Au cœur du « clan » alaouite…

Cet article condense une série de témoignages inédits, recueillis à la frontière turco-syrienne durant l’été 2011. Une enquête « à contre-courant » à propos du conflit qui embrase actuellement la Syrie.

 
Juin 2011, cent vingt soldats sont tués à Jisr al Choughour, une localité du Nord-Ouest de la Syrie. Selon les opposants à Bachar Al Assad, ils ont été exécutés pour insubordination, pour avoir refusé de massacrer des civils innocents. Mais d'après Damas, ses militaires ont été abattus par une bande armée, au moment où ils portaient assistance à la population de Jisr al Choughour, terrorisée par les hors-la-loi…

Que se passe-t-il réellement en Syrie ? Quelles forces sociales s'y affrontent pour le contrôle du pouvoir ? Comment les pays limitrophes influencent-ils le contexte syrien ? Quels intérêts motivent l'Europe et les États-Unis à s'impliquer dans le conflit ?

Les témoignages qui suivent offrent un point de vue original et polémique sur les événements qui secouent actuellement la Syrie… (A)
 

Des vacances avec Bachar

 
Cet article se propose d'introduire de la complexité au sein du discours uniforme, propagé dans les médias, au sujet de la Syrie. Cette contribution au débat adopte donc un angle de vue inédit sur la question. Elle repose sur des entretiens réalisés durant l'été 2011, auprès d'Arabes alaouites de nationalité turque.

La Syrie est un pays arabe. Majoritairement sunnite, sa population se compose de douze pour cent de chrétiens et d'une proportion similaire d'Alaouites. Bachar Al Assad appartient à cette minorité, qui constitue une branche hétérodoxe du chiisme.

Antioche et Samandag sont deux villes frontalières de la Syrie, situées en territoire turc. Ces agglomérations sont partiellement peuplées d'Arabes alaouites. Installés au sud de la Turquie sunnite, ces derniers éprouvent un attachement particulier envers la Syrie.

Observateurs avertis des tensions qui traversent la région, les Arabes alaouites de Turquie, auxquels la parole est confiée dans ce document, se trouvent donc aux premières loges pour analyser les évolutions de la société syrienne.

Fournissant de nouvelles clés pour appréhender cette problématique, les personnes interviewées dans le cadre de cette enquête témoignent du climat de violence qui règne en Syrie et insistent sur le rôle joué, dans l'ombre, par la Turquie pour déstabiliser le pouvoir en place à Damas.
 

Une reine de bonté…


Entendu dans les médias internationaux : depuis juin, seize mille Syriens se sont réfugiés en Turquie, dans les environs d'Antioche (Antakya, en turc), pour fuir les massacres perpétrés, à quelques kilomètres de là, à Jisr al Choughour.

« Vu à la télé » : sous une pancarte souhaitant la bienvenue à « la reine de bonté », l'actrice américaine Angelina Jolie, les yeux tout ronds, débarque expressément à Antioche, afin de s'enquérir de l'état des malheureux.

Découverte sur le terrain : une réalité moins hollywoodienne…

Sur le bord de la route asphaltée, à une centaine de mètres de l'entrée du village d'Altinözu où sont installés des réfugiés, un arbre protège quatre jeunes Syriens du soleil : « On vient de Jisr al Choughour. On sait ce qui s'est passé là-bas avec les cent vingt soldats : c'est un règlement de compte entre policiers et soldats ! »
– « Ah bon ? »
– « Oui, c'est ce qu'on nous a dit… »

De grands hangars métalliques, camouflés par une enceinte barbelée, composent le camp. « D'une capacité de deux mille places, il n'est occupé que par trois cents personnes », indique le garde en faction à l'entrée, après avoir interdit l'usage de tout appareil photographique. Il a l'air de s'ennuyer. Il explique : « Ils passent la frontière car ici, ils sont bien accueillis et reçoivent à manger… Il ne se passe rien en Syrie mais ils vont et viennent quand même. »

Dans le petit bus qui m'a véhiculé, quelques minutes plus tôt, jusqu'aux montagnes dominant Antakya, le conducteur tient un discours similaire : « Tu dois écrire la vérité car dans les médias, il n'y a que des mensonges… Moi, je transporte tous les jours des gens de part et d'autre de la frontière. Tout se passe comme d'habitude, tout est calme, rien n'a changé. Les médias doivent arrêter d'effrayer les gens ! »

Confidentiel


Pour quelle(s) raison(s) des Syriens franchissent-ils la frontière turque ? L'anecdote racontée par un enseignant peut laisser perplexe : « Des officiels de l'État turc sont allés dans des villages sunnites derrière la frontière syrienne en leur promettant maison, terre et argent. C'est ce que les réfugiés ont expliqué aux professeurs turcs arabophones, qui peuvent servir d'interprètes dans les camps. Les réfugiés se sont rués sur eux en demandant : ''Où est tout ce qu'on nous a promis ?'' Quand ils ont vu qu'ils n'auraient rien, beaucoup sont rentrés en Syrie. »

Un policier d'Antakya certifie, quant à lui, que des Turcs proposent aux Turkmènes de Syrie le deal suivant : « On vous donne cinq cents lires syriennes et vous venez en Turquie pour montrer qu'il y a un afflux de réfugiés. L'État turc vous garantit la nationalité, de l'argent et des terres. » Et l'agent des forces de l'ordre de constater : « Les réfugiés ont pété les plombs contre mes collègues quand ils ont compris qu'ils n'auraient rien. »

La nuit est tombée depuis longtemps sur la vallée au creux de laquelle se déploie la ville d'Antakya quand Fatih, un géomètre de vingt-huit ans, résume la conviction des centaines de milliers d'Arabes alaouites vivant dans cette partie de la Turquie : « Des réfugiés sont venus chez nous parce que l'État turc leur a promis de l'argent. Quand ils ont vu qu'on ne leur donnait rien, nombre d'entre eux sont repartis. Mais ça, les médias n'en disent rien ! De la même manière que nous, on est des Arabes alaouites vivant en Turquie, il y a des Turcs sunnites qui vivent en Syrie. Ce sont eux qui ont été interviewés et qui racontent n'importe quoi sur la situation ! »

La tante de Fatih renchérit : « Tous les réfugiés qui sont arrivés en Turquie sont sunnites. L'État turc leur a proposé de s'établir en Turquie. Comme ça, il y a encore plus de sunnites dans notre région. »

Le ciel est rempli d'étoiles et Fatih vitupère : « Angelina Jolie, Angelina Jolie… Pourquoi n'a-t-elle pas été réaliser son show pour les quatre millions d'Irakiens que la Syrie a accueillis à cause de la guerre de Bush ? »

Six conversations et (déjà) beaucoup (trop) d'informations (inhabituelles).
 
 

Des Arabes en Turquie ?

 
Pain, olives et fromage… Au cours du petit déjeuner, Fatih livre ses sentiments en buvant un thé bouillant : « Ici, les gens prennent des somnifères pour dormir, sinon ils deviendraient fous. » Abandonnant son air jovial, le benjamin de la famille qui m'héberge prophétise : « Ici, on a très peur. Il va y avoir un véritable génocide, si Bachar tombe… »

Ses phrases rebondissent et font sonner creux une partie vide de mon cerveau. « C'est quand même Bachar Al Assad qui est violent. Je ne comprends pas, Fatih. Il risque de se venger ici… en Turquie ? » Il secoue la tête et répète plus lentement : « Si Bachar tombe, nous, les Alaouites, on va se faire massacrer par les sunnites de Turquie et de Syrie… »

Fatih a pris des forces et sa voiture. Très vite, il ironise : « Aujourd'hui, les deux cent mille habitants d'Antakya semblent s'être donné rendez-vous pour bloquer le centre-ville. » Avançant autant à l'aide de son klaxon que de son accélérateur, Fatih zigzague dans les embouteillages : « Regarde le quartier qu'ils sont en train de bâtir là-bas, il est réservé aux sunnites. Tu dois téléphoner pour pouvoir t'inscrire. On a testé : les Alaouites ne sont jamais pris ! En plus, maintenant, quand ils construisent de nouveaux ensembles, ils commencent par la mosquée, pour être sûrs qu'on ne viendra pas… Voilà pour quoi et pour qui on paye des impôts ! », clame-t-il, en écrasant sa pédale de frein.

Pour échapper à la circulation, il se permet un rapide détour historique, égratignant au passage l'État français qu'il accuse de vouloir recoloniser la Syrie. Une main sur le volant, Fatih parle comme un livre : « Sous domination ottomane pendant quatre siècles, la Syrie a été placée sous protectorat français lors du démembrement de l'Empire. En 1939, notre région, le Sandjak d'Alexandrette, une zone géographiquement, historiquement et culturellement attachée à la Syrie, a été discrètement concédée à la Turquie, pour éviter qu'elle ne s'allie à Hitler. »

Trente kilomètres encore pour atteindre les locaux du cabinet d'expertise fondé par Fatih. Sa voiture s'engage, – enfin – à grande vitesse, sur la route cabossée reliant Antakya et Samandag. Le conducteur continue : « Nous, les Arabes alaouites, nous ne formons qu'une petite minorité installée à cheval sur la frontière turco-syrienne, le long de la côte méditerranéenne. » Il sourit : « Pour nous, les Arabes alaouites de Turquie, Bachar est un cousin. Le village d'où est native la famille Al Assad se trouve de l'autre côté de la frontière, derrière la montagne là-bas. »

Sur un ton plus grave, Fatih conclut, en entrant dans Samandag : « Nous, les Arabes alaouites de Turquie, nous sommes doublement discriminés : nous sommes arabes, nous parlons cette langue, mais l'État a ''turquisé'' nos noms de famille comme les noms de nos villages et nous impose l'apprentissage du turc. En plus, nous sommes des Alaouites, une forme très ''ouverte'', antidogmatique de l'islam chiite, plongés dans un océan sunnite conservateur…»

Brahim, la cinquantaine, travaille dans l'import-export entre la Turquie et l'Irak. Lui aussi exprime les angoisses d'une minorité assiégée, sous pression : « On a beaucoup à craindre de la situation en Syrie et de l'évolution politique en Turquie. L'Histoire nous l'enseigne : notre population a déjà été souvent massacrée. L'État turc ne s'en cache pas : il veut éliminer les Alaouites turcs. Quand j'étais petit, à l'école, on nous demandait : ''Vous êtes turcs ou arabes ?'' On devait tous crier : ''Nous sommes turcs !''… On veut nous assimiler. »

Au cœur du « clan » alaouite


Moi qui croyais que les musulmans ne buvaient pas d'alcool ! Ici, on me traite d'« islamiste » quand je refuse un verre et c'est autour d'une bouteille d'eau-de-vie que Brahim s'exclame : « Bachar, c'est notre seul salut en tant que minorité. S'il tombe, on nous attaquera… » Puis, après un moment de réflexion, il articule avec conviction : « Mais jamais dans l'Histoire, nous n'avons reculé. Les Alaouites lutteront. On touchera le fond pour mieux remonter. »

En soirée, un vent – toujours vigoureux – rafraîchit la région. Isolée de la route par un patchwork de vergers plantés d'oliviers, de pruniers et de figuiers, la demeure de Brahim est édifiée en contrebas d'une montagne. Confortablement installé sur sa terrasse, ce dernier devise avec ses proches en dégustant une variété de mezze.

J'écoute et j'ai l'esprit aussi embrumé que mon raki coupé à l'eau glacée. Avec les informations accumulées jusqu'à présent, je n'arrive à bricoler que des syllogismes improbables.

Trop sommaires demeurent mes connaissances sur l'islam. Je garde bien en mémoire que les sunnites s'opposent aux chiites comme les catholiques peuvent se distinguer des protestants. Mais c'est à peu près tout… Mon image de la femme chiite ? Un cliché : une Iranienne complètement emballée.

Syllogisme n° 1 :
Une chiite est intégralement drapée de noir.
L'alaouisme constitue une branche du chiisme.
Les Alaouites… ne portent pas le voile.

Il est tard mais toute la famille a souhaité rester attablée pour continuer la discussion après le repas. La femme de Brahim détend l'atmosphère : « Si les sunnites veulent nous voiler, on mettra des décolletés encore plus larges ! ». Elle rigole. Tout le monde rigole…

Syllogisme n° 2 :
Les musulmans font le ramadan.
Les Alaouites sont musulmans.
Les Alaouites ne font pas le ramadan !

Ali est médecin. Parlant arabe, il a été réquisitionné une journée par le ministère turc de la Santé pour aller prodiguer des soins aux réfugiés concentrés à Altinözu, une bourgade essentiellement sunnite. Mais finalement, le docteur n'a pas été autorisé à entrer dans le camp quasi désert. De confession alaouite, il s'est égaré à demander un verre d'eau lors de son arrivée. Ramadan oblige, on lui a conseillé de rebrousser chemin…

Durant le mois de jeûne, dans la cité balnéaire où Ali passe ses week-ends pour profiter de la Méditerranée, ont été placés des haut-parleurs sur plusieurs maisons. À cinq heures du matin, les vacanciers – principalement alaouites – pestent contre le chant du muezzin, diffusé à pleins décibels.

Syllogisme n° 3 :
Les musulmans prient à la mosquée.
Les Alaouites sont musulmans…
Les Alaouites ne mettent pas les pieds dans les mosquées !

Mercredi, non loin du camp d'Altinözu, c'est jour de marché dans le village de Deniz. La population locale y débat avec des réfugiés qui affirment : « Le vendredi, dans les mosquées, ils nous donnent cent lires pour qu'on aille protester… Alors, on le fait. »

Armés… de rameaux d'olivier


Comme beaucoup ici, Samiya, une femme au foyer d'une cinquantaine d'années, ne regarde plus la télévision turque : « Ils ne profèrent que des mensonges ! » Elle a branché le satellite sur les chaînes syriennes. Sur l'une d'elles, elle me relate avoir entendu un Syrien expliquer qu'on lui avait proposé, ainsi qu'à d'autres, cinq cents lires pour fomenter des troubles… « Ce qu'ils se sont empressés de faire, vu leur pauvreté. Mais comme ils n'ont reçu que cent lires, ils ont manifesté devant le commissariat pour dénoncer ceux qui n'avaient pas tenu leurs promesses ! », s'amuse Samiya.

Alors que notre voiture s'engage sur la chaussée défoncée menant au ziyara de Samandag, un mausolée garni d'un dôme blanc, lieu de pèlerinage pour les croyants du monde entier, Fatih m'interpelle subitement : « Cette femme, là, c'est une Syrienne. Elle est mariée à un de mes amis. Elle peut t'expliquer ce qui se passe de l'autre côté de la frontière. » Évitant de justesse un curieux équipage composé de deux enfants et de leurs parents acrobatiquement disposés sur une vieille moto, nous nous arrêtons sur le bas-côté et accostons la petite dame.

Accoudée au rebord de la fenêtre du véhicule, elle paraît sur le qui-vive : « Moi, je n'ai pas peur de parler mais mon mari est peureux. Il se méfie de la police turque. Donc, ne mentionnez pas mon nom et ne me prenez pas en photo… » Une fois rassurée, elle se met à raconter : « Moi, je viens d'Alep et j'ai de la famille dans tout le Nord de la Syrie. J'ai aussi des parents à Jisr al Choughour. Ils disent l'inverse de ce qu'expliquent les médias turcs. Ils nous ont expliqué que ce sont des groupes armés, les Frères musulmans, qui sèment la terreur. »

Je tente de l'interrompre : « Les médias occidentaux décrivent les protestataires comme des manifestants pacifiques qui réclament la démocratie. J'ai même vu des processions où ils défilaient un rameau d'olivier à la main… » Mais rien ne semble plus pouvoir arrêter mon interlocutrice à présent : « Vendredi passé, des terroristes ont fait sauter une ligne de chemin de fer. Ils ont fait dérailler un train bondé puis ont mis le feu à la locomotive. Le conducteur est mort. »

Entre deux anecdotes, elle consent néanmoins à m'expliquer : « Dans vos médias, ils ne traduisent jamais les slogans scandés par les manifestants. Combien de fois n'ai-je vu, à la télévision, la foule crier : '''El 'Alawi bi tabut ! El Messih lê Beirut !'', ''Les Alaouites au tombeau ! Les chrétiens à Beyrouth !''»

Puis, elle reprend le fil de ses récits : « J'ai également de la famille à Homs, au centre de la Syrie. Ils m'ont contactée pour me dire qu'à un barrage qu'ils tiennent en ville, des barbus ont demandé à une amie de la famille pourquoi elle ne portait pas le voile. Comme elle ne répondait pas, ils ont crié : ''Tu es alaouite !'' Ils l'ont violée puis, lui ont tranché la tête… »

Propos isolés ? Sur l'interminable plage de sable blanc de Samandag, un coiffeur syrien est assis seul, l'air abattu. Il soupire : « C'est vraiment horrible ce qui se passe. Dans le pays, il y a peut-être des soldats qui liquident des sunnites opposés à Bachar. Mais, chez moi à Lattaquié, les extrémistes sunnites torturent, découpent les Alaouites en morceaux, pour les tuer ! »

Le soir, la télé syrienne annonce qu'entre Tartous et Homs, un barrage hydraulique a été dynamité par des terroristes : l'eau qu'il retenait a inondé tous les champs alentour.
« Armés de rameaux d'olivier ? », persifle Fatih.

Syrian killers


Les grands arbres du parc d'Antakya constituent un refuge idéal pour quiconque souhaite s'abriter des rayons agressifs du soleil. Longeant l'Oronte, le « fleuve rebelle » – le seul qui sillonne la région du Sud vers le Nord -, des familles et des amis s'y retrouvent pour boire le thé ou jouer au backgammon.

Assise sur une petite chaise en bois, Zeynep, une femme dynamique qui ne quitte que trop rarement ses deux portables des yeux, fournit une explication diamétralement opposée à celle habituellement diffusée à propos de l'état d'esprit de la population syrienne… terrorisée par son armée.

Âgée de trente-neuf ans, Zeynep est une Arabe sunnite de Turquie, dont une partie de la famille vit en Syrie. Son neveu poursuit des études à Alep, la deuxième ville du pays. Le week-end dernier, elle l'a passé chez des parents… à Jisr al Choughour.

Les yeux fermés, elle se remémore les rencontres réalisées au cours de son séjour : « Là-bas, quand tu arrives, tout le monde vient te saluer. Et la population est unanime : avec la présence de l'armée, les gens se sentent enfin rassurés. Ils sont contents de pouvoir affirmer que, maintenant, avec le déploiement des soldats, ils résident dans la ville la plus sûre de Syrie. »

De qui ont-ils peur ? « Là-bas, continue Zeynep, tout le monde se connaît. Et les habitants sont catégoriques : ''Ceux qui ont commis des troubles violents, ce sont des inconnus, des étrangers, peut-être des Saoudiens !'' Ils les reconnaissent à leur accent. », précise-t-elle.

Soirée Internet : Fatih se propose de me montrer des images inédites. Via son compte Facebook, il me projette une vidéo. « Allah u akbar ! », d'un camion stationné sur un pont, les corps mutilés de sept hommes sont jetés, « Allah u akbar ! », dans l'Oronte. Fatih est rouge de colère : « Voilà ce que les terroristes, les islamistes, font aux Alaouites en Syrie ! », enrage-t-il.

Sur Youtube, il lance une séquence se déroulant dans la ville de Hama. Des civils, des fusils surdimensionnés à l'épaule, tirent depuis des toits, depuis les rues. Sur qui ? Sur quoi ? On ne le sait pas. Mais ces images semblent suffisamment crédibles pour que, quelques jours plus tard, la chaîne France 24 fasse brièvement allusion « à des coups de feu échangés à Hama, ''la cité martyre, épicentre de la révolte'', entre des soldats et des hommes armés. »… (B)


(A) Pour découvrir l'intégralité de cette enquête, le présent article et un autre (Flinker D., Que se passe-t-il réellement en Syrie ? In: Ensemble n°75, juillet 2012, pp. 59-63., téléchargeable sur: http://www.asbl-csce.be/journal/JourColl75.pdf) doivent être lus l'un à la suite de l'autre, car ils forment un tout.

(B) À plusieurs reprises au cours de la rédaction de cet article, j'ai été tenté d'annoter les prises de position de mes interlocuteurs.

Loin de moi, par exemple, l'idée de nier la violence du régime syrien ou de délégitimer le mouvement populaire en faveur de la démocratie, contre la misère, qui y fait face. Ces questions sont d'ailleurs partiellement traitées dans l'article Flinker D., La situation en Syrie doit questionner l'Occident ! In: Ensemble n°75, juillet 2012, pp. 64-70.

De même, l'objectif de ce papier n'est pas de stigmatiser l'islam en général, de critiquer l'islam sunnite en particulier ou de surestimer les tensions confessionnelles se manifestant dans le conflit syrien. Dès lors, si l'article Flinker D., Que se passe-t-il réellement en Syrie ? In: Ensemble n°75, juillet 2012, pp. 59-63., approfondit cette problématique, d'autres dimensions y sont également abordées.

En fait, en proposant une plongée au sein d'une population particulière et au cœur des analyses qu'elle développe, j'ai privilégié l'adoption d'une démarche « compréhensive ». Cette enquête n'a pas pour vocation de dire « la Vérité ». Elle offre plutôt une tribune à des argumentaires écartés d'office, exclus du débat public; à un discours passé sous silence chez nous… alors qu'il s'avère indispensable pour quiconque espère cerner les enjeux du conflit syrien.


Source: CSCE

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