Equateur: Derrière le coup d’État: l’assaut de la droite contre l’ALBA

La tentative de coup d’État contre un pays de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) fait partie de l’effort pour freiner les processus d’intégration et de démocratisation révolutionnaire en Amérique latine. La droite est à l’offensive en Amérique latine. Le succès qu’elle a remporté au Honduras en 2009, contre le gouvernement de Manuel Zelaya, lui a donné de nouvelles forces et la confiance nécessaire pour frapper encore.

Si les élections du 26 septembre au Venezuela ont donné la victoire au Parti socialiste uni (PSUV), elles ont aussi cédé un peu d'espace aux forces les plus réactionnaires et les plus dangereuses qui cherchent à créer la déstabilisation au service d'intérêts impériaux. Les États-Unis ont réussi à installer des éléments clés à l'Assemblée nationale et à leur donner un espace de manoeuvre pour saper la démocratie vénézuélienne.


Quito, Équateur, le 30 septembre 2010: Le peuple se porte à la défense du président Rafael Correa
contre le coup d’État échoué des policiers. (Indymedia)

Le lendemain des élections, la principale défenseuse du processus de paix en Colombie, Piedad Cordoba, a été démise de ses fonctions de sénateur de la République par le Contrôleur général sur la base de preuves falsifiées. Le renvoi de la sénatrice Cordoba est la manifestation d'une offensive contre les forces progressistes de Colombie qui cherchent des solutions véritables et pacifiques à la guerre que vivent les Colombiens depuis plus de 60 ans.

Puis hier, le 30 septembre, il y a eu une tentative de coup d'État en Équateur. Des officiers de police insubordonnés se sont emparés de plusieurs institutions dans la capitale, Quito, et ont provoqué le chaos et la panique.

Selon la version rapportée, ils protestaient contre une nouvelle loi adoptée par l'Assemblée nationale la veille qui les prive de certaines primes de travail.

Le président Rafael Correa est allé à la rencontre des policiers pour essayer de résoudre le conflit mais ceux-ci l'ont attaqué. Il a été blessé à la jambe et incommodé par des gaz lacrymogènes. Il a été transporté à un hôpital militaire de Quito, d'où il a ensuite été détenu contre sa volonté.


Le président équatorien Rafael Correa après avoir été attaqué par les policiers le 30 septembre 2010. (Indymedia)

Les mouvements populaires se sont emparés des rues et ont exigé la libération de leur président, démocratiquement élu l'année précédente avec une écrasante majorité. Des milliers d'Équatoriens se sont portés à la défense du président Correa pour secourir leur démocratie des mains de comploteurs. Ces derniers cherchaient à provoquer la démission du gouvernement national.

Le président a finalement été secouru par les Forces spéciales de l'armée équatorienne en fin de soirée. Il a dénoncé les comploteurs et il a attribué la responsabilité directe de la tentative de coup à l'ancien président Lucio Gutierrez. Ce dernier a subi une défaite lamentable aux élections de 2009, plus de 55 % des électeurs ayant préféré Correa. Aujourd'hui il a dit à la presse : « La fin de la tyrannie Correa est proche » et il a demandé « la dissolution du parlement et la convocation d'élections présidentielles ».

Mais au-delà de Gutierrez, il y a des facteurs extérieurs à l'oeuvre dans cette affaire.

Infiltration de la police

Selon le journaliste Jean-Guy Allard, un rapport officiel du ministre de la Défense de l'Équateur, Javier Ponce, publié en octobre 2008, révélait que « des diplomates étasuniens s'affairent à corrompre la police et les forces armées ».

Le rapport confirme que des unités de police « entretiennent une dépendance économique informelle des États-Unis, notamment pour le financement de dénonciateurs, la formation, l'équipement et les opérations ».

Réagissant à ce rapport, l'ambassadrice des États-Unis en Équateur, Heather Hodges, a dit : « Nous travaillons en collaboration avec le gouvernement, avec l'armée et avec la police pour la réalisation d'objectifs qui sont très importants pour la sécurité. » Selon elle, le travail avec les forces de sécurité équatoriennes porte sur « la lutte contre le trafic de la drogue ».


À gauche: Les policiers en mutinerie tiennent le président Correa en otage à l’hôpital où il a été amené
après l’attaque. À droite: D’autres policiers se livrent à des méfaits dans les rues de Quito. (Indymedia)

L'ambassadrice

Hodges a été envoyée en Équateur en 2008 par le président George W. Bush. Elle avait fait ses preuves à la direction de l'ambassade des États-Unis en Moldavie, un pays socialiste qui faisait jadis partie de l'Union soviétique. Elle y a semé les graines de la « révolution colorée » qui a échoué en 2009 contre le parti communiste élu à la majorité.

Avant cela, en 1991, elle était directrice adjointe de l'Office des affaires cubaines du département d'État. Celui-ci avait comme mission de provoquer la déstabilisation à Cuba. Deux ans plus tard elle est allée au Nicaragua pour consolider l'administration de Violeta Chamorro, la présidente choisie par les États-Unis aux termes de la sale guerre qui avait mené à la défaite du gouvernement sandiniste en 1989.

Lorsque Bush l'a envoyée en Équateur, c'était dans l'intention de provoquer la déstabilisation contre Correa au cas où ce dernier refuserait de se soumettre aux objectifs de Washington. Hodges a obtenu l'augmentation du budget de la USAID et du National Endowment for Democracy (NED) pour le financement d'organisations sociales et de groupes politiques représentant les intérêts des États-Unis, notamment auprès des populations autochtones.

Suite à la réélection de Correa en 2009, conformément à une nouvelle constitution approuvée par l'écrasante majorité des hommes et femmes du pays en 2008, l'ambassadrice s'est mise à l'oeuvre.

USAID

Certains groupes sociaux progressistes ont exprimé leur mécontentement face aux politiques du gouvernement Correa. Il ne fait pas de doute que son gouvernement fait l'objet de plaintes légitimes.

Mais les groupes et organisations qui s'opposent aux politiques de Correa ne sont pas tous des agents impériaux. Plusieurs reçoivent une aide financière et des directives de l'étranger et leur rôle est de créer la déstabilisation au-delà de l'expression naturelle de la critique et de l'opposition au gouvernement.

En 2010, le département d'État a haussé le budget de la USAID pour l'Équateur à plus de 38 millions $. Au total, 5 640 000 $ ont été investis dans l'oeuvre de « décentralisation » ces dernières années. Un des principaux artisans des programmes de la USAID en Équateur agit aussi au sein de la droite en Bolivie : la Chemonics Inc. Par ailleurs, le NED a accordé une subvention de 125 806 $ au Centre pour l'entreprise privée (CIPE) pour la promotion de traités de libre-échange, de la mondialisation et de l'autonomie régionale en Équateur par la radio, la télévision et les journaux, de concert avec l'Institut équatorienne de la politique économique.

Certaines organisations, comme Participación Ciudadana et Pro-Justicia, et des sections du Conseil pour le développement des peuples d'Équateur (CODEMPE), de Pachakutik, de la Confédération des nationalités autochtones d'Équateur (CONAIE), de la Indigenous Enterprise Corporation et de la Fundación Quellkaj ont reçu un financement de la USAID et du NED.

Durant les événements du 30 septembre, un de ces groupes, le Pachakutik, a émis un communiqué en appui aux policiers et demandant la démission du président Correa, le tenant responsable de ce qui s'est produit. Le groupe lui a même reproché une « attitude dictatoriale ».

Le Pachakutik a conclu une alliance politique avec Lucio Gutierrez en 2002 et ses liens avec l'ancien président sont bien connus. Voici le texte du communiqué :

"LE PACHAKUTIK DEMANDE AU PRÉSIDENT CORREA DE DÉMISSIONNER ET APPELLE À LA FORMATION D'UN FRONT NATIONAL UNIQUE

 

 

 

 

 

Communiqué 141

Face à la grave agitation politique et à la crise interne provoquées par l'attitude dictatoriale du président Rafael Correa, qui a attaqué les droits des employés de la fonction publique et de la société, le chef du mouvement Pachakutik, Cléver Jiménez, invite le mouvement autochtone, les mouvements sociaux et les organisations politiques démocratiques à former un front national unique pour exiger la démission du président Correa suivant les dispositions de l'Article 130-2 de la Constitution qui stipulent : "L'Assemblée nationale renverra le président de la République dans les cas suivants : […] 2) Grave crise politique et agitation intérieure."

Jiménez a soutenu la lutte des employés de l'État, notamment celles des policiers qui se sont mobilisés contre les politiques autoritaires du régime qui visent à éliminer les droits acquis des employés. Il faut voir l'action des policiers et des membres des Forces armées comme une action juste de la part de fonctionnaires dont les droits sont attaqués.

Cet après-midi, le Pachakutik lance l'appel à toutes les organisations du mouvement autochtone, aux travailleurs et aux démocrates à bâtir l'unité et à préparer de nouvelles actions contre l'autoritarisme de Correa, à la défense des droits et des garanties de tous les Équatoriens.

Secrétaire de presse

PACHAKUTIK BLOQUE"

Le scénario utilisé au Venezuela et au Honduras se répète. On tente de tenir le président et le gouvernement responsables du « coup » pour ensuite l'obliger à démissionner. Le coup d'État en Équateur est la prochaine phase de l'agression permanente contre l'ALBA et les mouvements révolutionnaires de la région.

Le peuple demeure mobilisé dans son rejet de la tentative de coup et les forces progressistes de la région s'unissent pour exprimer leur solidarité et leur appui au président Correa et à son gouvernement.

Source : Eva Golinger,  Tlaxcala.

Traduction: www.cpcml.ca

 

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