Réponse à L’Express « Les mouroirs de Cuba »

Bonjour,

je vous serai gré de bien vouloir faire parvenir ce courriel à votre "reporter" Michel Faure ainsi qu'aux responsables de la rédaction dont malheureusement les courriels ne sont pas publiés sur votre site. Je vous serai également reconnaissant de me faire connaître les gestes que vous poserez pour corriger les nombreuses erreurs factuelles soulignées par respect pour votre magazine, ses lecteurs et votre profession.

Français d'origine, établi au Québec depuis une quinzaine d'années et passant 15 à 20% de mon temps à Cuba (vivant dans l'appartement de sans eau courante de ma fiancée et non pas dans des hotels et autres lieux de tourisme), je suis particulièrement choqué par le manque flagrant de professionalisme de votre dossier.

– Pour ce qui est de la situation des personnes agées je suis directement confronté à ce sujet. Ma future belle-mère, agée de 72 ans et atteinte de démence sénile faisant régulièrement des séjours en hopital à La Havane tandis que nous faisons les démarches pour la faire admettre dans un asile, j'ai eu de nombreuses fois l'occasion diurant la dernière année de visiter et de toucher la réalité de cet univers à Cuba. Il est certain que les hopitaux et asiles pour personnes agées n'ont pas le clinquant des cliniques privées occidentales, nous sommes dans un pays du tiers monde et, qui plus est, qui subi un blocus économique particulièrement rigide, notamment sur tout ce qui touche au matériel de santé. Ceci dit, TOUTES les personnes agées ont accès gratuitement à des soins de santé et sans liste d'attente (il aurait été intéressant de voir l'état des pays comparables, soient les pays de l'Amérique Latine et des Caraïbes). La règle par contre priorise l'admission dans les asiles des personnes n'ayant pas de famille pouvant les supporter. Je n'ai pas visité l'ensemble des structures de l'Ile mais je peux dire que partout ou je suis passé j'ai vu un personnel dévoué qui fait son possible pour contrecarrer le manque de ressources. Il est fort probable qu'il y ait à Cuba des histoires d'horreur comme partout. Au Québec on en découvre régulièrement (voir Scandale de Saint Charles deBorromée) et 33% des personnes agées en institution subissent une contention physique quotidienne dont la durée moyenne est de 11 heures et demi, voilè qui ressemble beaucoup plus aux prisons pour vieux auquel votre osus-titre fait référence !!! (voir http://www.assnat.qc.ca/fra/37legislature1/DEBATS/epreuve/cas/040316/0930.htm).

Ceci dit on n'imagine pas quand on connait Cuba de l'intérieur voir des dizaines de milliers de personnes agées mourrir lors d'une canicule comme ce fut le cas en France l'été dernier ou découvrir qu'une grande partie est victime de violence dans leur communauté comme c'est le cas au Canada (98 000 personnes agées victimes en 1997 http://www.scopenews.org/summer97/page14f.htm).

– Quand au vieillissement de la population cubaine, si les plus de 65 ans représentent 10% de la population cela prouve que la population y est plutôt jeune. Les personnes agées représentaient plus de 14% de la population québécoise en 2 000 et devraient en représenter 16,5% en 2006 (source curateur public http://www.geronto.org/conference/pdf/7%20Les%20signalements.pdf). Quand à la population de plus de 65 ans en France elle représentaient déjà plus de 16% en 2001 comme le souligne VOTRE site!) Quand aux 2 500 cubains qui ont tenté de rejoindre la Floride, cela représente peu de monde sur une population de 11 millions d'habitants et est négligeable aux dizaines de milliers de mexicains et d'haitiens qui risquent leur vie pour rejoindre les États-Unis qui leurs refusent les privilèges de résidence qu'ils accordent aux émigrés cubains.

– La retraite moyenne que touchent TOUS les cubains de plus de 65 ans (est-ce devenu aussi universel en France depuis mon départ ?) n'est pas de 100 pesos mais de 300 pesos, soient 12US$ par mois.

– La libreta qui n'est pas un carnet de rationnement (donc de restriction) mais un accès garanti à un minimum mensuel de denrées et produits gratuits qui inclue entre autres 1 litre de lait par jour pour tout enfant de moins de sept ans (au Québec, nous sommes obligés de faire des collectes pour que les enfants des quartiers défavorisés reçoivent un verre de lait chaque matin dans les écoles car beaucoup n'en ont pas à la maison).

– La revente des produits de la libreta est théoriquement illégale mais est pratiquée par la plupart des cubains sans aucun problème depuis les importants changements qu'il y a eu depuis 1990.

Je me permets également de vous souligner quelques erreurs factuelles sur votre précédent article du mois de juin

(http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/cuba/dossier.asp?ida=397330).

– Inutile de discuter de Castro, la liste de vos sources montre qu'il s'agit plus d'un pamphlet que d'un article prenant en compte les deux cotés de la médaille avant de se forger une opinion. Je me contenterai de me limiter au factuel.

– Il y a à Cuba plus d'une centaine de publications et non pas deux uniques journaux. Et si l'on peut constater une subjectivité dans le choix et l'approche des sujets, je n'ai pas vu dans une numéro complet de GranMa le quart des erreurs factuelles que j'ai trouvé dans vos deux articles!

– Sachez que si le gouvernement cubain a obtenu que les États-unis s'engagent à fournir 20 000 visas par an aux cubains (Eh oui, c'est une demande de Fidel). Les États-Unis n'en octroient que 4 à 5 000 chaque année (en violation de leur engagement et de leur discours). D'ailleurs c'est le gouvernement américain qui empêche les cubains de Miami à voyager à Cuba et non le contraire.

– Si vous trouvez que le taux d'incarcération cubain (avancé par les dissidents et aucunement vérifé, publiez-vous juste les chiffres des organisateurs quand la France manifeste ?) de 1% est excessif, je vous invite à faire d'urgence un dossier sur un pays dont le taux officiel est beaucoup plus importanté… les États-Unis qui ont dépassé ce chiffre il y a des années sans tenir compte des nombreux détenus sans droit qu'ils

cantonnent dans leurs camps internationaux (Irak, Afghanistan et… Guantanami à Cuba qui manque à votre dossier).

Restant à votre disposition si vous souhaitez des compléments d'information ou des sources et témoignages qui pourraient enrichir vos travaux, je reste dans l'attente de votre réponse que j'espère rapide et circonstanciée.

L'Express du 12/07/2004

Les mouroirs de Cuba

par Michel Faure

http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/cuba/dossier.asp?ida=B8531

Mauvais traitements, nourriture insuffisante… les foyers pour personnes âgées s'apparentent à des prisons. Des dissidents témoignent

Les vieux Cubains ne ressemblent pas tous aux gentils papys du Buena Vista Social Club. Certains, seuls et isolés, vivent dans une misère qu'aucune aide de l'Etat ne peut soulager, et des journalistes indépendants de l'île témoignent – par des textes ou des photographies comme celle que nous publions ci-contre – des conditions épouvantables qui règnent dans certains asiles de vieillards, des mouroirs insalubres qui se cachent derrière l'appellation débonnaire de casa de los abuelos, «maison des anciens». Alors que le gouvernement de Fidel Castro met en avant la prétendue exemplarité de l'éducation et du système de santé à Cuba, il semble que de nombreux vieillards, après une longue vie de travail, vivent dans un état de précarité et de sous-alimentation chroniques.

Les personnes agées de plus de 65 ans représentent 10% de la population

Ceux qui choisissent de revendre à la sauvette le tabac, le café ou le dentifrice mensuel de leur livret de rationnement pour s'acheter à manger risquent une arrestation musclée et une amende de 70 pesos, alors que les pensions mensuelles sont généralement d'environ 100 pesos, soit 3,75 dollars américains. Les plus de 65 ans représentent 10% de la population à Cuba, et ce chiffre devrait encore augmenter dans l'avenir sous l'effet

d'une démographie déclinante et d'une constante recherche de l'exil de la part des jeunes (2 500 Cubains ont tenté de rejoindre la Floride en 2003, selon les autorités américaines).

Les témoignages s'accumulent sur les mauvais traitements infligés aux vieillards et sur l'insuffisance de la nourriture dans les foyers – trop peu nombreux – qui leur sont destinés. Ainsi, en février dernier, les journalistes indépendants Adela Soto Alvarez et Luis Alberto Pacheco, de l'agence Nueva Prensa Cubana, dénonçaient la mauvaise qualité de l'alimentation et la brutalité des employés d'une maison d'anciens de la région de Pinar del Rio, dans l'ouest de l'île. «Les abus seraient sans contrôle, écrivent-ils, et les rares employés qui n'en commettent pas ne dénoncent pas leurs collègues par peur de représailles.» José Izquierdo, de l'agence Grupo Decoro, a publié en août 2002 un autre reportage sur l'asile Mario Muñoz Monroy, à Güines, dans la province de La Havane, qui évoque également des mauvais traitements. On peut trouver d'autres récits sur le site www.cubanet.org. Evoquant un foyer de Villa Clara, le journaliste Edel José Garcia (par ailleurs condamné en 2003 à quinze ans de prison) écrivait, en juillet 2001: «Le traitement des anciens du centre ''24 Février'' est loin de correspondre à la propagande officielle qui affirme que, à Cuba, ''la vieillesse est vécue dans la dignité et la sécurité''.»

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