Droit à la santé ?

Introduction du livre La Santé pour tous !

Se réapproprier Alma Ata

Pourquoi ce livre, maintenant ?

La raison d’être de ce livre sur la santé des populations en 2006 proposé par le CETIM et le People’s Health Movement (PHM) est de rendre publique la volonté de réappropriation, à travers le combat pour la justice sociale, du concept de Santé pour tous, tel qu’il fut promulgué lors de la conférence d’Alma Ata en 1978 [voir chapitre 1]. Vingt-cinq années de néolibéralisme ont complètement transformé ce projet de justice sociale en restructurant les institutions-clés, notamment les agences onusiennes qui avaient le mandat de poursuivre l’objectif de la Santé pour tous.

La volonté de réappropriation de la Santé pour tous rejoint le mouvement de résistance mondiale, qui s’élève contre l’imposition de politiques néolibérales à tous les aspects de la vie dont les plus essentiels à la santé des populations : nourriture, eau, réseaux d’assainissement, éducation, emploi, sécurité sociale, logement, sécurité environnementale et physique. Cette lutte est également celle des mouvements altermondialistes pour le respect de la vie et des vies, revendiquant les biens communs et se dressant devant les vrais obstacles à l’achèvement de la Santé pour tous.

La pauvreté, l’impuissance, les inégalités, la privation et la misère qui en résultent – causes premières et directes de nombreuses maladies et de la mortalité parmi les communautés pauvres – continueront à augmenter, tout comme la violence et l’insécurité, à moins que les réalités politiques et économiques ne changent radicalement.

Les injustices criantes ont pour l’instant des coûts énormes, mais elles ne peuvent pas être éternelles car les populations marginalisées et les « sans » voyant leur situation empirer finiront pas se révolter. En attendant, les dégâts causés par cette situation – et les dommages sur la santé des populations – sont chaque jour plus difficiles à réparer.

Dans ce livre, le PHM et le CETIM appellent les mouvements populaires et sociaux à se joindre à ce mouvement mondial pour la justice sociale et à agir – localement, nationalement et internationalement – contre le vrai terrorisme qui sévit sur la terre – la blessure de la pauvreté et de l’impuissance – et pour empêcher l’avènement du danger colossal – et peut-être ultime – que représente la violence, conséquence inévitable de toute injustice.

Dans notre monde plein de richesses, la Santé pour tous n’est pas une utopie. Un autre monde est possible, c’est également le cas pour la santé – une autre santé est possible. Le défi consiste à s’opposer à l’instabilité de la violence, résultant de l’avidité et de l’exploitation, pour favoriser la stabilité de la paix, issue de la justice sociale et d’un véritable respect des droits humains.

Une échelle de valeur explicitement politique

La Santé pour tous est, et a toujours été, un projet politique. Se référer à l’approche par les droits humains et la justice sociale permet d’adopter des positions politiques explicites. Tout un ensemble de valeurs, issues d’un « vrai » socialisme, au sens originel du terme, et de principes sous-tendent la Santé pour tous et le mouvement mondial pour la justice économique et sociale qui y est liée. L’instauration d’un tel message passe aussi par la réhabilitation des actions politiques en tant que principale force du changement. En bref, nous espérons montrer dans ce livre que la Santé pour tous implique la Politique pour et par toutes et tous.

Les partisans de l’approche néolibérale de la santé nient toute valeur politique, intention ou intérêt. Ils prétendent être la communauté internationale qui agit dans le domaine de la santé et se présentent en tant qu’autorités neutres et objectives, armées de preuves scientifiques. Certes ce sont des experts et des autorités en la matière, mais le projet qu’ils défendent ne peut pas, intrinsèquement, satisfaire l’objectif de la Santé pour tous.

Bien entendu, toutes celles et tous ceux qui travaillent au sein de cette communauté ne servent pas (consciemment) le grand projet néolibéral. De nombreux professionnels de la santé, des chercheurs ou des fonctionnaires pensent que l’amélioration de la santé des pauvres est le but des politiques – influencées par les institutions financières internationales – qu’ils sont en train d’appliquer. Il s’agit souvent véritablement de leurs propres buts.

Ces personnes peuvent s’avérer être mal informées (en ne consultant pas les sources alternatives d’information) et désinformées (en acceptant la pensée unique des sources d’information conventionnelle et dominante). Cependant, il est de leur devoir de considérer le fait que des valeurs morales et les positions politiques sous-tendent également les tentatives d’établissement de l’objectivité scientifique. Si, comme ils le prétendent, l’intérêt des peuples est leur unique motivation, il est de leur devoir de prendre aussi en compte des perspectives alternatives et de reconnaître l’échec de leur projet.

Une erreur malencontreuse ou un échec prévisible ?

L’état de santé de millions de pauvres est problématique et leurs souffrances sont impensables pour quiconque a déjà enduré un sentiment de gêne, même modéré, ou une vive douleur une ou deux fois dans sa vie. On ne peut pas affirmer que cette situation peut être simplement évitée, mais la dénoncer est une puissante motivation pour l’action.

Ne pas avoir atteint jusqu’ici l’objectif de la Santé pour tous est-il le résultat d’une erreur malencontreuse ou reflète-il le fait que la souffrance et les décès de millions de personnes sur la terre laissent indifférents les leaders du monde ? Ces derniers ne conspirent pas diaboliquement pour tuer les pauvres, mais l’ordre international actuel – établi ou maintenu à travers une puissance écrasante et une violence sans limite – rend possible une telle situation. Si la maladie et les décès des pauvres importaient réellement aux riches, ces phénomènes auraient été éradiqués depuis des décennies.

De plus, il est parfois plus difficile (mais pas impossible, l’exemple des luttes latino-américaines, comme en Bolivie, le prouvent) pour des nations en piteux état, avec des populations vivant en grande majorité dans la misère et souffrant de maladies chroniques, de s’opposer aux desseins impérialistes sur leurs ressources nationales que pour des pays aux populations éduquées, en bonne santé et préparées à défendre leurs ressources nationales.

Faut-il être très intelligent pour comprendre que l’extrême pauvreté et l’impuissance sont des dommages collatéraux des politiques impérialistes ? Bien entendu, la question n’est pas de savoir si les individus sont tous « mauvais » ou « bons », mais la souffrance des autres est souvent considérée comme une fatalité. Notre sujet d’analyse porte sur le système et non les gens ; un système qui provoque avidité, peur et violence.

Par exemple, penchons-nous un instant sur l’évaluation très pertinente proposée par Labonte, Schrecker, Sanders et Meeus des interventions du G8 en Afrique. Les auteurs montrent que les politiques du G8 ont échoué dans l’amélioration de la santé des Africains car elles doivent être mises en relation avec les intérêts qu’elles défendent et les intentions cachées qui les sous-tendent.

Il est nécessaire de souligner le fait que si nous continuons à interpréter les horreurs de la pauvreté et de la maladie comme de malencontreuses erreurs, plutôt que comme des résultats prévisibles de certaines politiques destinées à maintenir le statu quo, rien ne changera.

Une action réelle à travers une véritable information

Ce livre se repose sur les concepts de démocratie, sécurité, information qui font sens et propose donc de véritables actions pour atteindre la Santé pour tous.

L’approche (apparemment) apolitique et anhistorique dans laquelle ne figurent ni acteurs, ni causes, ni intérêts de classe, devient finalement… amorale. L’absence du débat autour de ces éléments permet le maintien du statu quo de l’injustice. Il s’agit d’une stratégie politique qui devrait être dénoncée comme telle.

Voici les positions résumées, impliquant inévitablement des simplifications, de la justice sociale et des droits humains sur quelques thèmes-clés de la santé et du développement.

Développement et progrès

D’après le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le rapport entre le revenu du pays le plus riche et du pays le plus pauvre était d'environ 3 à 1 en 1820, puis 35 à 1 en 1950, de 44 à 1 en 1973 et, enfin, de 72 à 1 en 1992. Du point de vue de la justice économique et sociale, élément favorisant un développement émancipateur, force est de constater que le monde a régressé de façon significative en un siècle. L’importante croissance des inégalités suggère que le paradigme économique dominant (le capitalisme) constitue l’obstacle majeur au développement et au progrès. Il crée richesses et pouvoir pour une minorité mais à travers l’exploitation des ressources humaines et matérielles de la majorité pauvre. Ce maldéveloppement nous concerne tous.

La mondialisation

Le projet de la justice sociale, tel qu’il est développé ici, s’oppose à la mondialisation du capitalisme et appuie l’internationalisation des droits humains, le respect pour la justice environnementale, économique et sociale. Cette internationalisation implique les interactions entre des personnes égales plutôt que l’imposition d’actes par des acteurs puissants.

L’utilisation du terme de mondialisation implique – peut-être délibérément – que tous les peuples sur la terre sont mis sur le même pied d’égalité dans ce processus. Si nous voulons donner un sens au monde dans lequel nous vivons, nous devons nous pencher sur les analyses, les acteurs, les causes et les intérêts des plus puissants.

La pauvreté, la santé et le revers néolibéral

La relation entre la santé et la pauvreté est à double sens mais elle n’est pas symétrique. La pauvreté est le déterminant le plus important de la santé. Au contraire, une mauvaise santé est loin d’être l’unique déterminant essentiel de la pauvreté. Une mauvaise santé aggrave la pauvreté existante. Le cercle vicieux et le cercle « vertueux » de la santé et de la pauvreté sont des images trompeuses, étant donné qu’elles impliquent que la santé et le développement économique sont à placer au même niveau.

Aucune intervention médicale, aussi excellente soit-elle, délivrée aux Haïtiens ou aux Tanzaniens, ne pourra rendre leur pays plus riche tant que leur économie nationale sera étranglée par la dette, les termes inégaux des échanges, le pillage continu des ressources naturelles, la déstabilisation qu’entraînent les flux financiers, les prix fluctuants des matières premières et toute ingérence extérieure sur la souveraineté nationale.

L’économie et l’écologie

Rares sont les disciplines où ne sévit pas la pensée unique, présentée sous le nom de « science » économique. Les universités, les institutions financières, les sociétés transnationales et certains gouvernements prêchent tous la même rengaine du « libre » échange. Celle-ci paraît être plus guidée par une foi aveugle que par la science. Mais l’idée d’économie alternative ou verte – qui remet les peuples et la terre au centre des préoccupations – gagne du terrain et révèle les contradictions internes des théories économiques conventionnelles, pour lesquelles l’obsession de la croissance prime sur la satisfaction des besoins primaires pour la santé et le bien-être en tant que droits humains.

Le Nouvel ordre économique international (NOEI) incluait le concept de Santé pour tous en reconnaissant la primauté des déterminants économiques dans les maladies et la mortalité. Ne pas reconnaître ce dernier fondement critique voue à l’échec toute tentative de restauration de la Santé pour tous. L’économie et l’écologie dans leur acceptation véritable – soit les règles, la science et le discours de la « maison » – sont deux domaines inséparables. L’étymologie du mot « maison » inclut l’environnement dans lequel nous vivons. Cela permet d’établir un cadre rationnel et éthique pour la santé et le développement durable. Les besoins primaires pour la santé, dont un environnement sain, ne peuvent être satisfaits pour tous les peuples du monde et leurs descendants que si les richesses sont distribuées de façon équitable et produites et consommées prudemment.

Démocratie et droits humains

La « communauté internationale » proclame une foi absolue dans la démocratie et le respect des droits humains, mais tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui dans les pays riches et recommandés aux pays pauvres. Or les nations influentes violent souvent les principes de la démocratie et les six piliers des droits humains indivisibles (politiques, civils, sociaux, économiques et culturels, et le droit au développement), et ce sous couvert d’une impunité croissante.

Presque chaque mouvement populaire légitime engagé pour la démocratie dans les pays en voie de développement a été confronté à une violente répression, qu’elle soit soudaine, extrême, manifeste ou lente, interminable et sournoise. De plus, l’émergence de « bases sociales » pour la démocratie est presque systématiquement laminée, à travers les ingérences des nations plus puissantes. Or la démocratie populaire dans les pays pauvres pourrait contribuer à mettre fin à des régimes clientélistes installés pour servir les intérêts économiques des Etats les plus puissants et ceux des grandes sociétés transnationales qu’ils promeuvent.

L’aide internationale

« L’aide » internationale est un outil des politiques extérieures et représente souvent une extension du projet de recolonisation des économies de pays pauvres. Souvent conditionnelle, cette aide a pour conséquence d’influencer la vie politique locale, lorsqu’elle ne représente pas une véritable ingérence dans les politiques publiques ou si elle n’est pas détournée. Or cette aide ne vise nullement à modifier les structures et les dynamiques des relations entre le Nord et le Sud. Au contraire, elle est intégrée à l’actuelle architecture internationale pour asseoir la liberté du capital.

La Banque mondiale et le FMI et quelques-unes des plus grandes entités économiques – les sociétés transnationales –, sont des acteurs incontournables en matière d’aide internationale. Or les politiques promues – retrait de l’Etat, privatisation des biens nationaux, déréglementation (qui enlève le contrôle démocratique des domaines clés de la société), et production tournée vers l’exportation aux dépens d’un développement autocentré – apparaissent comme incompatibles avec un développement durable et émancipateur.

La santé du point de vue de la justice sociale rejette la charité et « l’aide » internationale en tant que source de financement de la santé pour promouvoir un ordre économique juste et rationnel. Souverains et affranchis de la dette, les Etats devraient pouvoir satisfaire les besoins de leurs peuples, et ce, sans ingérence externe.

L’information

Les médias et le système de communication sont dominés par une poignée de sociétés transnationales – leur nombre passant d’une cinquantaine au début des années 1980 à une petite dizaine dès 2001. Les médias véhiculent généralement l’idéologie et la propagande des pays occidentaux. Le problème n’est plus que les sociétés privées exercent une influence sournoise sur les médias mais qu’elles sont les médias. La concentration du capital et les alliances croisées dans les télécommunications, les médias et le « software » informatique, et au-delà, justifient l’utilisation du terme de « totalitarisme ».

La recherche médicale, tout comme la recherche scientifique, est de plus en plus contrôlée par le secteur privé. Cette science mercenaire a des impacts dévastateurs sur la santé publique. A l’inverse, la santé du point de vue de la justice sociale insiste sur une recherche médicale et scientifique libre de toute ingérence du privé, contrôlée et financée publiquement afin de protéger et de préserver la vie sur la terre.

La sécurité et la terreur

La terreur est le pain quotidien de millions de personnes sur la terre. Cette terreur s’exprime à travers la famine, les maladies handicapantes, les pollutions industrielles, l’absence de toit et les guerres sans fin. La mondialisation néolibérale repose sur le développement d’un complexe industriel destiné à ouvrir les marchés, exploiter les ressources naturelles, contrôler les quatre coins du monde, utiliser la violence lorsque cela est nécessaire. On ne peut pas comprendre les situations de paix et de guerre, qu’elles soient à Bhopal, au Nicaragua, en Sierra Leone, aux Proche et Moyen Orient, au Nigeria, au Cambodge ou encore en Colombie, sans connaître le fonctionnement et les impacts du néolibéralisme.

Ainsi, toute analyse cohérente sur la sécurité et la terreur devrait considérer que les catastrophes survenues dans le domaine de la santé publique sont des résultats de ces attaques. Les valeurs pacifistes reconnaissent la menace d’un terrorisme conventionnellement défini et déplorent l’utilisation de la violence à des fins politiques. Cependant, le terrorisme d’Etat (et son ingérence dans les mouvements démocratiques) soutenu par des intérêts privés, en plus de ces attaques massives, est un terreau fertile à ces actes de terreur.

Des désirs, des idéologies et des mythes pris pour des réalités

« La façon dont les citoyens des pays riches vivent actuellement est dans l’ensemble, moralement acceptable ». Selon Thomas Pogge, cette situation est le « préjugé préféré » de tous ceux qui vivent dans le monde occidental. Reconnaître ce mythe est aussi important que de saisir le sens du slogan cher à la santé du point de vue de la justice sociales (du Nord et du Sud) : « Pas en mon nom ». Ce dernier exprime simultanément le refus de la guerre et de l’exploitation et dénonce la crise de la démocratie dans le monde entier. Les mythes suivants doivent être rapidement brisés.

« C’est trop complexe, cela prendra des décennies ! » Non, au contraire, c’est simple et cela pourrait être mis en œuvre demain. Les propositions macroéconomiques, telles que l’abolition de la dette ou l’instauration d’une taxe sur les transactions financières spéculatives, sont toujours renvoyées aux calendes grecques car jugées trop complexes ou utopiques. En fait, il est possible de débloquer des sommes considérables en quelques minutes (66 milliards US$ l’ont été après le 11 septembre 2001). Lorsqu’elles servaient les intérêts des grandes puissances, des dettes ont été effacées en une nuit (cela a été le cas du Pakistan ou de l’Irak récemment). L’application de la taxe Tobin permettrait de dégager suffisamment d’argent pour pouvoir satisfaire les besoins primaires en matière de santé de tous les peuples du monde. Elle est techniquement simple et peut être appliquée sans délai. La complexité n’est pas en cause, le problème est le manque de volonté politique de ceux qui détiennent le pouvoir.

« Les ressources sont rares ! » Mais dans un monde de richesses, qui subit la récession et qui profite de cette prospérité ? Depuis 25 ans, on dit que le monde se trouve dans une phase de récession et qu’on doit par conséquent se serrer la ceinture. C’est un mythe considérable, qui effraie et paralyse à la fois. Mais soyons clairs : depuis 40 ans, jamais autant de richesses n’ont été créées (même en prenant en compte un ralentissement ces deux dernières décennies), et jamais la distribution de ces richesses n’a autant crû de façon inégale.

« Devons-nous entreprendre plus de recherches ? » Non, nous savons déjà tout ce que nous devons savoir ! Dans le domaine de la santé et suivant le mythe selon lequel les choses sont très complexes, il est fréquent d’entendre que davantage de recherches sont nécessaires. Cependant, en termes de santé de la population, il est notoire, depuis 100 ans, que certaines maladies et décès peuvent être évités lorsque les droits suivants sont respectés et appliqués : nourriture, eau, réseaux d’assainissement et logement décent. Il est évidemment nécessaire de soutenir la fabrication d’antibiotiques efficaces et de vaccins contre la malaria, la tuberculose, etc., même si ce n’est pas la façon par laquelle les pays riches ont pu établir une politique de santé publique efficace. Les maladies et la mortalité ont en effet régressé grâce à l’instauration d’une politique publique visant à construire un environnement sain et à assurer logement et nourriture à la population. Mais, ces améliorations n’allaient pas de soi ; elles ont été revendiquées et obtenues sous la pression d’actions populaires s’opposant aux élites politiques. Telle est la situation aujourd’hui au 21ème siècle.

« La volonté politique manque ! » La volonté de qui ? Rappelons que les mouvements sociaux peuvent aussi être efficaces ! On nous dit souvent que le manque de volonté politique est responsable de la non-résolution de bon nombre de problèmes mondiaux. Le leadership est souvent considéré comme un facteur clé dans les affaires qui réussissent. En fait, il faudrait plutôt se demander à quels politiques on se réfère. La Santé pour tous et toutes implique les Ressources pour tous et toutes et la Politique pour tous et toutes, mais menace fortement les intérêts des 3000 PDG de sociétés transnationales et le G8. La volonté politique ne manque pas au sein des populations. Elles se battent et ont remporté des victoires, mais elles ne devraient pas être poussées à utiliser la violence et à voir leurs vies menacées afin d’obtenir les améliorations auxquelles elles ont pleinement droit aujourd’hui.

Stratégies radicales

Le terrain tel qu’il a été défini hier par Pasteur doit comprendre aujourd’hui un nouvel ordre économique mondial. L’approche du VIH/SIDA selon les droits humains et la justice sociale considère la pauvreté et l’impuissance comme des causes fondamentales des maladies de la pauvreté. Or selon cette optique, les intérêts puissants sont responsables de l’appauvrissement de millions d’individus à travers un processus économique et social qui implique des acteurs identifiables avec des intérêts identifiables. Suivant la célèbre maxime de Pasteur : « la bactérie n’est rien, le terrain est tout », cette approche se base sur la susceptibilité à l’infection et promeut le renforcement du système immunitaire des populations dont les conditions de vie sont largement déterminées par l’évolution de la mondialisation. L’instauration d’un nouvel ordre économique et politique fait partie de ce terrain.

Les bonnes politiques et les bons partenaires

L’approche néolibérale de la santé repose pour beaucoup sur l’établissement de partenariats pas vraiment égaux. Ils sont conclus entre les soi-disant « parieurs », dans le jargon des intérêts financiers, et la prétendue « société civile ». Quelquefois, lorsqu’elles présentent les mêmes intérêts, ces deux entités n’en font qu’une. Les Partenariats publics privés (PPP) ont transfiguré la Santé pour tous, car les sociétés transnationales (environ 3000) se sont approprié ce concept avec la complicité de gouvernements et d’ONG pourtant censées représenter les êtres humains (soit six milliards). Soyons clairs, les partenaires devraient partager les mêmes buts et les autorités internationales de la santé ne devraient pas partager les mêmes buts que ceux des sociétés transnationales.

La « société civile » est un concept fourre-tout qui comprend rarement les syndicats, les mouvements populaires et les partis politiques. Pourtant, les droits humains, et certains d’entre nous en profitent aujourd’hui, ont seulement été conquis grâce à des actions politiques directes, soit à travers des entités politiques institutionnelles, soit dans les rues avec les syndicats, de vrais partis socialistes et des mouvements populaires : ce sont les partenaires en lutte pour la Santé pour tous.

Exclure les sociétés transnationales des politiques publiques

Les activités des sociétés transnationales peuvent être considérées comme des obstacles majeurs à la Santé pour tous. Malgré cela, la communauté internationale continue à seriner le refrain de l’intervention nécessaire du secteur privé dans le domaine de la santé. Il serait nécessaire, au contraire, de mettre un terme à l’influence illégitime du secteur privé pour des raisons évidentes de conflits d’intérêt.

Pour justifier la conclusion de PPP, on avance souvent, à tort, l’argument suivant lequel les sociétés transnationales ont beaucoup d’argent et que leur investissement dans la recherche permettra de complémenter efficacement l’apport de l’Etat dans ce domaine. Cependant, si l’on veut répondre correctement à cette lamentable situation, il faudrait plutôt prôner une juste distribution des ressources, dont les mesures qui empêchent les monopoles et les cartels, la protection nationale des ressources (des peuples) et la création d’une taxe adéquate nationale et internationale.

L’application des lois, des règlements et des droits humains, auxquels le secteur privé est déjà en principe soumis, est sujette à controverse. La responsabilité sociale des sociétés transnationales ne se traduit pour le moment que sous la forme d’acceptation de codes de conduite volontaires, ce qui revient à exercer une « prière pour que l’industrie soit bonne et gentille ». Cette réponse est tristement inadéquate…

L’approche de la justice sociale de la santé exige une refonte du système international car les tentatives de colmatage ou d’adoucissement proposées ne constituent pas des solutions efficaces et justes. Les Objectifs du millénaire pour le développement ne représentent pas une solution pérenne car ils sont bien modestes alors que les besoins sont criants et urgents. De plus, ils n’ont pas été établis par les peuples mais en sous-main par le G8 et ils contiennent des régressions importantes par rapport aux buts établis par la Santé pour tous et toutes et aux autres projets sociaux. Si aujourd’hui, dans un monde de richesse, la famine provoque des génocides, comment qualifier le but consistant à diviser par deux la faim mondiale d’ici 2015 ?

La question n’est pas de savoir si on peut changer les choses mais plutôt comment. Les droits humains, dont le droit à la santé, doivent être appliqués. Ils doivent et peuvent l’être sans délai.

2007, Editions du CETIM, 336 pages.

ISBN 2-88053-052-0

Le livre est en vente au

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6, rue Amat

1202 Genève

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