de dollars par an. Cela signifient des entrées importantes pour les budgets des ministères de Défense de ces pays. Que les plus grandes missions de paix de l’ONU sont dirigées par des armées qui commettent des crimes dans leurs pays voisins, travaillent avec et protègent ouvertement des criminels de guerre recherché par la justice international et sont responsables pour des catastrophes humanitaires dans leur pays voisin, devrait susciter un large débat. Aussi un embargo contre toute livraison d’armes pour ces armées devrait être mis sur l’agenda. Or, même en Belgique, on n’ose pas arrêter immédiatement toute forme de coopération militaire avec ces armées. Le ministre de la Défense Pieter De Crem annonçait il y a une semaine « un arrêt symbolique de la coopération militaire »…  tout en maintenant la présence d’officiers rwandais à l’École royale militaire de Bruxelles sous prétexte que « ce serait contre-productif de les renvoyer ».



Source : Solidaire


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