L’émission « 90 minutes » du Lundi 9 janvier 2006, 22h20, sur Canal + est un monument de
contradictions pimentées de contrevérités, de parti pris fielleux, d’ethnocentrisme ricanant sur
les difficultés d’un pays pauvre. Par bonheur, le tout est mâtiné d’une bêtise qui borne
sévèrement les chances de voir ce reportage faire date dans l’Histoire du journalisme. Ce
documentaire est aussi l’illustration du complexe de supériorité tout à fait injustifié de
reporters assez médiocres pour ne pas imaginer que le QI des téléspectateurs peut au moins
égaler le leur. C’est aussi celle de honteuses dissimulations sur l’activité et sur le passé de
quelques personnes impliquées, à Cuba et à Paris, dans cette charge hargneuse et véreuse.
Cuba Solidarity Project
http://vdedaj.club.fr/cuba/ 1
Canal + : « Enquête clandestine sur l’apartheid cubain ».
Opter pour la caméra cachée était à la fois un moyen de dramatiser d’emblée et de poser qu’il
n’était pas possible de faire autrement. Pourtant, on ne compte plus les reportages critiques
ouvertement tournés à Cuba sans contrainte. Parmi d’autres, le reportage de FR3, le 3 octobre
2005 (« Faut pas rêver », de Laurent Bignolas) l’atteste.
L’équipe de Canal + a choisi de ne rencontrer QUE des Cubains hostiles à leur
gouvernement avec une prédilection marquée pour des marginaux, des trafiquants, des
voleurs, des délinquants, des prostituées, des oisifs. Le mur de l’apartheid rhétorique de
ce film manichéen divise Cuba en deux. Une partie, minuscule et belle est réservée aux
touristes. Tout le reste, sordide jusque dans la manière de filmer et le choix des images,
est un cloaque de misère et de tyrannie, un immense repaire de voyous et d’opposants.
Les citoyens qui soutiennent la Révolution n’apparaissent pas une seule fois. Il n’y en a
donc aucun.
Et que dire de la pitrerie du floutage des images ? Tantôt elles sont en clair pour des Cubains
contestataires, tantôt elles sont brouillées (parfois très symboliquement, juste pour maintenir
un bon niveau d’angoisse) pour d’autres opposants qui, dans ce pays paraît-il quadrillé par la
police politique, nous entraînent chez eux en précisant où ils habitent et avec qui.
A Santa-Clara, le journaliste pourfendeur de bourrage de crâne fait dire (deux fois !) à un
enfant de six ans (non flouté) qu’on lui a parlé du Che à l’école (Santa-Clara a été libérée par
le Che). L’enfant dit aussi n’avoir pas pu entrer dans le musée du Che avec son petit frère.
L’interviewer insiste, lui fait répéter ce cas d’ostracisme. Il tient un scoop qui en dit long sur
le « régime castriste ». En France, n’est-ce pas, les petits enfants entrent dans les musées sans
les parents. Le journaliste lui propose alors de l’y emmener. Il est des pays sous-développés
peuplés d’êtres de seconde zone où un journaliste parisien peut tranquillement dire à un gamin
de six ans accosté dans la rue : « Suis moi ». L’enfant décline, prétextant qu’il est pieds nus.
Le journaliste rebondit sur ce fait capital (comprendre : pays de va-nu-pieds !). Quelques
minutes plus tard, l’insinuation sera balayée par une scène de rue où l’on voit des dizaines
d’enfants rieurs, beaux, bien vêtus, tous chaussés de baskets. Mais ces images ne sont pas
commentées ; elles servent d’arrière-plan à un autre discours : une voix off se gausse « du
leitmotiv de la gratuité de la santé et de l’éducation ». Les « hôpitaux sont vides de
matériel ». On ne saura pas que l’espérance de vie à Cuba est une des plus grandes de
l’Amérique latine, avec des écarts de 14 ans avec certains pays et que le taux de mortalité
infantile est le plus bas de tous les pays pauvres (sources OMS), descendant même sous celui
de nombreux pays riches comme les USA, qui connaissent de fortes disparités selon les Etats,
les villes et les quartiers. « Il meurt plus d’enfants en bas âge à Washington qu’à La Havane. »
(Michael Moore, in « Dégraissez-moi ça », éditions La Découverte, 2000). Quant aux écoles,
nous dit Canal +, on y apprend à lire et à écrire, mais « elles sont AVANT TOUT un élément
important de diffusion de la morale socialiste ».
Toujours à Santa-Clara, la voix off se scandalise : « C’est par la police que nous sommes
accueillis ». En effet, le journaliste débat âprement avec un policier venu gentiment l’avertir
qu’on ne peut pas prendre des photos dans le musée. D’où l’implicite : « Voyez-moi ce
manque de liberté » car à Paris, au Louvre, n’est-ce pas… la scène se passe « tout près d’un
bidonville » nous dit la voix off. Vrai ? Pourquoi ne pas l’avoir filmé ?
Toujours à Santa-Clara, longue et incroyable algarade du journaliste avec un policier courtois
et d’une patience infinie qui ne pourra pas obtenir la présentation du passeport. Provocateur
(« tu veux me fouiller, aussi ? », supérieur, le verbe haut, le journaliste le harcèle d’objections
polémistes, tente de le pousser à bout et décide que le policier devra se contenter d’une
photocopie. Flairant le piège, le policier capitule. Souvent, le chemineau placide passe son
chemin pour que le roquet se calme. Ici, la démonstration (« A bas l’Etat policier ! ») joue au
boomerang : dans n’importe quel autre pays du continent américain (voire en France), le
lascar aurait fini au poste. Lançons-lui le défi de rejouer la scène à 150 kilomètres de Cuba, en
Floride. Reste que le journaliste, dont on ne verra jamais le visage dans le film (peur de
quoi ?) vient de nous offrir deux démonstrations dont la première ne plaide pas pour sa
déontologie et la deuxième pour son savoir-faire : comment essayer de fabriquer un
événement pour le filmer et corroborer un pamphlet, comment échouer piteusement dans cette
tentative. L'outrageant est que, en incluant cette séquence dans le film, il présuppose que le
téléspectateur ne verra pas la grosse ficelle de ce piteux fiasco.
La « libreta » est un carnet qui assure à chaque famille un minimum de denrées quasi
gratuites, (certaines sont gratuites dans certains cas) ce qui a permis d’éradiquer la famine
dans l’île. Ici, on apprend de Cubains floutés (mais reconnaissables) qu’elle sert à « contrôler
la consommation des familles » lesquelles, dit la voix off vont avec ça dans les magasins pour
se « rationner » (et non pas s’approvisionner). Le fait qu’il soit NORMAL que la libreta ne
couvre pas tous les besoins du mois n’est pas dit. On apprend aussi que c’est « débile »
d’empêcher quelqu’un de vivre sans travailler, qu’ici, tenez-vous bien : « l’armée obéit au
gouvernement ET LA POLICE AUSSI ». Ce pays est inouï, en effet !
Cependant, le pire est à venir. Florilège :
Voix off : « Avec le tourisme, la famille Castro est à la tête de la plus grande source de
revenus de l’île ». Les naïfs croyaient qu’après la mévente du sucre et la chute de l’URSS, le
tourisme était devenu la première ressource du pays et que, malgré leurs recherches, les
Etats-uniens n’avaient jamais pu découvrir un compte en banque de Castro à l’étranger, ni
même une propriété.
Voix off (finaude) : « Castro, lui, ne vit pas dans un « solar » (habitation pauvre). Certes, et
cela le distingue du patron de canal +. Et aussi : « Castro, encore vivant est très malade » (ah,
cet « encore vivant » !) et, presque en enchaînant : « Il tient des discours marathon de cinq
heures » dont deux sont consacrés à faire du « télé-achat » en VENDANT aux ménagères des
autocuiseurs GRATUITS (textuel !). Les journalistes ont manifestement pioché en aveugle
dans le sac des malveillances, sans trier celles qui se contredisent (mais l’ont-ils compris ?).
Il y a aussi les subreptices falsifications sous le nez du téléspectateur : un article de loi définit
en trois points (A, B, C) la dangerosité sociale. On en voit un extrait à l’écran. Très vite, le
point C est cerné de rouge et expliqué : il suffit d’avoir une « conduite antisociale » pour être
un parasite social susceptible d’encourir une sanction. Heureusement – vertu du magnétoscope
– un arrêt sur l’image nous fait découvrir que la loi vise en premier l’ivrognerie et la
dipsomanie (l’irrésistible besoin d’absorber de fortes quantités d’alcool) en deuxième la
narcomanie et seulement en troisième la « conduite antisociale » ! Concerne-t-elle les
citoyens qui dégradent des biens publics, les violents, les voleurs ? On ne le saura pas. Mais
on sent que c’est grave, et que, d’ailleurs, rien de pareil n’existe sans doute dans nos lois.
Le film déplore aussi que les personnels des hôtels ne se baignent pas avec les touristes et ne
mangent pas la langouste avec eux. Pardi ! au club Med et partout dans les hôtels de la Côte
d’Azur, c’est différent. Sans parler du Ritz où les serveurs partagent les cuillérées de caviar
avec les clients.
Le blocus ? Il existe à peine car, nous dit la voix off, ce que Castro dissimule, c’est que
« depuis 2002, Cuba a acheté pour plus d’un milliard de dollars de produits agroalimentaires
aux Etats-Unis ». Mais non seulement il le dit mais il travaille ouvertement à augmenter ces
achats et d’autres. Il le faut car, faisons le calcul avec les chiffres de Canal + : ils représentent
un apport d’environ 0,062 dollars par jour par Cubain ! Et partout dans le monde, les
entreprises qui commercent avec Cuba sont menacées, sanctionnées. Une liste
invraisemblable de produits sous licence US ne peut y être vendue. Pas même un bonbon, s’il
contient du sucre cubain ne peut entrer aux USA. Un bateau qui mouille dans un port cubain
ne peut pas entrer dans un port américain avant six mois, etc.
L’émigration est commune à tous les pays pauvres situés près des pays riches. Les Mexicains
en paient le prix du sang sur leur frontière (500 sont morts en la passant en 2005). Mais,
s’agissant des Cubains, elle est toujours « politique ». La voix off : « Un million ont fui Cuba
par tous les moyens. » C’est un nouveau mensonge : passés les troubles de l’époque de la
prise de pouvoir, l’écrasante majorité des partants a quitté l’île en vertu d’accords migratoires
avec les USA. Et s’ils ne peuvent revenir voir leur famille à leur guise, c’est par la volonté du
seul Bush. Par ailleurs, en 2003, les Etats-Unis avaient pratiquement bloqué la délivrance des
visas d’entrée sur leur territoire, lequel est, quoi qu’il en soit, refusé aux marginaux et aux
délinquants. Ces derniers et les impatients, n’ont d’autre choix que la sortie illégale.
Voix off : « En 2003, trois Cubains détournent un Ferry. Castro ordonne leur exécution
quelques jours plus tard. » Remarquable condensé de mensonges en peu de mots. !
Rectifions : onze Cubains tentent vainement de détourner un barge à fond plat, menacent de
mort les passagers (dont des touristes français). Dans tous les pays du monde, les prises
d’otages ratées se concluent par l’exécution, à chaud, des vaincus (en France : grotte d’Ouvéa,
Boeing de Marseille, maternelle de Neuilly). Les onze sont arrêtés, jugés régulièrement (avec
des avocats et pas à huis clos). Contre trois d’entre eux, récidivistes, dont l’un déjà condamné
pour crime de sang, le tribunal (pas Castro) prononce la peine capitale. On peut désapprouver
le verdict ; les autorités cubaines elles-mêmes sont hostiles, par éthique, à la peine de mort.
Elle bénéficiait d’ailleurs d’un moratoire depuis trois ans et elle n’a plus été appliquée depuis.
Mais le contexte était tendu avec le puissant voisin qui menaçait l’île, accusée de mal
surveiller ses frontières, lacune qui figure dans la liste des motifs d’intervention armée.
Voix off : « Les contacts avec les Cubains sont interdits ». Là encore, c’est faux et le film lui-
même le montre involontairement dans plusieurs séquences. Chacun peut louer une voiture,
voyager, manger et dormir où il veut sur l’île et rencontrer qui il veut. Si les autorités cubaines
sont soucieuses d’éviter les harcèlements auxquels les touristes sont confrontés dans nombre
de pays pauvres, s’il existe une vigilance due à des meurtriers attentats passés, le dialogue est
néanmoins libre. Pouvant s’ajouter aux deux millions de touristes qu’elle reçoit, Cuba invite
deux millions d’Américains à venir le vérifier : Bush s’y oppose.
Un « témoin » assure que les Cubains passent leur temps à voler (séquence sur les cigares).
Comme ils en passent aussi beaucoup à fuir, à danser et à faire de la musique, on est étonné de
cette déclaration d’Elizardo Sanchez, dont nous reparlerons plus loin : « Chaque Cubain
passe plus de 90 % de son temps à chercher comment se nourrir, se soigner, ou se
transporter. » Après avoir gaspillé largement plus de 100% de leur temps, on se demande
quand ils étudient (L’Unesco salue les succès spectaculaires de l’enseignement cubain) ou
travaillent : le taux de croissance en 2004 de « cette économie qui se dégrade » (voix off) est
de 11,8 %.
La pénurie de viande rouge a préoccupé les journalistes qui y reviennent longuement plusieurs
fois avec pour témoins des Cubains bien en chair. Ils persiflent sur l’interdiction de tuer une
vache, sans se poser une seule fois la question du pourquoi. La seule réponse pesamment
suggérée est l’incohérent autoritarisme des méchants gouvernants. Il ne sera surtout pas dit
que, dans cette île encerclée, les bovins trop rares sont réservés à la production de lait dont
n’est privé aucun enfant, à la viande pour les adolescents et les adultes les plus fragiles
(malades). Sa consommation par les touristes est un échange par lequel entrent les vitales
devises. Mai, bah ! toutes les mesures pour contrer les effets du blocus et assurer
l’alimentation du pays, sont tournées en dérision par des reporters qui ne manifestent à aucun
moment de l’empathie pour ce peuple dont ils nous décrivent à l’envi les faiblesses, mais
jamais les merveilleuses qualités.
Voix off : « Il y avait 14 établissements pénitentiaires sous Batista et 252 aujourd’hui. Les
organisations humanitaires estiment que 100 000 personnes sont sous les verrous sur 11
millions d’habitants. Dix fois plus qu’en France ». LES « organisations » et pas « DES ».
Lesquelles ?Evidemment, c’est encore faux. Selon les chiffres publiés par le « Centre
international des études carcérales » de l’université londonienne King’s College, les Etats-
Unis, avec deux millions de détenus, ont le taux d’incarcération le plus élevé du monde,
devant la Russie et le Belarus. Sur les neuf millions de personnes emprisonnées à travers le
monde, plus de deux millions, soit 22 % sont derrière des barreaux américains. A lire le
rapport d’une autre organisation, le « Centre international des études carcérales », on voit
que le taux d’incarcération pour 100 000 habitants est plus bas à Cuba que dans nombre de
pays qui ne sont aucunement soumis à une menace extérieure mortelle. Il est de 487/100 000
(et non pas de 910/100 000 si l’on se base sur Canal +), contre 714 aux USA, 532 aux
Bermudes (possession britannique), 523 à Palau (semi colonie US en Océanie) 490 aux Iles
Vierges (possession US dans les Caraïbes). Il faut ajouter aux prisons cubaines le goulag US
de Guantanamo (dont le journaliste épris des Droits de l’Homme ne pipe mot) pour que Cuba
fasse meilleure figure au hit-parade. Pour mémoire, signalons qu’Amnesty international
exclut Cuba de sa liste des vingt-deux pays du continent américain qui pratiquent la torture.
Elle avance un chiffre de 300 prisonniers « politiques », ce que les Cubains contestent.
L’association Sin Visa (dont en reparlera plus bas), intervenant devant la Commission des
Droits de l’Homme de l’ONU en avril 2004 avançait le chiffre de 315. Même s’il est gonflé,
on est loin du chiffre lancé par Canal + au milieu de commentaires apocalyptiques sur un
« Etat policier » pour laisser insidieusement penser, par effet de halo, qu’il s’agit de 100 000
prisonniers politiques.
Et puis, les prostituées : malgré la volonté de dramatisation du reportage, on voit qu’elles sont
inquiètes de la police, comme partout dans le monde (voir les mesures de Sarkozy chez nous),
qu'elles peuvent encaisser pour une passe (40 dollars) plus de trois fois un salaire mensuel.
Mais nul ne se demande alors pourquoi elles ne sont pas plus nombreuses. On en comptait
jusqu’à 15 000 à La Havane sous Batista. Et le proxénétisme proliférait dans le « bordel de
l’Amérique ».
Le reportage s’attarde également dans un « bidonville », « El Fanguito » en plein centre de la
Havane. Les reporters y ont trouvé un bon client logorrhéique dans son opposition au régime,
(flouté inutilement car il montre où il vit !). Les reporters ne nous diront pas ce qui suit : La
Havane compte 2,3 millions d’habitants. Quelques centaines (estimation à 0,03 % avec un
léger risque d’erreur pour le deuxième chiffre après la virgule), venus de province, attendent
dans des baraques la construction d’immeubles, prévue mais stoppée du fait des conséquences
de l’effondrement de l’URSS. Ils y seront logés, sur place, comme ils le veulent et non pas
dispersés aux vents lointains comme des expulsés parisiens d’habitations vétustes.
L’affirmation de Canal + selon laquelle l’Etat veut les expulser pour créer une « zone
touristique » est une invention. Les habitants font l’objet de toutes les attentions sociales avec
des éducateurs, des équipements sportifs, des activités artistiques multiples, une école, deux
églises (pas montrées dans le reportage), des journaux internes. Ce problème est si peu tabou
qu’il a fait récemment l’objet d’un documentaire filmé (et pas en caméra caché) par un grand
réalisateur cubain (non flouté). A titre de comparaison, le Brésil compte 650 « favelas » dont
celle de Rio est peuplé de 500 000 pauvres abandonnés à leur sort depuis des décennies.
Intéressons-nous maintenant à un oracle qui pontifie tout au long du film : un homme replet,
élégamment vêtu et sûr de lui, dans le décor d’une grande maison pourvue d’un coquet « petit
salon » pour les visiteurs. Il nous est présenté comme Elizardo Sanchez, président de la
Commission cubaine des Droits de l’Homme ; il aurait passé huit ans en prison.
Et voici ce que canal + ne dit pas : il est connu à Cuba sous les sobriquets de « l’homme
pendule » ou « Le camajan » (« Le profiteur ». Un livre sur lui porte ce titre). Pourquoi ?
Parce que, avant de s’enrichir dans le mercenariat proaméricain, il avait travaillé, à sa
demande, pour les services de sécurité cubains sous les pseudonymes de l’agent Juana, de
Eduardo et de Pestuna. Certains des mercenaires, stipendiés par les USA, qu’il dénonça alors,
sont aujourd’hui en prison. Des documents irréfutables et nombreux attestent de ce passé,
dont une photo lors d’une réunion secrète du Ministère de l’intérieur où il recevait une
médaille pour ce travail. Affecté d’un égo surdimensionné (il demande à sa femme de dire
« monsieur le président » quand elle parle de lui à des visiteurs), il a su se donner l’image « de
premier dissident » ce qui lui permet de recevoir des aides et subventions de toutes parts en
prenant la précaution de ne pas accepter celles qui arrivent directement de l’ennemi (les
USA). Ainsi, ses principaux bâilleurs de fonds sont Espagnols, Français, Suédois. Des
sommes transitent aussi par le Mexique et Costa Rica. Il voyage beaucoup à l’étranger, donne
des conférences payantes, entretient des rapports étroits avec l’extrême droite de Miami et
intervient contre finances sur « Radio Marti » qui émet vers l’île depuis les USA pour appeler
au renversement de Castro et au maintien du blocus.
Tel est le premier Saint-Jean Bouche d’Or que canal + a choisi pour nous seriner (sans flouter
son visage) que chacun a faim dans ce pays muselé. L’autre est un médecin flouté qui ne doit
pas savoir que des centaines de ses confrères sont en mission humanitaire au Pakistan que des
dizaines de milliers d’autres Cubains sont également à l’étranger (enseignants, médecins,
entraîneurs sportifs, musiciens, chercheurs, etc.) et que 99,999 % d’entre eux (le risque
d’erreur est dans le troisième chiffre après la virgule) rentreront ensuite au pays pour y être
payés avec des clopinettes. A quoi tient ce mystère ? La question ne sera pas posée.
On terminera sur la dernière filouterie de Canal +. Le Monde du 10 février 2004 nous avait
informé sur « les 36 points » d’un programme « destiné à amorcer la transition à Cuba »
présentés par l’association Todos Unidos et diffusés par Sin Visa. Mais Canal + nous a
caché qu’un des réalisateurs figurant au générique, Jorge Massetti est un Cubain exilé
en France, lui aussi ancien agent « retourné » des services secrets cubains, animateur de
« Todos Unidos », lié à Elizardo Sanchez et époux de l’animatrice de « Sin Visa », Illeana
de la Guardia, organisatrice de manifestations anti-cubaines en Europe. La boucle de la
farce se boucle ici.
Libre à Canal + de choisir des collaborateurs tout entiers dévoués à un combat partisan pour
renverser un gouvernement. Mais le taire, c’est abuser les téléspectateurs qui, d’un bout à
l’autre de ce film, auront été méprisés et trompés.
C’est le parfait exemple d’un journalisme d’imputation et d’amputation, de combat
idéologique forcené déguisé en information, de manipulation, de mensonges triomphants et
masqués qui passent à l’antenne.
Pour tout cela, un droit de réponse s’impose.