Channel 4 prépare les esprits à une invasion du Venezuela

Le 27 mars, la télévision britannique Channel 4 a diffusé un reportage de propagande contre le Venezuela. Un moyen de préparer les esprits à une intervention américaine ? Le président Chavez y est comparé à Saddam Hussein.

Le reportage a été diffusé alors que Condaleeza Rice tente de créer une alliance internationale pour isoler le Venezuela. Le journaliste John Pilger a aussitôt réagi en écrivant aux responsables de l’émission, parmi lesquels le journaliste Johnatan Rugman, correspondant de la chaîne à Washington. Extraits :

« Ce reportage a apparemment été écrit par le département d’Etat des Etats-Unis, bien que ce soit J.Rugman qui apparaisse à l’écran. Il représente l’un des pires moments de journalisme que j’ai jamais vus, qualifiable de pure propagande. Je me suis rendu au Venezuela récemment et je peux affirmer que pratiquement aucun élément du discours de Rugman ne correspond à la réalité. Selon lui, les usines ressortent du collectivisme soviétique, une dictature est en train de monter, Chavez est comme Hitler (selon Rumsfeld) et les médias sont la cible d’attaques gouvernementales.

Cette réalité inversée s’appuie sur des commentaires de la presse vénézuélienne. Or au Venezuela, la droite dure est propriétaire de 95% des médias. Ce sont justement ces médias qui ne ratent aucune occasion d’attaquer quotidiennement le gouvernement, du reste en toute liberté. Le Murdoch latino-américain, Cisneros, en contrôle une bonne partie. De fait, les médias vénézuéliens sont probablement les plus concentrés et les plus réactionnaires du monde, mais Rugman ne se donne pas la peine d’aborder cet aspect.

Au contraire, il interviewe Maria Corina Machado, qu’il qualifie d’ « activiste des droits de l’homme » ! De quoi couper le souffle quand on sait qu’elle dirige « Sumate », une organisation d’extrême droite impliquée dans le coup d’Etat de 2002. Elle avait même rencontré Bush à la Maison blanche peu avant. Rugman ne le mentionne pas. Par contre, à travers un portrait grotesque il présente Evo Morales, le président de Bolivie, comme un protégé de Chavez, une marionnette. Que Morales ait un passé politique plus long que Chavez et qu’il ait emporté un raz de marée électoral sont passés sous silence.

Chavez lui-même est présenté comme un dictateur comique, avec des manières latines folkloriques (une des raisons pour lesquelles le peuple l’aime) dégagées ici de tout contexte. En réalité, cet homme très intelligent et accessible a remporté neuf élections démocratiques en moins de huit ans, un record mondial. Dans le plus pur style soviétique, on le montre en sympathie avec Saddam Hussein et Khadafi, alors qu’il ne les a rencontrés que très brièvement dans le cadre de l’Opep.

Il est accusé d’avoir brisé les contrats des compagnies pétrolières étrangères. Ces contrats étaient à peine légaux, en fait conclus grâce à des trous juridiques exploités par son prédécesseur Rafael Caldera qui avait bradé le pétrole vénézuelien tout en faisant entrer des milliards dans les poches de la minorité riche du pays.

Autre énormité : le Venezuela aiderait l’Iran dans son programme nucléaire selon des sources de presse, colportées par des personnages ayant visiblement des intérêts personnels à défendre, ligués avec Washington, et selon des ouïe dires. Très peu de choses ont été prononcées, en dehors de quelques témoignages, sur la manière dont le gouvernement Chavez a amélioré la vie de millions de ses concitoyens. Rugman se plaint d’avoir été « détenu durant 30 heures » au commissariat de police de Caracas. Oh, comme c’est dramatique ! Voilà un pays menacé jour et nuit par les Etats-Unis mais Channel 4 ne parle aucunement de l’ « Opération Bilbao » à laquelle pourtant des analystes américains aussi sérieux que William Arkin ont apporté crédit et qui a pour but de renverser le gouvernement élu du Venezuela. De plus, Rugman devrait apprendre que ce pays ne compte aucun prisonnier politique, malgré la menace militaire constante et les menaces de l’intérieur qu’il subit.

Chavez est présenté en clown, mais Condaleeza Rice apparaît comme la voix de la vérité absolue. Je pourrais poursuivre mais cela suffit. Ce reportage était honteux du début à la fin. Pire, il rejoint une sorte d’hystérie américaine qui trouve ses racines dans le fait que l’administration Bush range le Venezuela parmi les Etats bandits menaçant les intérêts américains : bref, il prépare l’opinion. En tous cas, si une attaque avait lieu, Rugman devrait en porter une part de responsabilité.

Traduction : Danielle Helbig

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