Top secret. France24 a présenté au monde le second satellite caché du Venezuela

Depuis quelques deux ans, comme beaucoup de mes compatriotes, je suivais avec intérêt les préparatifs du premier satellite vénézuélien, le Venesat-1 « Simon Bolivar ». J´en connaissais donc ses données techniques, ses objectifs et son programme. Le 29 octobre à 12h25 heure du Venezuela, comme prévu, nous avons donc assisté à son lancement.

Dès le lendemain, France24 publia un reportage de François-Xavier Freland qui présenta le Venesat-1, mais si différent de celui que je connaissais que pour un instant j´ai eu l´illusion qu´en fait le Venezuela devait posséder non seulement un mais deux satellites.

Caracas, novembre 2008

Malheureusement, l’illusion fut de courte durée. Il ne s´agissait que d´une confusion de commentaires. Pour y voir un peu plus clair, il est intéressant d´apporter quelques précisions aux informations de Mr. Freland, publiées par France24, par ailleurs riches en qualificatifs très instructifs. Nous en reprenons ci-après quelques extraits mentionnés comme France24.

France24. Le satellite « Simon Bolivar » fait la fierté du régime chaviste.

Bien sûr, un satellite fait la fierté de tout pays surtout émergent et même des autres. Vivant sur place, j´ai constaté que cette fierté ne se limite pas au seul « régime chaviste ». Ici nous assistons aussi à des lancements diffusés par la France et j´espère que Mr. Freland est fier des ses « Ariane ».

France24. Pour la plus grande fierté de Chavez, qui se targue d’offrir à son peuple…

J´ai dû avoir recours au Larousse pour saisir la portée du message du verbe « targuer ». Lors du lancement de Venesat-1, j´ai observé un Chavez satisfait et se réjouissant du succès de la mission, ce qui semble assez éloigné de la définition de « se vanter avec arrogance » du dictionnaire.

France24. Caracas a lancé, en coopération avec Pékin, son premier satellite de télécommunication… et affirme sa proximité avec la Chine communiste.

Caracas est en relation avec Beijing, actuelle capitale de la République Populaire de Chine mais ce qualificatif de «communiste» est une précision très instructive. Pour améliorer ma culture et vision du monde, j´attend d´autres reportages de Mr. Freland sur d´autres pays car après le régime chaviste du Venezuela et la Chine communiste, je vais peut-être découvrir des Etats-Unis impérialistes, une Espagne royaliste mais je reste curieux au sujet de la France et autres pays de l´Union Européenne.

France24. … le commandant de la station terrestre, le général Antonio Jose Nuñez, se veut rassurant. Juste à côté pourtant, les avions de chasse Sukhoi, tout récemment livrés par la Russie, décollent sans interruption de la piste d’entraînement voisine. Un décor de guerre froide.

J´ai l´impression que face à un éventuel «chargé de mission médiatique», ce général a été discret, car probablement par expérience méfiant des manipulations médiatiques. Ayant eu quelques liaisons avec l´Armée de l´Air française, comme Mr. Freland, j´ai observé que sur les bases aériennes d´entraînement de équipages les avions décollent sans interruption, mais je n´ai pas réussi à saisir le rapport avec son décor de guerre froide. France 24 devrait charger Mr. Freland de nous présenter un grand reportage sur les mesures de protection et de sécurité des diverses stations terrestres de satellites de par le monde, en commençant par la station spatiale qui opère en Guyane Française.

France24. “Elle scelle le début d’une grande aventure scientifique vénézuélienne conçue pour l’homme, claironne le chef du programme satellitaire”. Coup médiatique ? … on soupçonne derrière cette opération une nouvelle gesticulation médiatique de la part d’”El Presidente”.

A ce niveau de la lecture, résumons et ordonnons quelques mots clés et idées essentielles projetées par France 24 à ses lecteurs, qui dans mon cas m´ont fait penser à un deuxième satellite:

Un chef de programme qui claironne, un général qui se veut rassurant dans un décor de guerre froide, un coup médiatique d´un président qui gesticule et se targue d’offrir le satellite d´un régime chaviste pour affirmer sa proximité avec la Chine communiste.

Vraiment, le satellite Venesat-1 que je connais a d´autres objectifs dans un autre cadre très différent.

Mais continuons à lire avec attention d´autres informations de cette source instructive.

France24. Il est vrai qu’au Venezuela, Internet et la téléphonie portable sont encore parfois à leurs balbutiements…. voire franchement inexistantes dans les barrios (bidonvilles).

Visiblement, Mr. Freland n´a pas su s´informer du fait que le Venezuela fait partie des pays où la téléphonie portable est très développée, particulièrement au sein des secteurs populaires, et que les « cyber cafés » et « points Internet » gratuits s´y développent de plus en plus.

France24. “Au lieu de mettre des satellites en orbite à coup de millions de dollars, explique Juan, un commerçant du centre de la capitale, Chavez ferait mieux de rénover notre système d’électricité défaillant, on en a marre des coupures de courant à répétition.”

Cherchant des informations fiables, j´aimerais avoir le contact avec cet emblématique Juan qui à lui seul exprime l´opinion de toute une population. Pourtant, Juan a oublié de préciser que ce système d´électricité défaillant est en bonne partie un héritage du secteur privé et que l´Etat a racheté récemment ces sociétés. Chavez fait mieux que ce que lui recommande Juan; non seulement le satellite est en orbite mais en plus le système d´électricité est actuellement en pleine rénovation.

France24. A quelques semaines d’un double scrutin régional et municipal qui s’annonce serré…

Je ne sais pas si la source de Mr. Freland est également ce fameux Juan, mais s´il vérifie le 23 novembre prochain les résultats du scrutin des 23 gouverneurs et 337 maires, il risque de constater que son qualificatif de « serré » aura été un faux pronostic. En étant conservateur, je préconise à Mr. Freland que les gouverneurs et maires appartiendront à environ 80% à son « régime chaviste ».

France24. Pourtant, en y regardant de plus près, le projet a été réalisé, conçu et fabriqué à 90 % par la Chine. Il suffit d’entrer dans la salle de contrôle de la station terrestre pour en avoir le cœur net. Derrière les ordinateurs, des ingénieurs chinois “anglophones” sont aux manettes, même si une trentaine d’ingénieurs vénézuéliens, formés à Pékin, devraient peu à peu les remplacer.

Et oui, Mr. Freland. Les, non pas 30 mais 80, ingénieurs vénézuéliens formés depuis trois ans en Chine qui ont participé à la construction et au lancement n´ont pas eu le temps de rejoindre la salle de contrôle au Venezuela pour prendre en charge son téléguidage. Le problème est que Venesat-1 après avoir décollé a rejoint ses coordonnées géostationnaires à 11.000 kilomètres à l´heure. Bien sûr que pour un programme de technologie de pointe un pays émergent doit le confier à un pays dominant cette technologie. Même les nations technologiquement développées doivent s´associer pour mener à bien des programmes comme Concorde ou Airbus et les spationautes français doivent faire de la « navette-stop » pour aller dans l´espace avec leurs collègues astronautes ou cosmonautes à bord d´engins 100% d´ailleurs. Mais soyez indulgent, Mr. Freland, le Venezuela de Simon Bolivar de 1.811 doit rattraper presque mille ans à la France du Traité de Verdun en 843.

France24. “C’est un grand honneur pour nous d’avoir conçu ce satellite à vocation uniquement civile, explique Nan Yin, une journaliste de l’agence Xinhua (Chine nouvelle), notre coopération avec le Venezuela montre qu’il est possible de construire un nouveau monde, plus juste et davantage centré vers l’homme.”

Merci pour l´information que le Venezuela réalise son programme spatial avec une Chine communiste auquel coopère une Chine nouvelle qui se sent honorée. Mais surtout merci de nous avoir cité la journaliste Nan Yin qui en seulement quelques mots a réussi à souligner l´essentiel.

Effectivement, le Venesat-1 « Simon Bolivar » est un satellite à des fins pacifiques, n’a aucun objectif militaire et sa mission principale est sociale. Il servira à la télécommunication pour des programmes d´éducation, à la télémédecine, à la préservation de l´environnement, à la diffusion de l´information et sera au service de nations amies pour consolider l´union des peuples de la région.

Il est ainsi en contraste avec la quantité impressionnante des satellites militaires et les quelques 60% des satellites qui appartiennent à des multinationales à des fins exclusivement commerciales.

Pourtant France24 aurait pu améliorer ses informations en signalant quelques faits intéressants concernant le lancement de ce satellite. Par exemple:

. Que jusqu´à la dernière minute Washington fit pression sur la Chine pour retarder son lancement.

. La Colombie ayant décliné sa coopération, ses coordonnées géostationnaires se trouvent dans l´espace uruguayen, pays qui fut également soumis aux pressions de Washington pour renoncer.

. Le coût de Venesat-1 est de 400 millions de dollars. En tenant compte des contrats de services de télécommunications payés jusqu´à présent à des transnationales par le Venezuela, le coût de son premier satellite sera amorti dès sa première année de mise en service.

. Actuellement, le Venezuela prépare le projet de sa propre station de lancement de laquelle seront lancés ses prochains satellites fabriqués également sur place.

Il m´est impossible de conclure mes observations sans rajouter quelques commentaires personnels, ceci en ma qualité de franco-vénézuélien :

. Au lieu de publier des articles orientés à discréditer systématiquement le Venezuela, n´existe-t-il pas en France des journalistes capables de couvrir les réalités de ce pays avec un minimum de respect, d´honnêteté et d´éthique professionnelle et non dans le cadre d´une guerre médiatique?

. Au début du siècle dernier, par exemple, la médecine et les services de télécommunications se sont implantés au Venezuela dans le cadre de la coopération française.

. Aujourd´hui, le Venezuela coopère de plus en plus et à juste raison avec des nations qui lui expriment leur amitié et le respect de sa souveraineté.

. Ceci peut expliquer à Mr. Freland la présence des avions de chasse russes Sukhoi qu´il a remarqué au lieu des Mirages français qu´il y a peu de temps opérait l´Armée de l´Air Vénézuélienne.

. Lui expliquer aussi pourquoi Venesat-1 a été construit et lancé de Xichang dans la province du Shaanxi en Chine et non de Kourou en Guyane Française, pourtant voisine du Venezuela et alors que la France a sans nul doute un excellent savoir-faire à offrir dans le domaine spatial.

Mr. Freland s´est rendu à la station spatiale terrestre du Venezuela dans la localité « El Sombrero » qui se traduit par « Le Chapeau » et cela m´inspire de lui tirer un coup de chapeau pour son reportage.

Coup de chapeau également pour les deux photos très illustratives du reportage.

1ère photo “A la station “El Sombrero”. Photo François-Xavier Freland ”

Le commandant de la station terrestre qui semble scruter le ciel… sans doute pour apercevoir le satellite se trouvant à 35 kilomètres d´altitude en géostationnaire sur l´Uruguay qui se trouve à quelques 4.000 kilomètres du Venezuela.

2ème photo “Dans un café, un client regarde le lancement du satellite, retransmis en direct à la télévision publique. Photo : François-Xavier Freland. ”

Cinq personnes dans un local avec une vingtaine de chaises vides. Quelle sera l´intention du message du photographe ?

Le reportage complet et les photos de Mr. Freland sont disponibles sur :

http://www.france24.com/fr/monde

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