5 vérités sur le "non" irlandais

Pour l’Union européenne, le « non » irlandais n’est pas une bonne réponse.

Du coup, tout est bon pour forcer la population à accepter le Traité.

Même la désinformation.

25 juin 2008

Le rejet du Traité de Lisbonne par 54 % des électeurs irlandais est le troisième après ceux des Français et des Néerlandais en 2005. Car ce qui a été présenté aux Irlandais reprend l’essentiel de la Constitution rejetée, il y a trois ans.

Le Traité ne peut donc pas entrer en vigueur tel qu’il est, puisqu’il doit être ratifié par les 27 pays sans exception.

Mais les dirigeants européens ne le voient pas ainsi.

Au Conseil européen des 19 et 20 juin à Bruxelles, les 26 autres pays de l’Union européenne (UE) ont confirmé leur volonté de maintenir le traité sur les rails. Tous espèrent que si les 26 autres pays ratifient le Traité, l’Irlande n’aura d’autre choix que de faire revoter sa population.

Et ce n’est pas tout. Avant le vote, ils ont mis en place une grande campagne de désinformation afin de faire changer d’avis les partisans du « non ». Cette campagne continue toujours à l’heure actuelle afin de faire perdre toute légitimité au « non » irlandais. Voici cinq affirmations parmi les plus entendues et la réponse à y apporter.

Affirmation 1 : Les Irlandais qui représentent 0,5 % de la population européenne ne peuvent pas prendre en otage les autres 95 % qui ont voté pour. Ce ne serait pas démocratique.

Ce qui n’est pas démocratique, c’est que 99 % des Européens n’ont pas pu voter. Les dirigeants européens agissent comme ceux dont se moquait le grand poète communiste Brecht : « Si les dirigeants voient juste et que le peuple se trompe, il faut changer de peuple ! » Après le rejet de la première version de la Constitution, ils ont remplacé le peuple qui risquait à nouveau de mal voter par des parlementaires. Comme les gouvernements contrôlent bien leurs majorités le résultat est connu d’avance. Si en Irlande, le Parlement avait voté et non le peuple, le oui aurait remporté plus de 80 % des votes.

Ce qui n’est pas démocratique, c’est que malgré le rejet des Irlandais, on veut continuer comme si de rien n’était.

Affirmation 2 : Les Irlandais sont des ingrats

Ivo Belet, europarlementaire belge (CD&V) est amer : « Au cours des dernières années, l’Europe a investi 40 milliards d’euros dans l’économie irlandaise. C’est frustrant de les voir voter non maintenant ».

S’ils votent non, c’est peut-être que ces milliards n’ont profité qu’à une toute petite partie de la population. Comme en France et aux Pays-Bas en 2005, le rejet irlandais est d’abord un rejet populaire. La majorité des Irlandais plutôt riches ont voté oui, la majorité des ouvriers non. Les inégalités sont aussi criantes en Irlande qu’aux États-Unis : 1 % de la population possède 1/3 des richesses. Depuis des années, les salaires ne suivent pas la hausse des prix. La taxe sur les bénéfices des entreprises et des banques n’est que de 17 %. Cela signifie qu’il n’y a pas d’argent pour les soins de santé, l’enseignement, les services publics qui sont parmi les plus mauvais d’Europe.

Affirmation 3 : Ils ne savent pas pourquoi ils votent

Pourtant, selon le correspondant du journal De Standaard en Irlande, les Irlandais savent très bien de quoi il s’agit. « Il est vrai que certains arguments dans le débat n’avaient rien à voir avec le Traité. Mais pour chaque argument fallacieux, il y avait au moins deux personnalités tout à fait respectables pour apporter des arguments plus que sérieux. Un journaliste très respecté a consacré 19 pages aux pour et aux contre dans la revue qu’il édite. Chaque jour, et ce pendant des semaines, il a consacré un débat au referendum. Il a finalement appelé à voter non. Des opposants au Traité sont allés dans la rue avec un exemplaire de celui-ci pour indiquer à la population les articles qu’ils rejetaient ».

Les Irlandais étaient mieux informés que nos hommes politiques qui votent aujourd’hui comme des machines un texte qu’ils n’ont pas lu et sur lequel il n’y a eu aucun débat.

Lors du vote du Traité en 2005, la plupart des députés belges admettaient ne jamais avoir lu le Traité. En Irlande aussi, le Premier ministre Cowen, grand partisan du oui, a du admettre « ne pas avoir lu le Traité de A à Z ». Le commissaire européen irlandais McCreevy, a dit « ne pas avoir eu le temps de le feuilleter ».

Affirmation 4 : Le camp du non a utilisé des arguments sans aucun rapport avec le Traité.

C’est ce que dit la socialiste flamande Anne Van Lancker. « Par exemple que les Irlandais risquent de perdre leur neutralité militaire… C’est fou ».

Les Irlandais tiennent à la neutralité militaire de l’Irlande, qui n’est pas membre de l’OTAN. Ils savent que le Traité de Lisbonne demande à tous les États membres d’améliorer leurs capacités militaires et à intervenir à l’étranger au nom de la lutte contre le terrorisme. En 2000, l’Irlande avait déjà voté contre le Traité de Nice pour cette raison. L’Union européenne a alors fait revoter en promettant le respect complet de la neutralité irlandaise. Promesse non tenue: l’Otan possède un aéroport à Shannon (une grande ville irlandaise) et des militaires irlandais participent à la force d’intervention européenne au Tchad. Ce n’est donc pas fou du tout.

Affirmation 5 : Ils sabotent un Traité qui allait donner plus de compétences au Parlement européen et légaliser la Charte des droits sociaux.

Que représentent ces progrès par rapport à l’ensemble du Traité qui conduira à une catastrophe sociale ? Le principe du droit de la concurrence libre et non faussée reste le droit organisateur de l’Union. Il réduit les autres textes européens à être des déclarations d’intention.

L’article 86 tue les services publics en les soumettant aux règles de la concurrence. La Cour européenne de Justice se base sur ce même principe quand elle décide que les syndicats suédois ne peuvent pas obliger un entrepreneur de travaux letton travaillant en Suède à payer ses travailleurs aux tarifs des conventions collectives suédoises. Il lui suffit de payer le salaire minimum légal en vigueur.

Les droits reconnus dans la Charte des droits fondamentaux sont d’ailleurs de très faible portée. Le droit au travail et à l’emploi n’existe pas et seul apparaît le « droit de travailler ». Le droit à la protection sociale est remplacé par un simple « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux » existants. Si ceux-ci sont insuffisants, la Charte n’oblige aucun État à les améliorer. Le droit à l’avortement et à la contraception ne sont pas non plus reconnus par la Charte.

http://www.ptb.be/fr/hebdomadaire/article/article/apres-le-rejet-du-traite-par-les-irlandais-cinq-verites-sur-le-non-irlandais.html

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