Argentine: Cristina et la poursuite du Kirchnérisme

« Beaucoup me regardent et me demandent ce qui va se passer. Je leur dis : il va se passer ce que vous voudrez. Seuls vous avez le pouvoir, vous êtes les sujets de droits. Vous êtes les véritables propriétaires de votre destin ». Ces mots de la présidente ont été prononcés le 25 mai dernier devant plus de huit cent mille personnes. Ils sont le reflet de la décision de démocratiser le pouvoir en permettant au peuple de décider librement. Ceci rompt avec beaucoup de mythes construits autour de ce gouvernement et de sa supposée nature autoritaire.

Le 25 mai dernier a conclu une semaine de festivités pour l’anniversaire de la révolution argentine et qui s’ est terminée par l’ultime discours de la présidente Cristina Fernandez de Kirchner face à une foule immense rassemblée sur la Place de Mai à Buenos Aires. La mandat de la présidente prenant fin le 10 décembre prochain.

La grande inconnue à deux mois des primaires est: qui sera le futur président de la République Argentine et si ce candidat répondra aux demandes d’une partie de la population qui cherche à changer de modèle politico-économique ou bien au contraire si le projet politique mené depuis douze ans va se poursuivre.

Le Kirchnérisme (nom donné au mouvement politique à la suite de la présidence de Nestor Kichner et de son épouse Cristina Kirchner) a su reprendre la main sur le terrain politique argentin après sa défaite en 2009 qui paraissait mettre fin à sa dynamique pour au final remporter les élections présidentielles en 2011 avec 54% des voix.

S’il y a bien quelque chose qui a caractérisé Nestor Kirchner ainsi que la présidente actuelle, c’est qu’ils ont toujours été les acteurs principaux sur la scène politique, notamment à l’heure d’imposer une feuille de route comportant des reformes de diverses natures telles que: l’étatisation d’entreprises privatisées durant le gouvernement néolibéral des années 1990, la plus grande restructuration de la dette de l’histoire, l’accroissement des droits civils avec le mariage homosexuel, la défense des droits de l’homme et le jugement des militaires responsables de la dernière dictature militaire (1976-183, 30 000 disparus), l’opposition avec Hugo Chavez et Lula Da Silva à la Zone de Libre-échange des Amériques (ALCA en espagnol).

Dans la région, les gouvernements progressistes tel que celui de Morales en Bolivie, Correa en Équateur, Maduro au Venezuela et Kirchner en Argentine ressentent de manière importante la baisse des prix des {commodities} provoquée entre autres par la reprise de l’économie aux Etats-Unis ce qui génère de graves problèmes sur le front de l’économie et notamment du commerce extérieur. Cette situation n’a pas empêché que les salaires continuent à augmenter, ce qui provoque de fortes critiques de la part de l'{establishment} qui a tant d’influence actuellement en Europe.

Seulement au Brésil, on note un affaiblissement des contraintes faites au marché (son nouveau ministre de l’économie est Joaquim Levy, un Chicago boy). Les conséquences économiques restent néanmoins les mêmes qu’en Europe: augmentation du chômage, stagnation de l’économie… tout ça pour mettre fin à l’un des principaux ennemis de la théorie économique libéral, l’inflation.

L’Argentine étant intégrée à l’économie mondiale où prédomine le libre-échange et la dérégulation, se voit contrainte de choisir entre deux modèles: le libéralisme prôné par la Banque Mondiale et le FMI face au modèle économique où l’État joue un rôle capital. C’est le deuxième modèle qui a été adopté par le gouvernement actuel tandis que les principales propositions de l’opposition reflètent une autre posture.

D’un côté, {{Sergio Massa}}, qui est l’actuel député national du Frente Renovador (Front Renovateur) (il est parvenu à l’emporter face au kirchnérisme dans la province de Buenos Aires en 2013) se présente comme l’opposition intermédiaire entre un changement radical et la continuité. Son pouvoir est consolidé par une partie de la structure péroniste et de nombreux ex-fonctionnaires du gouvernement national, notamment dans le domaine économique.

L’autre candidat,{{ Mauricio Macri}}, détient un plus gros poids électoral. Il sera le candidat de son parti, el PRO. Il est actuellement maire de la ville de Buenos Aires. Ce dernier représente les intérêts des plus riches, un fait qui se confirme par les résultats électoraux qu’il obtient (il a obtenu ses meilleurs scores dans les centres urbains où les revenus sont les plus hauts comme à Buenos Aires et dans les provinces de Santa Fe et de Cordoba). Il propose notamment de supprimer de nombreux impôts pour les ménages les plus aisés, de privatiser de nouveau les entreprises publiques tel que YPF (pétrole), Aerolineas Argentinas (compagnie aérienne nationale) et de revenir sur les prestations sociales comme l’ Assignation Universelle par Enfant, la double actualisation annuelle des pensions pour les retraités, football pour tous…

Face à ces propositions, on trouve le Front pour la Victoire représenté par{{ Daniel Scioli}}, actuel gouverneur de la Province de Buenos Aires. Scioli se présente comme un kirchnériste modéré ce qui permet au parti au pouvoir d’augmenter son poids éléctoral en attirant des élécteurs de tous bord. Ce candidat a accompagné les Kirchner depuis le début. En 2003, il a été le vice-président de Nestor Kirchner et depuis 2007, il est à la tête de la province de Buenos Aires, la plus peuplée de la nation albiceleste.

Mais malgré cet accompagnement constant, Scioli soulève beaucoup d’interrogations et de critiques au sein des kirchnéristes les plus durs. Son profil si modéré contraste avec la logique ami/ennemi qu’a souvent mise en avant le gouvernement. Ainsi qu’avec ces amitiés publiques à des secteurs d’opposition comme le groupe de presse Clarin ce qui fait que la présidente tente de réduire un maximum le pouvoir de son très possible successeur à la tête de la présidence.

Ainsi, le gouvernement tente d’entourer Daniel Scioli de personnes de confiance, proches de la présidente actuelle, Cristina Kirchner, notamment de futurs députés et sénateurs. De plus, le mardi 16 juin est tombée une information qui a bousculé l’échiquier politique: la nomination comme futur vice-président au coté de Daniel Scioli de Carlos Zannini.

Zannini est un personnage connu du grand publique. Il est le conseiller politique numéro 1 qui a accompagné le couple Kirchner depuis 1987, date à laquelle Nestor Kirchner était le maire de la ville de Rio Gallegos, dans la province de Santa Cruz, au sud du pays. Avec lui, Cristina Kirchner s’assure de pouvoir contrôler la Chambre des Sénateurs (qui sera présidée par Zannini en cas de victoire aux éléctions). Zannini est considéré comme l’idéologue de certaines des décisions politiques les plus importantes prises par les gouvernements Kirchner depuis leur prise de pouvoir en 2003. Il est également un soutien des jeunesses militantes, principalement La Campora, cherchant ainsi à donner une continuité à long terme au projet mené depuis déjà 12 ans.

La grande inconnue dans l’appareil péroniste et particulièrement dans le secteur kirchnériste est si ce candidat continuera réellement les politiques mises en place depuis 2003 ou au contraire utilisera cette simple plate-forme pour atteindre la Casa Rosada, le siège de l’éxécutif argentin. Cette question est sur toutes les lèvres des pro-Kirchner depuis quelques mois. L’histoire argentine est marquée par l’existence de gouvernements ultra-présidentialistes, ce qui permettrait à Scioli de pouvoir gouverner sans trop de contraintes.

Face à cette peur présente au sein de la masse des votants kirchnéristes, Cristina Kirchner cherche que ce soient les propres militants qui fassent un pas en avant vers cette nouvelle étape. Elle considère que ce sont eux les véritables décideurs et les encourage à ne pas faire un seul pas en arrière:«{Beaucoup me regardent et me demandent ce qui va se passer. Je leur dis: il va se passer ce que vous voudrez. Seuls vous avez le pouvoir, vous êtes les sujets de droits. Vous êtes les véritables propriétaires de votre destin} ». Ces mots de la présidente ont été prononcés le 25 mai dernier devant plus de huit cent mille personnes. Ils sont le reflet de la décision de démocratiser le pouvoir en permettant au peuple de décider librement. Ceci rompt avec beaucoup de mythes construits autour de ce gouvernement et de sa supposée nature autoritaire.

Les cartes sont désormais sur la table. Jamais l’appui aux secteurs économiques dominants n’ont été aussi évidents de la part d’un candidat (Mauricio Macri). Seul le temps permettra de voir si l’histoire argentine se répète une nouvelle fois, cette histoire où la classe moyenne met au pouvoir un gouvernement populaire et lorsque ce dernier la sort de l’extrême pauvreté en améliorant ses conditions de vie, oublie tout du jour au lendemain pour ensuite appuyer un gouvernement libéral qui ne fait autre chose que de revenir au point de départ: la pauvreté.

Le peuple argentin sera-t-il suffisamment mature pour discerner la principale alternative ? A savoir, quel candidat représente les intérêts nationaux et populaires et qui au contraire cherche à spolier le pays avec l’argument de la «sécurité juridique» et les bienfaits du libre marché qui ont tant de fois fait souffrir ce pays au cours de sa jeune histoire.

Article tiré du [ Journal de Notre Amérique n°5->http://www.investigaction.net/Le-Journal-de-Notre-Amerique-no5.html]

Marcelo Massoni est étudiant en économie à l’Université National de Rosario, Argentine}

Lire aussi:
[25 vérités de la Présidente de l’Argentine Cristina Fernández aux Nations Unies->http://www.investigaction.net/25-verites-de-la-Presidente-de-l.html] par Salim Lamrani

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