Attaque terroriste en plein cœur de Bamako : La France paye pour ses contradictions géostratégiques au Mali !

L’attentat terroriste survenu dans la nuit du 6 au 7 mars 2015 dans le restaurant « La Terrasse » à Bamako et qui a ôté la vie à plusieurs personnes dont un Français est l’œuvre des anciens alliés de Paris, tombés en disgrâce.

Moktar Belmoktar, chef d’un groupe armé proche d’AL QAIDA, vient de revendiquer publiquement l’attaque terroriste de la nuit du 6 au 7 mars à Bamako. Attaque qui est intervenue quelques jours seulement après que le ministre des Affaires étrangères de la France ait exigé des mouvements armés en lutte contre Bamako, de « {signer sans délai} » les « {Accords de paix d’Alger} ».

Dans le communiqué rendu public par Moktar Belmoktar, il ne fait aucun doute que c’est la France qui est visée dans cet attentat au Restaurant «  La Terrasse », alors que le Belge, et les Maliens tués dans une rue adjacente, ne seraient que des victimes collatérales lors de la fuite des assaillants.

Le fait que cette attaque soit aussi intervenue dans un contexte marqué par le refus du MNLA et de ses alliés de signer les «  Accords d’Alger », sous prétexte de la nécessité d’un « {délai pour consulter leurs bases} », montre bien que ces « Accords » ne mettront pas fin à la crise au Nord du Mali.

Ce serait un signal évident de la volonté de mettre en échec ce « compromis franco –algérien » pour ramener la paix dans cette partie de la Zone sahélo sahélienne, que reflètent les « Accords d’Alger ».

Les Autorités Françaises se sont avérées incapables de faire accepter, par le MNLA qu’elles ont toujours utilisé dans cette crise, ce « compromis franco-algérien » qui éloigne toute perspective d’un « Etat indépendant Touareg » aux frontières de l’Algérie.

En effet, le MNLA est victime du changement politique intervenu en France avec le départ de Sarkozy et l’arrivée de François Hollande.

Ce changement au niveau de l’exécutif français a entrainé des modifications dans les modalités de mise en œuvre des objectifs géostratégiques des autorités françaises dans la zone sahélo-sahélienne.

C’est ainsi que l’instrumentalisation du MNLA par Sarkozy dans la mise en œuvre de la politique géostratégique de la France au Mali, avait comme contrepartie sa promesse de le soutenir pour obtenir de Bamako, son accord pour transformer le Nord Mali, en République indépendante de l’AZAWAD sous la direction de celui-ci.

C’est pour mettre en œuvre cet « Accord » rendu public , à plusieurs reprises, par les dirigeants du MNLA sans jamais être démentis par les autorités françaises, que ce groupe armé fut transféré et équipé de Libye sous l’égide de la France, pour s’installer au Nord Mali, avant qu’il ne s’attaque aux forces de sécurité du pays pour proclamer l’indépendance de l’AZAWAD.

De leur côté, les autorités françaises mirent la pression sur Bamako pour qu’il s’attèle à respecter le calendrier électoral pour tenir des élections présidentielles, à la place de s’occuper de la libération du Nord Mali, transformé en « République indépendante de l’AZAWAD ».

Pour la France, il faillait, après les élections présidentielles, puis législatives du Mali, que les nouvelles autorités puissent ouvrir de négociations avec les séparatistes du Nord et non mener une guerre pour libérer cette partie de leur territoire national.

L’acceptation de ce scénario de Paris par le président malien de l’époque, Amadou Toumani Touré (A.T.T) fut fatale à son régime finalement renversé par un coup d’état militaire. Le putsch a été mené par de jeunes officiers qui étaient outrés de l’abandon de la souveraineté de leur peuple sur toute l’étendue du territoire malien, dont une partie était livrée à des troupes djihadistes. Lesquelles se livraient à des massacres des troupes des forces de sécurité et des populations, livrées à elles par le gouvernement malien.

Cette réaction patriotique de ces jeunes officiers, fut pour Paris, un crime de lèse-majesté qu’il fallait sanctionner sans tarder, et de façon exemplaire.

C’est ainsi que Paris eut recours aux chefs d’Etat de l’UEMOA (Union économique et Monétaire ouest africaine), de la CEDEAO (Communauté des Etats d’Afrique de l’ouest) et de l’Union africaine (U.A) qui avaient à leur tête ses «  hommes liges » pour étouffer économiquement, financièrement, militairement et politiquement le nouveau pouvoir militaire afin de l’empêcher de mobiliser le peuple malien dans un « Rassemblement de salut national » pour libérer le nord de leur pays et assurer l’intégrité de leurs frontières et la sécurité du peuple.

C’est pour cela que les avoirs extérieurs du Mali furent bloqués par l’UEMOA, comme cela fut le cas de la Côte d’Ivoire sous Gbagbo, un embargo économique et sur les armes fut décrété par la CEDEAO.

C’est dans ce cadre que Paris suspendit ses accords de défense avec le Mali, et qu’eut lieu le blocage à Accra des armes commandées par le Gouvernement du Mali, bien avant la chute d’A. T. T.

Cependant, les tentatives de Sarkozy de mobiliser une armée d’intervention de la CEDEAO pour le « {rétablissement de l’ordre constitutionnel }» au Mali, furent bloqués par la résistance du Ghana et du Nigéria, malgré l’activisme de partis politiques et d’organisations de la société civile du Mali, regroupés dans un «  Front anti putschiste » pour réclamer le départ des militaires, le retour à l’ordre constitutionnel pour organiser les élections dans le « {respect du calendrier républicain} ».

Ce contexte avait paralysé le nouveau pouvoir militaire, et avait permis aux groupes djihadistes de sanctuariser le Nord Mali en y imposant un pouvoir islamiste radical, et d’y chasser vers le Burkina, le MNLA qui les avait associés dans sa lutte indépendantiste.

C’est dans cette situation de triomphe des djihadistes qu’est intervenue la chute de Sarkozy, avec l’arrivée de Hollande, qui dut changer de modalités de mise en œuvre de la politique géostratégique de la France, face au nouveau projet des groupes djihadistes, d’étendre leur pouvoir hors des limites du Nord Mali, baptisé République indépendante de l’AZAWAD, pour s’ébranler vers Bamako.

La France de Hollande ne pouvait donc plus attendre la tenue d’élections, encore moins l’envoi de troupes de la CEDEAO, et décidait ainsi de l’« Opération Serval » en s’appuyant non pas sur l’armée malienne pour libérer le Nord Mali, mais sur le MNLA qu’elle a fait revenir du Burkina sous ses ailes.

C’est ainsi que l’armée malienne fut parquée dans les environs de Gao, par la France, avec le soutien des USA et la complicité des Nations Unies qui ont dépêché des forces pour maintenir la paix au Nord Mali, en laissant le MNLA contrôler la région de Kidal.

Cette deuxième occupation du nord Mali par le MNLA grâce à la France, avait fini par convaincre ses dirigeants du respect par Hollande des engagements de Sarkozy, d’amener Bamako à accepter leur revendication d’indépendance de l’AZAWAD. Et surtout que le nouveau pouvoir issu des élections présidentielles n’avait pas hésité de faire arrêter les dirigeants du putsch qui a fait tomber A.T.T, et avait libéré certains de leurs principaux dirigeants pourtant accusés de « crimes de guerre », par les autorités maliennes qui avaient même annulé les mandats d’arrêt internationaux lancés contre certains.

D’autant plus que le nouveau pouvoir avait signé de nouveaux « « Accords militaires » avec la France, lui permettant d’exhausser son vœu de toujours : faire de la base militaire stratégique de Tessalit au nord Mali, sa base opérationnelle dans le cadre de sa nouvelle opération militaire dans la zone sahélo sahélienne, baptisée « Barkhane ».

Mais ce que le MNLA n’avait pas pu voir venir c’est le changement de la politique française vis-à-vis de l’Algérie qui ne voyait pas d’un bon œil l’avènement d’un Etat Touareg dans le nord Mali à ses frontières, et qui faisait d’elle l’alliée stratégique du nouveau pouvoir malien qui voulait empêcher la partition de son territoire. D’où le double rapprochement de Paris et de Bamako vers Alger.

C’est ainsi que l’Algérie, le verrou qu’il fallait faire sauter sous Sarkozy, au même titre que la Libye sous Kadhafi est devenue avec Hollande un partenaire stratégique dans la zone sahélo sahélienne avec qui il fallait coopérer. Et pour le Mali, l’Algérie est devenue un allié stratégique contre un Etat indépendant Touareg au Nord.

Ce n’est qu’avec la tenue des négociations de paix à Alger que le MNLA a découvert peu à peu le changement de la politique Française envers l’Algérie et ses conséquences sur les engagements qu’elle avait pris pour la réalisation de son projet politique.

Ceci explique le dépit amoureux entre Paris et le MNLA. Ce dernier refuse d’obéir aux injonctions de Paris pour signer « les Accords de paix » d’Alger, et l’attentat spectaculaire du mouvement djihadiste proche d’Al Qaeda qui vient rappeler tristement ses engagements d’hier, à la France, vis-à-vis de l’AZAWAD.

Comme les Etats Unis d’Amérique avec l’armée de l’Etat islamique qu’ils ont aidé à s’armer et à s’entraîner contre la Syrie, et qui aujourd’hui s’est retournée contre les intérêts américains dans cette sous-région du Moyen Orient, la France risque de voir un nouveau rapprochement du MNLA avec les groupes djihadistes, pour frapper ses intérêts dans la zone sahélo sahéliennes et Bamako risque de retourner à la case départ pour défendre militairement l’intégrité de son territoire et la sécurité de ses populations.

La France, une fois Tessalit en poche, veut se retirer du Mali le plus rapidement possible pour concentrer ses efforts militaires au soutien du Tchad et du Niger dans la guerre contre Boko Haram, pour exploiter au maximum, par sa présence, les conséquences de la reconfiguration du Nigéria et du Cameroun, qu’entrainerait inéluctablement la partition attendue du Nigéria sous les effets conjugués des coups de Boko Haram et d’une grave crise post-électorale.

D’où son engagement total au « compromis franco- algérien » de paix, qui lui permet, avec l’implication totale de l’Algérie, de mieux assurer la sécurité de ses intérêts économiques dans la zone, contre les djihadistes.

En effet, une crise pos-télectorale qui va paralyser l’Etat nigérian, serait du pain béni pour Boko Haram pour faire éclater le Nigéria au détriment de nos aspirations panafricaines et de la sécurité de nos peuples.

Les Nigérians qui ont poussé leur pays vers ce gouffre ont trahi à jamais ces aspirations des peuples d’Afrique, pour satisfaire les intérêts géostratégiques des USA et de la France en Afrique.

Ils n’ont tiré aucune leçon de ceux qui, au Moyen Orient et au Mali ont servi de relais pour faire cette sale besogne par les grandes puissances occidentales, et qui aujourd’hui, par « dépit amoureux » s’en prennent à elles.

La preuve est aussi faite que les « Accords de défense » avec la France et les USA, signés par nos gouvernants ne résistent nullement à leurs intérêts stratégiques qui priment sur nos intérêts nationaux que ces « Accords » sont censés défendre.

Bamako devrait donc, lui aussi, profiter de l’implication totale d’Alger pour faire appliquer ces   « Accords de paix » et solliciter le soutien de la CEDEAO sous la direction du Ghana, et de l’UA, sous la direction de Mugabé, pour faire respecter l’intégrité de son territoire et y assurer la sécurité de ses populations.

Plus que jamais, avec les « Accords d’Alger », les conditions sont politiquement réunies pour permettre à la CEDEAO et à l’UA de remplir leurs missions historiques d’intégration de nos forces armées et de sécurité, pour défendre l’intégrité territoriale des Etats issus du colonialisme et la sécurité de leurs populations.

C’est ce défi que la crise politique et militaire du Nigéria lui impose aussi de relever. C’est pourquoi il est attendu des présidents de la CEDEAO et de l’UA de s’impliquer auprès des partis politiques en compétition et des organisations de la société civile du Nigéria pour éviter tout recours à la violence ou à la paralysie de l’Etat pour régler les contentieux électoraux que le monde entier attend et que l’Afrique redoute profondément.

Panafricanistes de tous les pays d’Afrique et de la Diaspora, unissons- nous pour le respect des « Accords de paix d’Alger », et pour un « traitement politique » approprié de toute crise postélectorale au Nigéria.

Ne laissons pas les ennemis de l’Afrique nous avoir une nouvelle fois.

Par Ibrahima SENE

Source : Investig’Action

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