Syrie: une couverture médiatique superficielle

Depuis plusieurs semaines, les médias occidentaux décrivent une situation catastrophique en Syrie. L’arrivée de ces informations s’accélèrent même depuis plusieurs jours. La moindre rumeur en défaveur du régime de Bachar al-Assad est prise comme vérité.

Il y a une semaine France 24, la "CNN française" dirigée par Alain de Pouzilhac (également employé de 21 casinos (1)), était fière d'annoncer en exclusivité la démission de l'Ambassadrice syrienne à Paris. Cela s'est avéré être une manipulation.

Puis il y a eu l'affaire de cette blogueuse syrienne emprisonné par le régime syrien, "A gay girl in Damascus". Faux également. L'auteur du site était Tom Mac Master, résidant à Istanbul. Les écrits de la jeune femme étaient tous issus de son imagination. Le Figaro qui avaient relaté cette violation de la liberté d'expression d'un opposant, de surcroit femme et lesbienne, a timidement accepté son erreur en publiant une dépèche vite oubliée. Tom a eu le temps de préciser :  "Cette expérience a malheureusement confirmé mes soupçons sur la couverture superficielle que font les médias sur le Moyen-Orient".

Enfin, depuis quelques jours, l'attention médiatique se concentre sur une ville du nord de la Syrie, Jisr al-Shoughour. Dans cette ville dîte rebelle, 80 ou 120 policiers auraient été tués. Pour le gouvernement syrien, des groupes armées les auraient exécutés, mais les journalistes français y voient une opération de propagande et préfère la version de "soldats mutins" exécutés par le pouvoir pour ne pas avoir voulu tirer sur les enfants et les vieillards de cette ville située à la frontière. Quoi qu'il en soit l'information est impossible à vérifier, les journalistes ne pouvant rentrer en Syrie.

Ensuite, l'armée régulière a attaqué la ville.

Selon l'AFP, relayé par Le Figaro :

Jisr al-Choughour avait été avant l'assaut lourdement pilonnée. La plupart des habitants ont fui vers la Turquie. «Ils sont en train d'attaquer avec des chars, des hélicoptères et de l'artillerie lourde», racontait Ali, un réfugié syrien de 27 ans rencontré par l'Agence France-Presse sur un chemin de contrebandiers du côté turc de la frontière.

Impossible à vérifier, une fois de plus. Mais attention aux mots utilisés !

Il est certain qu'il y a des réfugiés fuyant les combats. 5.000 selon l'ONU plus 10.000 en attente, pour une ville de 50.000 habitants. Le terme "la plupart" permet de faire croire que quasi tout le monde est parti. Pas besoin de préciser combien exactement. Ce n'est pas un médiamensonge, juste un tour de magie avec les mots.

Et des chars ? "200 blindés du régime de Bachar al-Assad sont entrées dimanche matin", encore selon l'AFP, qui n'utilise pas le conditionnel et ainsi veut convaincre le lecteur qu'il s'agit d'une information sûre. Le journaliste précise : "d'après la télévision", sans dire non plus de quel chaîne il s'agit.

Toutefois, une photo est proposée pour nous prouver la véracité de ces dires :

Cette image est accompagnée d'une légende au cas où nous n'aurions pas vu qu'il s'agissait d'un … char ! Un char ? Oui, vous ne l'avez pas vu, mais vous l'avez bien lu, vous voyez un blindé. Le journaliste installé dans son fauteuil au Liban, à Tel-Aviv, à Paris ou Palavas lès Flots a pris sa télé en photo pour bien prouver que le régime, certainement sanguinaire, de Bachar al-Assad allait massacrer les habitants de cette ville.

Et si vous regardez bien la photo, ces soldats sur leur véhicule non identifié ont un drapeau et le poing levé. Evidemment, quand on part sur un champ de bataille, c'est la posture habituelle. Enfin, je ne l'affirmerais pas, je ne prétends pas être spécialiste de la région.

Mais si la télé le dit !

Sur le site de radio Canada (2), vous trouvez cette image :

Cette fois la légende est : "Des militaires syriens entrant dans un village près de Jisr al-Choughour". Il s'agit bien du même convoi : le second camion est le "char" du Figaro. Mais pour l'AFP, les militaires entraient dans la ville, pour le Canadien, il entre dans un village. Faudrait savoir !

Et la première radio francophone d'Amérique titre son article : L'armée syrienne a recours à des hélicoptères pour mater la contestation. Pour préciser ensuite : "L'armée qui a eu recours à cinq hélicoptères et ouvert le feu sur des dizaines de milliers de manifestants, a fait au moins 11 victimes chez la population civile, selon des personnes sur place." Toujours pas d'utilisation du mode conditionnel chez nos cousins québecquois. La source ? Des personnes sur place ! Rapellons aussi que cette ville comporte un peu moins de 50.000 habitants moins 15.000 réfugiés, mais il y aurait eu des "dizaines de milliers de manifestants" dans les rues… Beaucoup de monde, n'est-ce pas, alors que selon l'AFP, la plupart des habitants sont partis se réfugier en Turquie. Faudrait savoir aussi !

Ces engins volants semblent être d'une technologie très avancée car indétectables par des appareils photos ou des caméras de télévision. Malgré cela, leur puissance de feu est décevante. Onze morts dans ce déluge de missile ou pillonage (source AFP, voir plus haut) !

Avec ces quelques exemples, comment ne pas être d'accord avec Tom, le blogueur imposteur, sur la couverture superficielle que font les médias ? Jusqu'où peut-on croire ces "journalistes" ? Et pourquoi ne vont-ils pas couvrir les évènements en Grèce sur le point de quitter la zone Euro ? Ou en Espagne au bord de la révolte ? Ou en France qui finance les opposant libyens à hauteur de 400 millions d'Euro pendant que le gouvernement coupe les budgets de l'éducation et de la santé ?

 

Notes :
1 – Alain de Pouzilhac est président du conseil de surveillance du groupe de casinos Moliflor loisir, qui gère vingt-et-un établissements. http://www.bakchich.info/article2491.html

2 – http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2011/06/10/002-syrie-jisr-al-choughour.shtml

Source: investigaction.net


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