Aujourd’hui, le rêve d’une unité latino-américaine prend forme

Extrait d’une interview du syndicaliste français Jean-Pierre Page sur les évolutions du monde syndical
L’Amérique latine est actuellement le cadre de nombreuses expériences politiques qui allient la construction du socialisme et la défense de l’indépendance nationale face à l’impérialisme US. Vous vous êtes rendu plusieurs fois à Cuba, que pensez-vous des acquis de la révolution et de la situation économique et sociale dans l’île ? Les réformes entreprises par Hugo Chavez commencent à porter leurs fruits au Venezuela? Que pouvez-vous nous dire sur les transformations au sein de ce pays?

Des changements rapides et profonds sont en train de transformer l’Amérique Latine et la Caraïbe. Parce qu’ils s’opèrent à travers une démarche globale c’est-à-dire : politique économique, sociale et culturelle. Et ces changements ne sont pas sans faire réfléchir bien d’autres régions du monde! Après des siècles de colonisation, de pillage, de corruptions, de mise sous tutelle par les États-Unis, d’années de répression barbare par des dictatures sanguinaires, la force et l’unité du mouvement populaire a modifié complètement la donne. Qui aurait pu imaginer cela, en moins de 20 ans après l’effondrement de l’URSS? Non seulement Cuba et son peuple ont résisté avec héroïsme, mais cet exemple contagieux a encouragé tous ceux qui luttaient pour une autre alternative, pour un autre avenir que celui décidé par le “Concenssus de Washington”. Décidément il n’ y a que les batailles qu’on ne mènent pas qu’on ne gagnent pas.

Il y a bien sûr une grande diversité de situations, et les gouvernements de gauche ou de centre gauche qui se sont imposés ces dernières années à travers des élections ont tous en commun qu’ils ont été portés en avant par de puissants mouvements populaires ou, par ailleurs, les populations indigènes ont joué un rôle considérable! Cela s’est fait dans un contexte marqué par l’agressivité et la brutalité des stratégies impérialistes pour imposer leur suprématie au reste du monde. Celles-ci ont été mise en échec , l’infaillibilité des États-Unis s’est ainsi trouvée questionnée comme jamais auparavant. Il ne s’agit pas d’idéaliser les choses, prendre ses désirs pour des réalités, mais ces changements sont indiscutables! Il est clair qu’en mettant en échec le traité de libre échange des Amériques ( ALCA), les peuples d’Amérique latine ont imposé une autre vision des choses. Cette défaite de l’hégémonisme et de l’unilatéralisme a eu une valeur pédagogique sans laquelle l’ALBA ( Alternative bolivarienne des Amériques) n’aurait jamais vu le jour. Il est donc possible de dire NON à Washington et de construire autre chose en comptant sur ses propres forces!

C’est ce que font aujourd’hui la plupart des États latinos américains en reprenant en particulier par la nationalisation le contrôle de leurs richesses nationales que les transnationales, particulièrement US et Européennes, exploitaient avec cynisme au détriment du développement des peuples de cette vaste région. Une attitude plus résolue face à la dette, le départ ou la prise de distance du FMI et de la Banque mondiale; en 2006, Correa, président de l’Equateur a même déclaré “persona non grata” le représentant de la BM, une coopération sans précédent par une intégration régionale plus poussée bilatéralement et multilatéralement, des initiatives comme la Banque du Sud ou encore de grands travaux à l’échelle du continent comme le gigantesque projet de raffinerie “Abreu e Lima” entre le Venezuela et le Brésil, enfin une réorientation des relations internationales par le développement sans précèdent des relations sud/sud en particulier avec l’Asie bouleversent complètement les données de la géopolitique !

Dans ce contexte, il est indéniable que le dynamisme d’Hugo Chavez, la fermeté dont il fait preuve et par-dessus tout la vision politique anticipatrice qui est la sienne contribue à favoriser ce mouvement, mais il n’est pas le seul et il n’est pas seul! Rétrospectivement il faut vivre en Amérique Latine pour mesurer à sa juste valeur l’influence de la vision cubaine et la pensée, tout particulièrement celle de Fidel Castro, qui a irrigué pendant un demi-siècle la pensée politique du continent. Elle prouve aujourd’hui toute sa validité à travers cette situation nouvelle. Cent soixante-quinze ans après, le rêve de Simon Bolivar d’une unité latino-américaine prend forme! Cela n’est pas tombé du ciel, c’est le résultat d’un combat pour la dignité, la souveraineté, l’indépendance et la solidarité. Rien n’est jamais acquis de façon définitive, mais une chose est certaine, les peuples d’Amérique latine et de la Caraïbe sont plus forts, et même si les inégalités sont indiscutables et si les défis sociaux sont considérables, les choses ont commencé a changé ! L’impérialisme d’ailleurs ne s’y trompe pas en multipliant les agressions, de plan Colombie en plan Panama, de blocus économique en tentatives de coups d’état ou encore en recherchant par la partition et l’éclatement de certains pays la déstabilisation politique de ceux parmi les plus déterminés dans l’affirmation et la défense de leur souveraineté. Pour l’heure cette stratégie a échoué et la solidarité latino-américaine joue à plein comme on l’a vue après l’agression de la Colombie contre l’Equateur!

Bien sûr, la lucidité commande de voir les choses en face. Le changement, a fortiori à cette échelle, n’est pas un long fleuve tranquille, il y a des attentes, des insatisfactions, des erreurs, mais ce qui importe c’est la tendance des choses. Au Brésil où 50 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, il faut mesurer ce que représente l’arrivée de l’électricité dans un foyer qui en a toujours été privé! Aujourd’hui, cent quarante-huit municipalités ont été déclarés “libres de l’alphabétisme” en Bolivie grâce à la solidarité cubaine et vénézuélienne. Enfin, comment ne pas évoquer dans le domaine de la santé l’opération Milagros (miracle) qui a permis de libérer de la cataracte 208.000 malades de vingt-un pays latino-américains grâce, encore une fois, à la solidarité Cubaine et Vénézuélienne. Comme le dit Fidel Castro « la guerre contre le sous-développement, la pauvreté, la faim est la seule guerre vraiment humanitaire. »

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