OTAN: le Pitbull Impérial

L’un des clichés les plus fallacieux de l’histoire des pays occidentaux après la Seconde Guerre mondiale est que l’OTAN fut créée comme une organisation défensive pour contrer la menace d’une attaque soviétique contre l’Europe de l’Ouest. C’est parfaitement faux !

Février 2009

Source: Z Magazine

Certes, la menace soviétique joua un rôle majeur dans la propagande occidentale, mais bon nombre des plus grands dirigeants U.S. ou d’Europe de l’Ouest reconnaissaient en coulisse que ladite invasion soviétique n’avait rien d’une menace réelle. L’Union Soviétique venait d’être dévastée et, bien que disposant d’une armée considérable, elle était exténuée et avait besoin de temps pour récupérer. Les USA pour leur part étaient en plein essor, la guerre avait revitalisé leur économie, ils n’avaient subi aucun dommage de guerre et disposaient dans leur arsenal d’une bombe atomique dont ils avaient démontré l’efficacité à l’Union Soviétique en tuant un quart de million de Japonais à Hiroshima et Nagasaki [ndt : soit quelque 250 000 personnes en moins de 4 jours, dont une majorité de civils]. A Washington, on envisagea sérieusement de frapper l’Union Soviétique avant qu’elle ne se remette ou ne se dote elle-même de l’arme atomique, mais cette option fut rejetée en faveur des politiques de « Containment », de guerre économique et d’autres formes de déstabilisation. En avril 1950, le rapport NSC 68 [National Security Council Report 68], tout en décriant la grande menace soviétique, appelait explicitement à un programme de déstabilisation visant un changement de régime dans ce pays, lequel se concrétisa finalement en 1991.

De fait, même un partisan de la ligne dure comme John Foster Dulles déclarait en 1949 : « Je ne connais aucun haut responsable militaire ou civil […] dans ce gouvernement ou dans aucun autre gouvernement, qui croie que les Soviétiques préparent actuellement une conquête sous la forme d’une agression militaire ouverte ». On peut souligner ici que Dulles parle seulement d’une « agression militaire ouverte ». Pour les Occidentaux, la « menace » consistait davantage en un éventuel soutien soviétique à des formations politiques de gauche en Europe de l’Ouest. Le Sénateur Arthur Vandenberg, l’un des pionniers de l’OTAN, déclarait ouvertement que le but d’un renforcement des dispositifs militaires de l’OTAN « devait être avant tout l’objectif pratique d’assurer une défense adéquate contre une subversion interne ». Bien évidemment, le soutien infiniment plus conséquent des USA aux formations de droite ne pouvait nullement sembler appuyer une subversion interne ou constituer une quelconque menace pour la démocratie. Seule une éventuelle aide soviétique à la gauche pouvait s’inscrire dans cette catégorie. (Adlai Stevenson, en 1960, n’appelait-il pas « agression intérieure » la résistance conduite au Sud Vietnam par des populations hostiles au régime minoritaire imposé par les Etats-Unis ?)

Les élites occidentales non-allemandes s’inquiétaient bien davantage d’un possible réveil de l’Allemagne et d’une « menace allemande », et étaient bien plus préoccupées à l’instar des responsables américains, par le moyen de juguler la montée en puissance des forces de gauche en Europe, que par une quelconque menace militaire soviétique. Les Américains n’en pressaient pas moins les Européens de développer leurs forces armées en achetant de l’armement aux industriels U.S. ! Bien que délibérément exagérée, voire fabriquée de toute pièce, la menace militaire soviétique était des plus utiles pour discréditer la gauche en l’associant d’office à Staline, au bolchevisme et à une prétendue invasion soviétique ou à un mythique projet de conquête mondiale.

En réalité, le Pacte de Varsovie était une organisation infiniment plus défensive que l’OTAN. Il fut mis en place après la création de l’OTAN et très clairement en réponse à celle-ci. C’était une union des plus faibles et dont les membres étaient moins fiables. C’est d’ailleurs elle qui finit par s’effondrer, tandis que l’OTAN gardait une place centrale dans le processus à long terme de déstabilisation et de démantèlement de l’Union Soviétique. Cela pour une bonne et simple raison : la puissance et l’armement de l’OTAN faisaient partie intégrante de la stratégie U.S. qui avait consisté à pousser les Soviétiques à des dépenses colossales en armement, au détriment de celles liées à l’amélioration des soins, de la qualité de vie et de tout ce qui leur assurait le soutien de leurs populations. Au contraire, parce qu’elle constituait une menace réelle pour la sécurité, l’OTAN encourageait un niveau de répression aussi néfaste à la loyauté envers l’Etat, qu’à la réputation de celui-ci sur le plan international. Pendant toute cette première période, les dirigeants soviétiques s’efforcèrent vainement de négocier des accords de paix avec l’Ouest, quitte à céder l’Allemagne de l’Est, mais les USA comme leurs alliés et clients dédaignèrent toute proposition de cet ordre.

Comme nous venons de le voir, le point de vue officiel aux Etats-Unis – et de fait celui des médias – est que seule une intervention soviétique en Europe de l’Ouest après la Seconde Guerre mondiale pouvait sembler choquante ou représenter un risque de « subversion interne ». Pour autant, dans un univers moins Orwellien que le nôtre, on conviendrait volontiers que les USA dépassaient largement l’URSS en matière de soutien, non seulement à une « subversion interne », mais au terrorisme pur et simple, dès après 1945. Pour avoir réellement combattu contre l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, la gauche avait considérablement gagné en puissance au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les USA s’opposèrent donc par tous les moyens possibles au pouvoir de la gauche et à sa participation politique, y compris par les armes comme en Grèce [ndt : première utilisation de bombes au napalm contre des civils], ainsi qu’en finançant massivement les partis et personnalités politiques anti-gauche à travers toute l’Europe. En Grèce, ils soutinrent l’extrême droite, et notamment bon nombre d’ex-collabos fascistes, et parvinrent à mettre en place [ndt : avec l’aide des Britanniques] un épouvantable régime autoritaire d’extrême droite. Ils continuèrent aussi à soutenir l’Espagne fasciste et acceptèrent le Portugal lui aussi fasciste comme membre fondateur de l’OTAN, l’armement de l’OTAN permettant notamment au Régime des Généraux portugais de poursuivre ses guerres coloniales [ndt : et à Franco de continuer ses purges]. Un peu partout dans le monde, les USA, puissance dominante de l’OTAN, soutinrent des hommes politiques de droite et d’anciens nazis, tout en se prévalant bien sûr d’être pro-démocratiques et de combattre les totalitarismes.

Le plus intéressant est sans doute le soutien des USA et de l’OTAN à des groupes paramilitaires et au terrorisme. En Italie, ils fonctionnaient main dans la main avec les factions politiques, des organisations secrètes (Propaganda Due : la fameuse loge maçonnique P-2), et des groupes paramilitaires d’extrême droite qui, forts du soutien des forces de l’ordre, mirent en place ce qu’on appela la « Stratégie de la Tension », dans le cadre de laquelle furent menées diverses actions terroristes imputées ensuite aux activistes de gauche. La plus célèbre fut l’attentat de la Gare de Bologne, en 1980, qui fit 86 morts. L’entraînement et l’intégration d’anciens fascistes et d’ex-collabos au sein d’opérations conjointes CIA-OTAN-police, atteignit des sommets en Italie mais n’en était pas moins courant dans le reste de l’Europe. (Pour ce qui concerne l’Italie, cf. Herman et Brodhead « The Italian Context : The Fascist Tradition and the Postwar Rehabilitation of the Right », dans l’ouvrage “Rise and Fall of the Bulgarian Connection”, New York: Sheridan Square, 1986). Concernant l’Allemagne, cf. William Blum, “Germany 1950s,” dans Killing Hope, Common Courage, 1995).

L’OTAN prit notamment part à la dite “Opération Gladio”, un programme organisé par la CIA en collaboration avec les gouvernements des pays membres de l’OTAN et l’establishment de leurs forces de l’ordre, qui mit en place dans différents Etats européens des installations secrètes et des caches d’armes, prétendument pour parer la menace d’une invasion soviétique, mais en réalité destinées à une éventuelle « subversion interne » et à disposition pour soutenir d’éventuels coups d’Etat. Elles furent utilisées en diverses occasions pour mener des opérations terroristes (tels que l’attentat de la gare de Bologne [ndt : ou celui de la Piazza Fontana en 1969] et divers attentats terroristes notamment en Belgique et en Allemagne). [ndt : la mise en place des GAL en Pays Basque entre aussi dans ce cadre]. Les plans du Gladio et l’OTAN furent aussi utilisés pour combattre une « menace intérieure » en Grèce, en 1967 : à savoir, l’élection démocratique d’un gouvernement de gauche. Pour y faire face, les militaires grecs mirent en place un « Plan Prometheus », qui remplaça tout bonnement le mode démocratique par une dictature militaire tortionnaire. L’OTAN et l’administration Johnson n’y trouvèrent absolument rien à redire. D’Italie ou d’ailleurs, d’autres forces du Gladio purent ainsi venir s’entraîner en Grèce pendant cet interlude fasciste, afin d’y apprendre les moyens de gérer une « subversion interne ».

En définitive, dès sa création, l’OTAN s’avéra être une organisation offensive et non défensive, politiquement orientée, diamétralement opposée à toute idée de diplomatie ou de paix, et intrinsèquement liée à des opérations terroristes de très grande envergure ainsi qu’à d’autres formes d’interventionnisme politique anti-démocratiques et menaçant même directement la démocratie (et qu’on aurait évidemment dénoncées comme ouvertement subversives si elles avaient pu être imputées aux Soviétiques).

L’OTAN post-soviétique

Avec l’effondrement de l’Union Soviétique et du si menaçant Pacte de Varsovie, l’OTAN perdait théoriquement sa raison d’être. Or, bien que cette raison d’être n’ait jamais été qu’une supercherie pour que le public reste dupe, l’OTAN devait redéfinir sa raison d’être et se trouva aussitôt investie de prérogatives infiniment plus étendues et agressives. N’ayant plus aucun besoin de soutenir la Yougoslavie du fait de l’effondrement soviétique, l’OTAN collabora bientôt avec les USA et les services allemands pour affronter puis démanteler cet ancien allié de l’Ouest, violant au passage la Charte des Nations Unies qui interdit les conflits transfrontaliers (c'est-à-dire les guerres d’agression).

Curieusement, au beau milieu des bombardements de la Yougoslavie par l’OTAN, en avril 1999, l’Alliance fêta son cinquantenaire, à Washington, célébrant ses succès et rappelant, avec une rhétorique typiquement Orwellienne, qu’elle avait vocation à imposer le respect du droit international, alors qu’elle était en pleine violation patente de la Charte des Nations Unies. En réalité, le texte fondateur de l’ONU, de 1949, ouvrait précisément sur l’engagement solennel de ses membres à « rester fidèles à la Charte des Nations Unies ». Dès son article premier ils prêtaient serment « conformément aux règles de la Charte des Nations Unies, de régler tous les conflits internationaux par des moyens pacifiques ».

La session d’avril 1999 de l’OTAN rendit publique la nomenclature d’un « Concept Stratégique » établissant le prétendu nouveau programme de l’Alliance Atlantique, à présent que son rôle préventif de « défense mutuelle » contre une invasion soviétique avait cessé d’être plausible (à savoir : “The Alliance’s Strategic Concept,” Washington, D.C., April 23, 1999 (http://www.nato.int/docu/pr/1999/p99-065e.htm ). L’Alliance y insiste toujours sur la « sécurité », mais elle s’y déclare « dédiée à de nouvelles activités essentielles, dans l’intérêt d’une stabilité élargie ». Elle y accueille ses nouveaux membres et de nouveaux accords de « partenariat », bien qu’à aucun moment la nécessité de cet élargissement ou de ces accords – et d’une telle position de force des USA et de leurs plus proches alliés – n’y soit clairement définie. Le document reconnaît qu’une « agression conventionnelle de grande envergure contre l’Alliance demeure extrêmement improbable », mais bien évidemment il élude totalement l’éventualité d’une « agression conventionnelle de grande envergure » PAR des membres de l’Alliance, et de célébrer le rôle de l’OTAN dans les Balkans comme la plus parfaite illustration de son « dévouement à une stabilité élargie ». Non seulement ce document officiel visait seulement à légaliser une agression caractérisée – « illégale mais légitime » selon l’euphémisme Orwellien de ses principaux apologistes – mais contrairement à ses revendications, l’OTAN jouait un rôle central de déstabilisation dans les Balkans, en stimulant la dimension ethnique du conflit et en faisant obstacle à toute possibilité de règlement diplomatique du conflit du Kosovo. Il justifiait de facto l’attaque de la Yougoslavie et une campagne de bombardements d’ores et déjà en cours au moment même où ce document était rendu public. (Pour une analyse plus détaillée du rôle de l’OTAN, cf. Herman and Peterson, “The Dismantling of Yugoslavia,” Monthly Review, Oct. 2007: http://monthlyreview.org/1007herman-peterson1.php )

Ce « Concept Stratégique » se prétend en outre favorable à une limitation de l’armement. En réalité, depuis sa création l’OTAN a toujours promu une politique inverse et tous les nouveaux membres, à l’instar de la Pologne et de la Bulgarie, ont été contraints à développer substantiellement leur armement « inter-opérable », c'est-à-dire à acheter plus d’armes et à les acheter aux Etats-Unis et aux autres fournisseurs occidentaux. Depuis la publication de ce document en 1999, l’élément leader de l’OTAN (les Etats-Unis) a plus que doublé ses budgets militaires, et ses ventes d’armement à l’étranger ont très fortement augmenté. Son programme militaire spatial a considérablement avancé, il s’est retiré du traité ABM de 1972 [ndt : traité de limitation des missiles balistiques dont il était signataire], refusé de ratifier le « Comprehensive (nuclear) Test Ban » [ndt : nouveau moratoire international sur les essais nucléaires (le précédent ayant été rompu par la France en 1995)], et rejeté à la fois le traité concernant la production et l’utilisation des mines antipersonnel et armes à sous-munitions et un Accord International de l’ONU visant à réduire les ventes illicites d’armes légères [ndt : celles qui font le plus de victimes dans les conflits dits « de basse intensité » (Rwanda, Congo, Colombie, etc.)]. Forts de l’appui de l’OTAN, les Etats-Unis ont lancé une nouvelle course aux armements à laquelle nombre de leurs alliés et clients (et de leurs adversaires ou cibles potentielles) n’ont pas manqué de se joindre.

Le document de 1999 rappelle aussi le prétendu soutien de l’OTAN au Traité de Non-Prolifération Nucléaire, mais non sans insister au passage sur l’importance de l’armement nucléaire dans ce qui fait la puissance de l’OTAN. Il rejette donc de facto l’un des points fondamentaux de ce traité, à savoir l’engagement des puissances nucléaires d’œuvrer activement à l’élimination de ce type d’armement. En clair, cela signifie que la non-prolifération à laquelle l’OTAN demeure si attachée concerne exclusivement ses cibles et adversaires potentiels (l’Iran par exemple). Les armes nucléaires « offrent une contribution cruciale en rendant les risques d’agression contre l’Alliance incalculables et inacceptables ». Mais si l’Iran possédait de telles armes, « les risques d’agression » nucléaires par « l’Alliance » – ce que les USA, membre de l’OTAN et Israël menacent de faire – seraient-ils jugés inacceptables ? Bien sûr que non ! (1)

Au chapitre Sécurité, le « Concept Stratégique » déclare lutter pour un environnement sécuritaire « reposant sur le développement d’institutions démocratiques et sur un engagement à résoudre les conflits pacifiquement, de sorte qu’aucun pays ne soit en mesure d’en intimider ou contraindre un autre par la menace ou le recours à la force ». Un tel degré d’hypocrisie laisse pantois. L’essence même des politiques et des pratiques de l’OTAN est de menacer constamment de recourir à la force, et la politique de Sécurité Nationale U.S. est aujourd’hui parfaitement explicite sur l’intention des Etats-Unis de maintenir leur supériorité militaire et de veiller à ce qu’aucune puissance rivale ne puisse remettre en cause leur hégémonie, de façon à pouvoir conserver leur emprise globale [ou mondiale]. En d’autres termes, ils tiennent à gouverner par intimidation.

L’OTAN prétend aujourd’hui n’être plus une menace pour personne et évoque même dans ce Concept Stratégique l’éventualité « d’opérations » conjointes avec la Russie. Ici encore, le niveau d’hypocrisie est ahurissant. Comme nous avons pu le voir dans de précédents articles, en acceptant le principe de réunification de l’Allemagne, Gorbatchev avait fait promettre aux Américains qu’en échange l’OTAN s’engageait à ne pas avancer d’un centimètre plus à l’Est. Clinton et l’Alliance Atlantique s’empressèrent de rompre cet engagement, en incorporant dans l’OTAN toutes les ex-satellites soviétiques d’Europe de l’Est ainsi que les Pays Baltes. Seuls ceux qui sont assez sots pour se persuader du contraire et les propagandistes pourraient ne pas y voir une menace directe pour la Russie, l’unique puissance de la région à pouvoir, ne fût-ce que théoriquement, constituer une menace pour les pays membres de l’OTAN. Mais le document de l’Alliance joue les idiots et seules les menaces contre ses membres y sont prises en compte.

De même, bien que la nouvelle Alliance Atlantique se prétende très préoccupée par « l’oppression, les conflits ethniques [et la] prolifération des armes de destruction massive », ses relations avec Israël restent des plus étroites. Aucune disposition, de quelque nature que ce soit, n’est venue (ni ne saurait venir) faire obstacle à l’oppression exercée par Israël, à son nettoyage ethnique, à son arsenal nucléaire considérable (dont on reconnaît à peine l’existence), ni bien sûr à sa nouvelle agression du Liban, en 2006 ou à ses dernières attaques meurtrières contre Gaza. Il n’est pas plus question de laisser ternir d’aussi bonnes relations que de voir l’agression/occupation anglo-américaine illégale de l’Irak entamer le moins du monde l’inaltérable solidarité des Etats membres de l’Alliance. Israël étant de très loin le client privilégié des Etats-Unis, il va sans dire que ce pays est parfaitement libre de violer les nobles idéaux dont se prévaut le Concept Stratégique. En 2008, l’OTAN et Israël ont signé un pacte militaire. On verra donc peut être bientôt l’OTAN collaborer aux opérations de sécurité d’Israël à Gaza. Voilà plus d’un an que l’actuel Conseiller à la Sécurité Nationale d’Obama, James Jones, réclame à cor et à cris l’envoi de troupes de l’OTAN pour occuper la bande de Gaza et la Cisjordanie. Et dans l’administration américaine, il est loin d’être le seul…

Ce nouvel OTAN est littéralement le pitbull des USA et de l’OTAN. Il contribue activement au réarmement mondial, encourage la militarisation des Pays Baltes et des anciens satellites de l’URSS en Europe de l’Est – qui soutiennent activement Israël, en tant que partenaire de l’OTAN, dans son travail de nettoyage ethnique et de spoliation de ses « untermenschen » – il aide son maître à établir aux portes de la Russie, des Etats clients – endossant très officiellement l’installation par les USA de missiles anti-balistiques en Pologne, en République Tchèque, en Israël, et menaçant d’en installer davantage ailleurs, très loin des Etats-Unis – et il fait son possible pour arracher l’aval des pays membres sur les projets américains de « bouclier » élargi de l’OTAN. Cette attitude accule littéralement la Russie à des positions plus agressives et à un réarmement accéléré (à l’instar de ce qu’a fait l’OTAN il y a quelques années).

Bien évidemment, l’OTAN soutient l’occupation américaine de l’Irak. Le Secrétaire Général de l’Alliance, M. Scheffer, se flatte régulièrement que tous les Etats membres sont engagés dans l’Opération Liberté Irakienne, soit en Irak, soit au Kuwait. Tous les pays des Balkans, à la seule exception de la Serbie, ont envoyé des troupes en Irak et en envoient aujourd’hui en Afghanistan. Ces deux pays sont devenus des terrains d’entraînement pour apprendre aux nouveaux « partenaires » à être « inter-opérationnels », et permettent le développement d’une nouvelle assise mercenaire pour les opérations « hors périmètre » de l’OTAN, de plus en plus fréquentes depuis que l’OTAN s’investit plus activement que jamais dans les campagnes américaines d’Afghanistan et du Pakistan.

Comme on l’a vu plus haut, l’OTAN se targue du rôle qu’elle a joué dans les guerres des Balkans, alors que celles-ci violaient la Charte des Nations Unies au même titre que celles d’Afghanistan et du Pakistan. L’illégalité fait manifestement partie intégrante du nouveau « Concept Stratégique ». Succédant au concept frauduleux « d’autodéfense collective », les pouvoirs sans cesse élargis de l’OTAN l’autoproclament légitimement habilité à conduire des campagnes militaires « hors périmètre » ou de prétendues missions « non-article V », hors du territoire initial de l’OTAN. Comme l’observait en 1999 l’universitaire spécialiste du droit Bruno Simma, « le message dont ces voix sont porteuses dans notre contexte est très clair : s’il s’avère que le mandat ou l’aval du Conseil de Sécurité [de l’ONU] pour de futures missions de l’OTAN ‘non-article V’ engageant des forces armées ne peut être obtenu, l’OTAN doit rester en mesure de poursuivre ce type d’opérations. Sa capacité à agir de la sorte, l’Alliance en a déjà fait la démonstration dans la crise du Kosovo ». ("NATO, the UN and the Use of Force: Legal Aspects," European Journal of International Law, Vol. 10, No. 1, 1999, accessible sur : http://www.ejil.org/journal/Vol10/No1/ab1.html).

Le pitbull OTAN sert bien sûr avec joie les ambitions hégémoniques planétaires de son maître. Outre qu’elle contribue à encercler et menacer la Russie, l’Alliance accumule les « accords de partenariat » et mène des manœuvres militaires conjointes avec les pays du prétendu « Dialogue Méditerranéen » (Israël, Egypte, Jordanie, Maroc, Tunisie, Mauritanie et Algérie). L’OTAN a aussi signé de nouveaux partenariats avec le Conseil de Coopération des Etats du Golfe (Bahrayn, Kuwait, Arabie Saoudite, Oman, Qatar et Emirats Arabes Unis) élargissant d’autant ses ambitions militaires de la rive atlantique de l’Afrique jusqu’aux confins du Golfe Persique. Dans le même temps, on a assisté à un continuum de visites et de manœuvres militaires maritimes avec la plupart de ces nouveaux partenaires, et à la signature l’année dernière du premier traité militaire bilatéral officiel entre l’OTAN et Israël.

Le pitbull a désormais toute latitude pour aider Israël à poursuivre ses violations massives du droit et des conventions internationales, pour aider les Etats-Unis et Israël à menacer voire attaquer l’Iran, pour élargir son propre programme de coopération et de pacification des lointaines populations d’Afghanistan, du Pakistan (et certainement d’ailleurs), et tout cela dans le prétendu intérêt de la paix et de la fameuse « stabilité élargie » évoquée dans le Concept Stratégique. L’OTAN, à l’instar de l’ONU elle-même, offre en définitive une confortable image de multilatéralisme à ce qui n’est en réalité qu’un expansionnisme impérial totalement hors la loi et littéralement hors de contrôle. Dans les faits, l’OTAN, comme bras armé mondial et agressif des Etats-Unis et d’autres impérialismes affiliés, constitue une très sérieuse menace contre la paix et la sécurité internationales. A la veille de la célébration de son soixantième anniversaire et alors qu’elle aurait dû être liquidée dès 1991, l’Alliance Atlantique ne cesse de s’étendre et de s’affirmer dans le rôle de menace permanente où la consacrait dès 1999 le texte du Concept Stratégique, avec une satisfaction malveillante qui donne vraiment froid dans le dos.

1. [ndt : En fait la phrase du document de l’OTAN est à double sens : « … en rendant les risques d’agression contre l’Alliance incalculables et inacceptables » signifie en principe que la prise de risque (pour l’agresseur) est trop grande pour être seulement envisageable. C’est le « principe de dissuasion ». Mais si l’Iran venait à se doter de telles armes, « les risques d’agression contre l’Alliance » seraient alors jugés « inacceptables », d’où le projet très officiel d’attaque nucléaire préventive contre l’Iran s’il poursuit son programme nucléaire. La Turquie étant membre de l’OTAN et frontalière de l’Iran, elle serait considérée comme directement menacée et les autres pays membres tenus de réagir de par leurs engagements]

Traduit de l’anglais par Dominique Arias

(Les notes entre [ndt : …] sont du traducteur et n’engagent que lui)

 

Voir dans notre dossier spécial consacré à l’Otan :
 
OTAN : le Pitbull Impérial – Edward S. Herman

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