Contre l’épouvantail du Pacte « d’excellence » à l’école, osons la charte de la « désexcellence »

Aujourd’hui on parle beaucoup en Belgique du Pacte d’excellence pour l’école. Sous une décoration progressiste, on nous vend le management  d’une école hyper productiviste où les évaluations sur  la qualité et la  quantité de production des apprenants doit  constamment progresser .


« Oserais-je exposer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de l’éducation ? Ce n’est pas de gagner du temps, c’est d’en perdre. » Jean-Jacques Rousseau

« L’Excellence » est désormais partout. Dans l’industrie, l’alimentation, le sport, à la télévision et jusque dans l’intimité de nos foyers. Elle exprime le dépassement de soi et des autres, l’accroissement continu des performances, la réussite dans un monde que l’on dit « en profonde mutation », où seuls les plus forts seraient appelés à survivre.

 

Aujourd’hui on parle beaucoup en Belgique du Pacte d’excellence pour l’école. Sous une décoration progressiste, on nous vend le management  d’une école hyper productiviste où les évaluations sur  la qualité et la  quantité de production des apprenants doit  constamment progresser .

 

L’objectif sournoisement imposé par l’OCDE  est de  rentrer dans les standards d’une école, d’un collège ou d’une université régulés par les normes et les classements des baromètres de la compétitivité du style PISA .

 

« On ne peut que s’inquiéter de l’augmentation du nombre d’élèves en échec scolaire, même si les chiffres existants se contredisent. Cependant, ce phénomène semble assez probable, pour la raison qu’il y a une aggravation de la compétition dans l’accès aux qualifications liée à l’aggravation de la compétition dans l’accès à l’emploi. Plus l’accès à l’emploi est difficile, plus l’école se comporte de manière sélective si elle est dans une recherche d’adaptation aux besoins du patronat. Or, c’est bien dans ce sens que se font les réformes successives. » (1)

 

Les parents ne s’y trompent pas. La compétition à l’école est de plus en plus prégnante et à tous les échelons. Elle doit être utilitaire et au service des entreprises.

 

L’emploi de moins en moins probable, la compétition est rude et acharnée, le déclassement, le burn-out et la dépression se généralisent de plus en plus chez une masse toujours plus nombreuse de jeunes.

 

La pandémie est à nos portes, comme chez nos voisins japonais qui on adopté l’excellence bien avant nous et où le taux de suicide et de dépression chez les jeunes et une vraie catastrophe .(2)

L’écolier japonais baigne dans un stress constant. Il doit se soumettre aux règles du classement et de la compétition sous peine d’exclusion .

 

Lorsque on mesure les effets concrets d’une gestion humaine fondé sur l’excellence ou l’hyper compétition, les résultats de cette logique ne se font pas attendre. Le stress, les dépressions et les suicides sont souvent au rendez vous .

 

Ce qui est déjà le cas chez les jeunes. Ils sont les plus touchés par la dépression. Et de la dépression au suicide, il n’y a qu’un pas. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez nos jeunes.

 

Les résultats d’une enquête en France (3) montrent notamment que les jeunes Français seraient deux fois plus touchés par le stress que les seniors. Et la source de ce stress vient de l’impératif de réussite permanent partout et spécifiquement dans l’enseignement .

 

« La plupart des adolescents font de longues journées, au cours des 20 dernière années, une journée d’école normale pour un adolescent de 15 a 19 ans se composait en moyenne de 7 heures d’école et de 2,5 heures de devoirs a la maison . » (4) 

 

Il y a une inflation des tâches qui dépend de la qualité de l’enseignement. Tout le temps scolaire et après scolaire est cannibalisé par l’école et pour l’école, malgré l’interdiction des devoirs en primaire. Pourtant, aujourd’hui, 80 à 90% des écoles ignorent les textes officiels. Malgré l’interdiction, les devoirs font partie intégrante du cycle primaire.(5) Un enfant fait plus d’heures pour l’école qu’un ouvrier en entreprise. Cette course à l’excellence est un marchée de dupes où chacun doit se placer et être plus productif que son voisin .

 

Pour atteindre cette chimère le dopage se généralise et devient une pratique courantes  chez nos jeunes

 

« Comme Amélie, d’autres étudiants sont tentés de recourir à des pilules pour se rassurer en période de partiels dans les filières sélectives, ou encore à l’approche d’un concours. Avec l’espoir de voir ces petites drogues faciliter leur concentration, les rendre plus performants, infatigables…Dans un sondage en ligne de la BBC ,qui a obtenu 761 réponses, 38 % des sondés affirmaient avoir pris des drogues pour améliorer leurs capacités intellectuelles et 40 % d’entre eux avouaient les avoir achetées sur Internet. »

 

 Cette pression délétère constante, c’est comme le mythe de la croissance infinie dans un monde fini. Cela se termine par des catastrophes humaines et écologiques.

 

« En compilant dix années d’enquête pour le compte de la fondation Pfizer, l’IPSOS constate que les adolescents sont moins insouciants, et plus stressés qu’au début des années 2000.

En 2014, 47% des jeunes de 15 à 18 ans se déclarent « souvent sous pression », contre 35% en 2005. En outre, la psychologue Marie Choquet indique que les actes suicidaires ont augmenté depuis 1993, notamment chez les plus jeunes. Selon elle, « la société d’excellence » dans laquelle évoluent les adolescents serait en cause. « Il faut être parfait partout. On demande aux adolescents d’être les premiers non seulement à l’école mais dans tous les domaines, y compris dans leurs loisirs »(6)

 

On peut sans crainte de se tromper dire que la situation actuelle n’est pas à la déflation, mais à l’hyperinflation des articles et des analyses qui vont dans le sens d’une aggravation du stress chez les  jeunes .

 

« Un article paru sur le site de « Sens 360 » le 10 décembre 2015, intitulé « Près de quatre étudiants sur dix se disent stressés », aborde les résultats d’une étude menée auprès de huit mille étudiants. »(7)

 

Ce rouleau compresseur qui broie les corps et les esprits doit s’arrêter comme le fait sous-entendre une multitude de pédagogues anciens comme récents. Tous unanimes pour dire que cette logique va droit dans le mur.

 

Le contre-pied de cette logique infernale serait de recréer du lien social à l’école, prendre le temps et donner du temps. C’est-à-dire redonner du sens et du bonheur à notre enseignement. Un choix clair pour l’humain, bien avant les entreprises.

 

L’école de la « désexellence », c’est l’école  du bonheur, l’école qui prend le temps. Comme le dit Antonela Verdiani, docteur en sciences de l’éducation: « Tout d’abord, l’enfant doit être mis au cœur de l’enseignement, et tout est fondé sur la liberté. La liberté pour l’enfant de s’exprimer à l’oral, mais aussi physiquement ; il n’est pas obligé de rester assis par exemple. Dans ces méthodes, on donne également de l’importance au corps, il y a un équilibre entre le développement mental et physique. »

 

Après plus d’une décennie de réformes  productivistes ininterrompues, nous sommes confrontés à une détérioration et non une amélioration de nos univers de travail. Bien sûr, nous avons accru nos capacités de communication. Bien sûr, nous nous sommes mis à produire ces « indicateurs d’Excellence » qui garantissent un bon positionnement dans les évaluations et les classements internationaux . Mais de telles aptitudes ne disent rien de la qualité de notre travail. Pire, elles masquent une baisse fréquente de cette qualité : formatage des champs et des objets de recherche, multiplication des résultats, fragmentation des savoirs, manque de recul et d’esprit critique, construction d’une relation marchande à l’apprentissage, substitution des savoirs instrumentaux aux connaissances et à la réflexion, etc. Derrière son décor de carton-pâte, cette politique de « l’Excellence » mène en fait à un résultat exactement inverse à celui qu’elle prétend promouvoir. L’enfant n’est plus considéré comme un être social, mais comme une ressource humaine .

 

Paulo Freire était le critique le plus notoire de cette forme d’ «éducation bancaire», qu’il considérait comme une «domestication» et un choix politique. Aucune éducation n’est neutre. Les systèmes éducatifs et les éducateurs ont le choix soit de «domestiquer» les enfants, soit de les «libérer». Freire revendiquait une éducation libératrice basée sur le dialogue entre enseignant et apprenant – processus d’apprentissage respectueux de l’être humain, qu’il considérait comme un sujet actif et créatif et non comme un objet passif ou un réceptacle. » (8)

 

Carlos Perez

Notes:

  1. Ca  n’est pas l’école qui fabrique le chômage.( m-pep.org )
  2. le suicide chez les écoliers japonais dérives .tv
  3. Stress et la dépression chez les jeunes (PS-PW.BE )
  4. La vie bien chargée des adolescents (statcan.gc.ca– déconnecté )
  5. Dominique Glassman le travaille de l’élève pour l’école en dehors de l’école
  6. Stress chez les jeunes : des ados sous pression (www.stress-info.org )
  7. Les étudiants touchés par le stress http://www.stress-info.org/
  8. https://www.dvv-international.de/fr   David Archer _Paulo Freire
  9. Je me suis servi d’un texte très intéressant sur la Désexcellence  pour construire mon article http://lac.ulb.ac.be/LAC/charte.html

 

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