Besoin d’une révolution ? Appelez Otpor !

Après la Géorgie, l’Ukraine ? Les anciens militants du mouvement Otpor (« Résistance »), artisan de la chute du régime de Slobodan Milosevic, sont devenus des experts internationaux ès-révolutions. L’un d’eux, Aleksandar Maric, vient cependant d’être expulsé d’Ukraine, où des élections très sensibles sont convoquées le 31 octobre.

Par Aleksandar Apostolovski

Traduit par T.Boulbat

Les noms d’Aleksandar Maric et de Stanko Lazendic ne disent pas grand chose à l’opinion serbe. Mais pour Leonid Koutchma et Alexandre Loukachenko, les Présidents ukrainien et biélorusse, ils sont les « instigateurs d’un coup d’État » et des « dangers publics ».

Ils étaient perçus de la même façon par le régime de Slobodan Milosevic, avec des qualificatifs supplémentaires : « agents de l’étranger et traîtres à la patrie ».

Même si le mouvement Otpor, officiellement, n’existe plus, même s’il n’est plus enregistré comme parti politique, il semble que son souffle menace toujours les régimes que l’administration américaine considère comme « non-démocratiques ». Aleksandar Maric et Stanko Lazendic sont deux amis, anciens militants des ONG serbes qui ont joué un rôle essentiel dans la révolution du 5 octobre 2000.

Durant la « révolution des roses » en Géorgie, qui a chassé le Président Edouard Chevarnadzé, beaucoup de gens ont appris les « recettes » révolutionnaires d’Otpor. Est-ce que l’Ukraine et le vieux renard Leonid Koutchma se trouvent désormais sur la liste ?

Maric interdit de séjour en Ukraine

Aleksandar Maric, membre du mouvement Otpor et collaborateur de l’ONG américaine Freedom House en Ukraine, a été refoulé mardi soir, sans explications, à l’aéroport de Kiev, a indiqué l’Agence France Presse.

L’AFP ajoute que des membres du mouvement serbe Otpor séjournent déjà depuis quelques mois en Ukraine, en assurant la formation de jeunes militants à l’action non-violente, au cas où des fraudes auraient lieu lors des élections présidentielles, convoquées pour le 31 octobre.

Stanko Lazendic a confirmé à Politika que son camarade Aleksandar Maric n’a pas pu quitter l’aéroport, même si tous ses documents étaient en règle.

Lazendic, Maric et l’un des dirigeants charismatique d’Otpor, Ivan Marovic, ont fondé l’ONG « Centre pour la résistance non-violente » et n’ont pas rejoint le Parti démocratique (DS), après l’accord survenu entre celui-ci et le parti politique qu’Otpor avait essayé de créer.

Leur curriculum vitae professionnel présente cependant d’étranges spécialités : entraînement au coup d’État, management des révolutions.

Stanko Lazendic, qui a séjourné en Ukraine en compagnie d’Aleksandar Maric, explique que « lorsque Otpor a renversé Milosevic et est devenu célèbre à travers le monde entier, des organisations de tous les pays d’Europe de l’est nous ont contacté. Comme formateurs d’Otpor, nous avons participé à de très nombreux séminaires. À titre individuel. Je suis allé en Bosnie et en Ukraine, Maric a été en Géorgie et en Biélorussie. Pour ce qui est de l’Ukraine, nous sommes impliqués depuis un an, et nous travaillons avec quelques organisations non-gouvernementales, dont le but est de montrer aux Ukrainiens ce que signifie le régime de Leonid Koutchma. Nous leur avons appris à mener des campagnes, sans recommandations précises sur ce qu’ils devaient faire ».

Aleksandar Maric a séjourné en Ukraine, quand le mouvement Kmara, l’un des principaux acteurs de la chute de Chevarnadzé et de l’arrivée au pouvoir de Saakashvili, brandissait ses drapeaux à travers toutes les rues de Tbilissi. La mission de Maric était de former les jeunes Géorgiens à l’action non-violente.

« Dans l’esprit des dictateurs, notre action est inhabituelle. Ils ne sont pas habitués aux combats de l’ironie maniée par des jeunes gens. Du coup, ils nous qualifient tous d’organisation violente, paramilitaire », explique Stanko Lazendic.

L’ombre de la CIA

Les militants d’Otpor voudraient-ils oublier le nom de Robert Helvy ? Ce colonel américain en retraite a donné au début de l’année 2000, à l’hôtel Hilton de Budapest des cours intensifs sur les méthodes de combat non-violent aux membres serbes d’Otpor.

Helvy a reconnu une fois auprès des médias serbes qu’il avait été convoqué par des représentants de l’Institut international républicain (IRI) à Washington, qu’ils lui ont expliqué qu’ils travaillaient avec des jeunes de Serbie, et qu’il serait intéressant qu’il les forme aux techniques de résistance non-violente, ce qui leur permettrait d’atteindre leur but.

Il devait entraîner les jeunes d’Otpor à la grande bataille qui les attendait. Comme l’a relevé le Washington Post, les services de la police des frontières de Serbie ont alors remarqué qu’un nombre étonnant de jeunes gens allaient visiter le monastère serbe de Sent Andrej, en Hongrie. Leur véritable destination était bien sûr l’hôtel Hilton, sur les quais du Danube à Budapest.

Stanko Lazendic reconnaît que le colonel Helvy participait aux séminaires. « Mais quand nous sommes allés là-bas, nous n’avons jamais pensé qu’il pouvait travailler pour la CIA. Ce qu’il nous a appris, nous l’enseignons maintenant à d’autres. Comment créer un mouvement d’opinion contre le régime à travers le matériel de propagande ou des performances de rue. Maintenant, on va sûrement dire en Ukraine et en Biélorussie que cela est mis sur pied par des agents de la CIA. Les services secrets ukrainiens sont au courant des séminaires que nous avons animés, car les médias ont ultérieurement révélé leur contenu. Dans les médias d’État, nous sommes présentés, Maric et moi, comme les inspirateurs d’un coup d’État. On explique que nous avons notre centre de direction en Géorgie et que je suis le chef des formateurs envoyés là-bas ».

L’ONG américaine Freedom House a engagé Lazendic et Maric comme conseillers spéciaux pour les mouvements de jeunes en Ukraine. Le but officiel ? Le développement de la société civile.

© Tous droits réservés Politika

© Le Courrier des Balkans pour la traduction

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