Bahar Kimyongür, ex-prisonnier politique : « Je déposerai plainte contre l’Etat belge »

Après plus de deux mois de détention dans la prison de Dordrecht (Pays-Bas), Bahar Kimyongür a été libéré à la surprise générale. La justice néerlandaise a jugé que le mandat d’arrêt international lancé par l’Etat turc contre le militant belge d’origine turque était insuffisamment motivé pour procéder à son extradition vers la Turquie. Une affaire embarrassante pour la Belgique. A plus d’un titre…

Embarrassante, « l’affaire Kimyongür » ? L’adjectif relève de l’euphémisme !

Primo : à la veille de l’arrestation de Bahar Kimyongür, le parquet fédéral belge a signalé à son homologue néerlandais la présence imminente du militant sur le sol batave, en précisant qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Information consignée noir sur blanc dans un PV du parquet néerlandais. En outre, les autorités belges se sont bien gardées d’informer l’intéressé qu’il était visé par un mandat d’arrêt international émis par la Turquie. Pourquoi une telle omission sinon dans le but de contourner l’impossibilité pour la Belgique d’extrader un de ses citoyens ?

Secundo : avant d’en prendre connaissance et de dévoiler l’existence du PV néerlandais, le sénateur Ecolo Josy Dubié avait interpellé à plusieurs reprises Laurette Onkelinx. Il soupçonnait que la Belgique avait « livré » Bahar Kimyongür aux Pays-Bas pour tenter de favoriser son éventuelle extradition. Réponse de la Vice-Première et ministre de la Justice : « Vous dites n’importe quoi » …

Tertio : en libérant Kimyongür pour insuffisance de preuves quant au caractère terroriste de son engagement politique, le Tribunal de La Haye a jeté une lumière différente sur sa récente condamnation par le Tribunal de Bruges : en février dernier, Kimyongür était condamné à quatre ans de prison ferme pour délit d’appartenance au DHKP-C, organisation turque d’extrême-gauche qualifiée de terroriste. Il a interjeté appel de cette décision et sera à nouveau jugé le 11 septembre prochain.

Peu reluisante pour nos autorités judiciaires et politiques, l’affaire est également délicate d’un point de vue médiatique. Seuls Le Soir et la RTBF ont traité le sujet autrement qu’à coups de brèves ou de boycott pur et simple. Mais l’unique traitement audiovisuel a souffert d’ellipses choisies et de conditionnels généreux bénéficiant aux autorités alors que les faits accablent l’Etat belge… Censuré partout ailleurs dans la presse écrite, voici l’interview de l’ex-prisonnier politique belge : Bahar Kimyongür.

Pouvez-vous nous décrire les heures qui ont précédé l’annonce de votre libération ?

Bahar Kimyongür : Ce mardi 4 juillet, l’audience a commencé vers 13h15, puis il y a eu une délibération entre les juges avant qu’on m’annonce l’incroyable nouvelle. Avant que l’audience ne débute, j’étais déjà dans une sorte d’état second parce qu’on m’avait fait beaucoup poireauter avant ma comparution. J’avais un peu perdu la notion du temps, mais en plus, j’étais encore sous l’effet de l’isolement. Je sortais de cinq jours de trou. J’avais été placé en isolement parce que j’avais désobéi au règlement des fouilles corporelles. En fait, lorsque vous êtes au trou, vous avez droit à une demi-heure de sortie par jour à condition de revêtir un uniforme de détenu. Ce que j’ai refusé. Ce n’était pas un uniforme orange de Guantanamo, mais il y avait là une réminiscence que j’estimais avilissante. En conséquence, je n’ai pas pu voir un coin de ciel pendant cinq jours. J’ai aussi refusé de me nourrir. Au trou, à la place de la fenêtre, il y avait une sorte de plaque blanche opaque sur laquelle le soleil frappait en permanence. Dans cette cellule, se diffusait donc une sorte de lumière sombre très désagréable à laquelle s’ajoutait une chaleur suffocante : une vraie cocote-minute ! J’ai littéralement étouffé durant cinq jours. Ensuite, lundi soir (3 juillet 2006), j’ai été remis dans la cellule que je partageais avec un co-détenu. J’ai recommencé à m’alimenter en vue de ma comparution, le lendemain.

Vous ne vous attendiez absolument pas à ressortir libre de cette comparution ?

B.K. : Il était totalement exclu d’y penser. Pas une seconde ! Moi, je voyais plutôt le modèle de l’avion dans lequel j’allais embarquer pour les prisons turques. Si je gardais quand même l’espoir de pouvoir peut-être un jour revenir en Belgique, j’étais convaincu que, ce 4 juillet 2006, je n’allais pas être libéré. Je me présentai à cette audience pour entendre un nouveau report quant à mon éventuelle extradition vers la Turquie. La liberté, j’aurais dû la retrouver dans trois, quatre ou six mois voire un an, mais pas ce jour-là. C’est ce que mon avocat m’avait dit. Pour lui, c’était inespéré. Il n’avait même pas redemandé ma libération, parce qu’il estimait que l’essentiel était d’obtenir un avis négatif des juges sur la demande d’extradition. Il n’en revenait pas lorsque le juge a déclaré que j’étais libre. Ce magistrat m’a dit : « Là, vous avez la porte que vous empruntez pour retourner à la prison et là-bas, c’est la porte qui vous permet de retrouver les vôtres. Vous n’allez pas prendre la première, mais la seconde ! ». Quand il m’a dit ça, j’étais atterré. Bien que je comprenne le néerlandais, je me suis retourné vers la traductrice et je lui ai demandé de confirmer ce que je venais d’entendre. Elle me criait : « Oui, oui ! C’est gagné ! ». Elle semblait presque plus contente que moi qui n’arrivais toujours pas à y croire. Tout cela pendant que les vingt-cinq personnes de la salle applaudissaient et que le public, à l’étage supérieur, criait derrière les vitres. C’était l’euphorie totale !

A quoi pensiez-vous pendant que les juges néerlandais délibéraient sur votre sort ?

B.K. J’étais dans mon petit cachot et je pensais à mon programme du soir. C’est-à-dire répondre au nombreux courrier que j’ai reçu. Une moyenne de six à sept lettres par jour. Je voulais répondre aux professeurs François Houtart et Anne Morelli, à plusieurs comédiens et à pas mal d’étudiants. Beaucoup de prisonniers politiques de Turquie m’ont aussi écrit. D’une manière générale, parmi ceux qui ont signé la pétition pour ma libération, beaucoup m’ont envoyé des lettres d’encouragement. Par ailleurs, c’était aussi triste pour mes co-détenus des cellules voisines. Chaque jour, ils voyaient les gardiens venir vers ma cellule avec des paquets ou une série de lettres alors qu’eux ne recevaient rien. Ces gens n’ont plus aucun repère avec le monde extérieur : ils ont déconné. Ils n’ont pas suffisamment donné aux autres que pour recevoir une contrepartie dans une situation où ils en auraient pourtant bien besoin. C’était triste de voir ça…

Quel était le « profil judiciaire » de vos co-détenus ?

B.K. : Ma détention a d’abord commencé en cellule individuelle, puis j’ai été détenu 34 jours dans une cellule double. Mon co-détenu avait le profil classique. Il était tombé pour plusieurs vols, home-jacking et trafics de drogue. En fait, j’étais le seul prisonnier politique. Lorsque je suis sorti de mes cinq jours d’isolement, en traversant le couloir, tous les co-détenus m’ont félicité avec le poing levé. J’avais gardé la tête haute, même si ma captivité a été symbolique. Ma situation ne peut être comparée à celles de prisonniers politiques turques, palestiniens ou ceux de Guantanamo. Il faut vraiment relativiser et rester modeste. Il n’empêche que je suis content d’avoir désobéi à un règlement que je trouvais humiliant. Celui-ci imposait des fouilles anales… Pourquoi devait-on me rabaisser à ce point-là ? Je n’ai jamais appelé à la haine de l’autre ou prôné la destruction du moindre Etat dans le monde ! Oui, j’ai des convictions. Oui, je crois en la Révolution. Mais je ne veux pas d’une révolution qui ne serait pas soutenue par la population. Ma vision du monde m’appartient et celle-ci n’est pas destructrice, contrairement à ce qu’on a essayé de faire croire.

Malgré votre libération, certains estiment qu’« il n’y a pas de fumée sans feu », car, en Belgique, vous avez été condamné pour délit d’appartenance à une organisation qualifiée de terroriste : le DHKP-C…

B.K. : Condamnation pour laquelle j’ai fait appel. Ensuite, durant l’audience devant les juges néerlandais, il y a eu environ 180 arguments en ma faveur et contre la procédure d’extradition. Parmi ceux-ci, il y avait notamment des rapports du département d’Etat américain affirmant que la Turquie torture les opposants politiques. Il y avait aussi la description du DHKP-C envoyée par la Turquie pour argumenter du caractère terroriste de ma lutte. Ils avaient répertorié une trentaine d’actions militaires attribuées à la guérilla menée par le DHKP-C : meurtres de ministres, attaques de convois militaires, etc. Ce type d’inventaire ne présentait aucun lien avec le fait que j’ai chahuté un ministre turc des affaires étrangères au Parlement européen à Bruxelles ou que j’ai participé à un comité de soutien à un prisonnier politique du DHKP-C détenu en Allemagne. C’était ça le fond du dossier. Les juges ont bien fait la part des choses. Ils ont bien vu que la définition du terrorisme telle qu’elle était dépeinte par la Turquie ne correspondait pas du tout à mon profil politique.

Les juges néerlandais ont-ils évoqué l’affaire Fehriye Erdal ?

B.K. : Non, pas eux, mais mes avocats en ont parlé. En soulignant que, pour les autorités turques, je suis une des principales personnes susceptibles de savoir où se trouve Fehriye Erdal. Dès lors, en cas d’extradition, la torture à mon endroit devenait inévitable. Pour la Turquie, Fehriye Erdal est une affaire d’Etat : ils veulent sa peau ! Puisque, pour eux, je suis le complice n°1, ils n’allaient pas me rater… Ensuite, Ferhriye Erdal a aussi été évoquée parce que l’une des accusations portées par l’Etat Turc pour me désigner comme terroriste reposait sur le fait que j’avais assisté aux audiences du procès Erdal en 2000. Pour la petite histoire, je me souviens que des syndicalistes CSC m’avaient accompagné à ce procès ainsi que des professeurs d’Université et des membres du Clea (Comité pour la liberté d’expression et d’association). Ces personnes pourraient-elles se retrouver avec un procès en terrorisme pour le simple fait d’avoir assisté à ce procès ? C’est aberrant !

Une fois libéré, qu’avez-vous décidé ?

B.K. : Je voulais d’abord prendre mon temps, m’installer sur une terrasse de café. Il faisait beau, c’était idéal pour se relaxer avec tout ceux qui étaient là. Mais je n’en ai pas eu l’occasion. Je suis immédiatement rentré en voiture avec ma famille. Mon avocat m’avait dit : « Ecoute, on ne sait jamais ce qui peut arriver, le procureur pourrait revenir sur sa décision. Laisse tomber le café et rentre directement en Belgique ! On s’occupe du reste ». Le reste, c’est mon instrument de musique, mes lunettes, mon GSM et mes papiers d’identité. Là, je suis devant vous sans papiers ! Mes pièces d’identité sont toujours à la prison de Dordrecht.

Comment fait-on pour s’accrocher à l’espoir lorsqu’on est incarcéré pour ses convictions politiques ?

B.K : En prison, c’est inévitable, on développe des idées noires. J’ai pensé aux épisodes sombres de l’histoire qui m’ont poussé à m’engager à gauche. Même si c’est ridicule, on ne peut pas s’empêcher de penser à « l’Opération Condor » (campagne d’assassinats menée dans les années 70 par les dictatures fascistes du Chili, de l’Argentine, du Brésil, de la Bolivie, du Paraguay et de l’Uruguay pour tuer les « terroristes » gauchistes, y compris en France, au Portugal ou aux Etats-Unis, ndlr) ou à l’affaire Ben Barka (opposant socialiste marocain à la dictature d’Hassan II et leader anti-impérialiste enlevé et assassiné à Paris en 1965, ndlr). Parallèlement à ces craintes, je n’ai jamais autant développé d’empathie pour ces causes historiques que lorsque j’étais en prison. En détention, je pouvais regarder la télé. J’ai vu une émission sur les Vietnamiens qui étaient encore atteints de l’agent orange, une autre sur l’apartheid en Afrique du Sud et, bien sûr, l’insupportable prise d’otage du peuple palestinien à cause de l’enlèvement d’un caporal de Tsahal. Ces injustices révoltantes, j’en ai chialé pendant deux jours. Tout cela nous touche encore plus en prison parce qu’on se sent encore plus impuissant. Néanmoins, je me suis raccroché à ce que disait Le grand poète communiste turc Nazim Hikmet : « Même quinze ans de prison sont supportables tant que le joyau que tu possèdes sous ton sein gauche ne s’assombrit pas ». En outre, avec tout le soutien, l’affection, la tendresse et l’amour que j’ai reçu de l’extérieur, c’est comme si j’étais déjà dehors…

Il est prouvé que la Belgique vous a livré aux autorités néerlandaises et n’a rien entrepris pour s’opposer à votre éventuelle extradition vers la Turquie. Comptez-vous déposer plainte ?

B.K : Mes amis sénateurs, notamment Josy Dubié, m’ont conseillé de le faire. Ce complot international à mon encontre impliquant les polices belges, néerlandaises et la Turquie, c’est effectivement grave. J’ai perdu deux mois de liberté avec la menace permanente de passer les quinze prochaines années de ma vie dans une prison turque. Tout cela pour rien. Je vais donc déposer plainte contre l’Etat belge. Demander un dédommagement, cela fait partie du combat démocratique. Mon action ne se limite pas à la démocratisation de la Turquie et à l’amélioration des conditions de détention dans les prisons turques. Je suis un citoyen belge, c’est aussi un devoir pour moi de tenter d’élargir l’espace démocratique en Belgique. Et surtout, d’essayer de dédramatiser cette « guerre contre le terrorisme » qui est menée de manière tellement asymétrique qu’elle peut, aujourd’hui, toucher n’importe qui…

Vous estimez avoir servi de « monnaie d’échange » pour tenter de compenser le fiasco belge concernant la fuite de Fehriye Erdal ?

B.K. : Si je dépose plainte, ce n’est pas pour l’argent. C’est pour l’exemple : il ne faut pas que ça se reproduise ! Un Etat démocratique comme la Belgique n’a pas à se venger sur un de ses citoyens pour essayer de se rattraper vis-à-vis de l’Etat Turc parce qu’il y a eu un « flop » dans le dossier Erdal. Trois militants européens du DHKP-C (Musa Assoglu, Sukriye Akar et Kaya Zaz) ont été emprisonnés, d’autres sont en cavale, il ne restait que moi et mon militantisme public. La Turquie veut me faire taire et l’Etat belge lui était redevable après le fiasco Erdal. Etant donné que mon pays ne pouvait m’extrader, le meilleur moyen de régler mon cas était de le faire de façon interposée. En signalant à la police des Pays-Bas qu’un mandat d’arrêt international était lancé contre moi dès que je partais pour la Hollande. Or, j’avais le droit de quitter la Belgique. Je n’ai enfreint aucune règle ! Ce n’est pas parce que j’ai été condamné à quatre ans de prison par le Tribunal de Bruges que je ne pouvais pas voyager. J’ai interjeté appel de cette décision judiciaire et il n’a été stipulé nulle part que j’étais contraint rester sur le territoire belge !

Que répondez-vous à ceux qui estiment que cette condamnation ajoutée à votre incarcération hollandaise fait de vous quelqu’un de suspect ?

B.K : C’est une surenchère. J’aurai l’occasion de le démontrer en appel. A partir du moment où cette qualification de terroriste vous colle à la peau, ça ne vous lâche plus. Or, mon dossier est vide concernant tout fait de terrorisme. Ce qui m’a éclaté à la figure, c’est ce communiqué du DHKP-C que j’ai traduit, commenté et qui a été interprété comme une revendication. Une aberration totale. Mais c’est à partir de cet épisode qu’on a construit mon image de terroriste. Le jour de ma libération, dans le JT de 19h30 de la RTBF, le journaliste n’a même pas cité le terme « extrême-gauche » dans son reportage. Il a uniquement utilisé le terme « terroriste » du début jusqu’à la fin. En plus, à l’image, j’apparaissais barbu et hirsute. Par esprit de rébellion, j’avais décidé de cesser de me raser et de me couper les cheveux. L’amalgame avec les islamistes pouvait être vite fait. On dit que l’habit ne fait pas le moine, mais aujourd’hui, la barbe fait quasiment le kamikaze ! Ne pas mentionner que je défends une sensibilité de gauche ou d’extrême-gauche et utiliser le mot terroriste, c’est directement m’assimiler à l’autre bord. C’est grave ! Le 11 septembre, je refuse que mon procès en appel devienne une sorte de séance pour déterminer si mes opinions personnelles sont politiquement correctes ou pas. Il ne s’agit pas de juger mes convictions mais bien mes actes. Et ceux-ci ont été de traduire et d’interpréter un communiqué ainsi que de m’opposer au discours d’un ministre turc que je n’ai ni agressé, ni insulté, ni entarté. Dans un Etat de droits, cela n’est pas du terrorisme.

Durant votre détention, votre épouse, Deniz, s’est entretenue avec Laurette Onkelinx qui lui aurait affirmé que si vous étiez parti, c’était pour fuir la Belgique et éviter d’être condamné en appel…

B.K : C’est incroyable ! J’ai été contacté par les musiciens du groupe Yorum qui organisaient un concert dans le cadre d’un festival aux Pays-Bas. Voilà ce qui a motivé mon voyage, c’est facile à vérifier. Comme il est facile de vérifier que j’avais déjà aidé ce même groupe à organiser un concert à la VUB, un mois avant de me rendre en Hollande ! Le concert néerlandais avait lieu le samedi 29 mai dans l’après-midi. Dans la soirée du jeudi 27 mai, je suis parti pour les Pays-Bas pour contribuer aux préparatifs de ce concert. Mais sur la route, j’ai été arrêté par la police néerlandaise, dans la nuit du jeudi au vendredi, vers 01h00 du matin. C’est tout simplement insensé ce que la ministre Onkelinx raconte ! Où voulez-vous que j’aille ? Sans ma femme, en plus ! Elle ne me le pardonnerait jamais et il n’y aurait pas d’appel avec elle (rires) ! Sérieusement, ma vie est ici, en Belgique, auprès de mon épouse. Et nous aurons des enfants qui vivront dans ce pays…

La manière dont Laurette Onkelinx a géré « l’affaire Kimyongür » est-elle aussi liée au fait que la ministre de la Justice est en campagne électorale à Schaerbeek, commune bruxelloise où vous, comme le DHKP-C, êtes mal vus des électeurs d’origine turque ?

B.K. : Certainement. Madame la ministre Onkelinx sait parfaitement que la gauche révolutionnaire n’a pas la cote à Schaerbeek. Ce courant politique a néanmoins des sympathisants, mais ils sont obligés de s’en cacher par crainte de représailles des Loups gris (l’extrême-droite turque) qui disposent d’une certaine assise dans le quartier turc. Il est clair que Madame Onkelinx adapte son discours par rapport à ces gens-là. Il y a trois ans, la ministre de la Justice écrivait à l’ambassadeur turc de l’époque pour demander l’amélioration des conditions effroyables de détention des prisonniers politiques dans les prisons turques de type F (isolement total). Depuis six ans, dans ces pénitenciers spéciaux, il y a déjà eu 122 morts suite à des grèves de la faim et 600 mutilations par médicalisations forcées. Si Madame Onkelinx dénonçait cela, il y a trois ans, je crois qu’aujourd’hui, elle ne peut même pas y penser. C’est pitoyable ! Un jour, elle défend les activités du bureau d’information du DHKC de Bruxelles en estimant que celles-ci sont garanties par la Constitution, l’autre jour, elle nous colle ou permet que soit accolée l’étiquette de terroriste. Laurette Onkelinx est sous pression, complètement enfermée dans cette logique de séduction de la communauté turque de Schaerbeek. Chaque fois qu’elle intervient auprès de cette communauté, il y a des agents de la sûreté turque qui incitent le public à orienter le débat sur les questions arménienne, chypriote ou kurde dans le sens des intérêts stratégiques de l’Etat turc. En fait, Laurette Onkelinx me fait pitié.

Pendant votre détention, votre épouse m’a également dit : « Cette affaire montre que mon mari, né en Belgique, n’est pas encore Belge »…

B.K. : Il y a du vrai. J’ignore si, un jour, je serai tout à fait belge … Il existe effectivement cette gradation. C’est beaucoup plus facile de coller l’étiquette de terroriste à un citoyen belge un peu coloré – un allochtone, c’est ça qu’on dit ? (rires) – qu’à un « Belge d’origine belge ».

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