Traité Transatlantique: Lettre ouverte à Elio Di Rupo

Cher Monsieur le Premier Ministre,

Je profite de l’occasion pour vous dire qu’en tant que « citoyenne »  la politique m’intéresse (dans le sens de « gestion de la cité ») et, puisque nous sommes en démocratie, j’aimerais poser des questions.


Pourquoi l’Europe se comporte-t-elle comme une colonie des Etats-Unis ?  Les Etats-Unis sont demandeurs de l’élargissement des accords de libre-échange mais l’Europe a-t-elle vraiment à y gagner ?  Je suis bien loin d’être une spécialiste, je m’interroge quand même sur le bien-fondé de laisser envahir l’Europe par des produits de qualité douteuse pour favoriser la balance commerciale américaine en acceptant une main mise toujours plus impérieuse.  La grande « démocratie » qui met le monde sur écoute et va taper tous azimuts pour imposer sa loi ne me semble pas un modèle à suivre.  Pour ma part, j’avoue que j’aimerais voir l’Europe privilégier la qualité, elle a l’expérience historique et les ressources humaines nécessaires pour le faire.


A ce sujet, j’ai entendu parler d’exception culturelle.  N’est-ce qu’un vœu pieux ?  Par curiosité, j’ai relevé en date du 30 juillet le programme des trois chaînes belges de télévision.  Cela donne :

          Sur la Première : cinq fois « série américaine »

          Sur la Deux : neuf fois « série américaine »

          Sur la Trois : quinze fois « série américaine »

Je ne comprends pas qu’un service public n’ait rien de mieux à proposer.  Avons-nous envie d’être traités comme l’ont été les Indiens ? 


« Il faut plus d’Europe » répète-t-on.  Oui, mais pourquoi certains pays font-ils « bande à part » ?  J’avais cru comprendre au départ que l’Europe ferait bloc et que chaque pays se considérerait comme membre d’une équipe, au-delà des intérêts partisans.  S’il faut  s’affirmer et constituer un interlocuteur crédible face aux puissances telles que la Chine ou les USA (qui ont tout intérêt à « diviser pour régner »), comment en étant morcelée l’Europe ferait-elle le poids ?  Si un mouton ouvre la porte au loup, le loup ne va faire qu’une bouchée du troupeau. Je m’étonne  que l’Europe ne manifeste pas plus de solidarité.


 Dans le registre de la qualité, je ne comprends pas pourquoi il reste aussi coûteux à notre époque de faire de bonnes études. Je me trompe peut-être mais il me semble qu’une bonne formation n’est pas une dépense mais un investissement.  Je rêve et j’imagine un monde où le savoir serait un droit fondamental et non plus une chasse gardée réservée à une « élite ».


 Et, à mon sens (mais je n’ai peut-être rien compris), les écoles ne sont pas des centres de recrutement.  Tout évolue de plus en plus vite, les métiers d’aujourd’hui ne seront pas tous les métiers de demain, il faut que chacun soit en mesure de s’adapter, que la base de l’enseignement soit la plus large possible et que la remise en cause des connaissances soit incessante.  Une formation permanente devrait également être facilitée tout au long de la vie pour tous ceux qui le souhaitent. 


Personnellement, et cela n’engage que moi, je marquerais mon accord pour un horaire de 40 heures par semaine, comportant 36 heures de travail effectif et 4 heures de formation.  Pour une personne de plus de soixante ans, les 4 heures de formation pourrait être remplacées par 4 heures de repos, ce qui favoriserait l’engagement de seniors puisque cela ne coûterait pas plus cher aux employeurs.

 

Il y a eu des « indignés » un peu partout.  Et puis ?  Qui a pris le relais ?  Pourquoi « les marchés » ont-ils toujours le dernier mot ?  Pourquoi laisse-t-on les tentacules des multinationales s’étendre indéfiniment ?  Pourquoi le bien public est-il privatisé ?  Pourquoi le politique doit-il être dominé par l’économique ?  L’économie n’est-elle pas un moyen ?  Un moyen indispensable, certes, mais pourquoi toujours la considérer comme un but.  Le FMI a fait fausse route pendant des années (et l’a reconnu), c’est bien triste, comment répare-t-on les dégâts ? 


Question subsidiaire : les banques ont fauté (hedge funds, dérivés, …), est-on sûr qu’elles ne recommenceront plus ?


Si on n’y prend garde, on risque un jour de mesurer les cages thoraciques pour faire payer l’air respiré.  Il suffirait d’utiliser le même argument que celui dont on s’est servi pour les citernes d’eau de pluie : « on ne taxe pas l’eau tombée du ciel, on taxe le rejet des eaux usées ».


Vous êtes sûrement d’accord avec moi : la politique doit être une entreprise à long terme, menée par des gens courageux qui ont un idéal et qui osent prendre position.  Une entreprise honnête aussi qui agit dans la transparence et tient les citoyens au courant des enjeux, ce qui est bien le moins puisque les citoyens sont concernés.  Cela stimule l’intérêt à la chose publique (qui, de plus en plus, ne stimule plus que les extrêmes) et rend compréhensibles les décisions prises.


J’avoue d’ailleurs que certaines décisions me laissent pantoise :

 

          La diminution dans la durée des allocations de chômage, alors que de grands sites de production ferment et que ceux qui perdent leur emploi ne sont pas responsables de la situation,

          Le renvoi de demandeurs d’asile (dans des pays à risques, notamment) et que l’on se vante de réaliser ainsi des économies.  Ce sont donc des pays pauvres ou moins riches qui accueillent la grande majorité des réfugiés.  Je me demande : quel est le prix d’une vie ?

          La fonte de la taxe Tobin (combien de lobbies ont-ils œuvré ?)


Ainsi que la répétition des mêmes slogans :

 

          Le coût du travail (ce sont apparemment les petits salaires qui coûtent, les gros salaires sont sans doute réglés par le Saint-Esprit) mais il n’est jamais question des conditions de travail et d’ailleurs le travail est clairement sous-valorisé, ce qui est pratique pour les entreprises puisque cela fait pression sur les salaires,

          La compétitivité (et la compétition, son corollaire barbare, qui ne fait que des victimes) en oubliant la nécessaire coopération de tous pour une progression de tous.


 Je ne suis pas compétente mais je me demande : n’y a-t-il pas un autre modèle à inventer ?  Moi, si un pneu de mon vélo crève tous les trois mois, je préfère acheter un pneu neuf plutôt que me contenter chaque fois d’une rustine, même si le vendeur de rustines n’est pas content.


Mon intérêt personnel me pousse à vouloir vivre dans un monde épanoui, à désirer donc une progression collective, quitte à prendre des risques (calculés), et à ne pas accepter un statu quo peureux.  Sachant que je fais malgré tout partie des "privilégiés", je suis prête à faire autant que possible ma «  part du colibri ».  Et je paie mes impôts en espérant qu’ils sont utiles à la collectivité.

 

 

PS : Si j’étais « grand couturier », je lancerais la mode du foulard, avec des petits pois et des gros nœuds.

Et veuillez m’excuser si l’une ou l’autre de mes questions vous semble sans fondement, voire impertinente, je suis bien consciente d’avoir des lacunes en politique et encore beaucoup de choses à apprendre. 

 

Je vous remercie pour votre bonne attention.

 

 

Elisabeth Beague

 

 

Source: Investig'Action

 

 


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