Nous avons tous gagné avec Evo Morales

Le résultat du référendum révocatoire du 10 août dernier en Bolivie, où le président Evo Morales a remporté une victoire retentissante avec plus de soixante pour cent des voix, sert encore une fois à montrer le divorce entre les citoyens de la communauté internationale et les secteurs oligarchiques du monde qui contrôlent des gouvernements et des médias.

17 Août 2008

Le principe du deux poids, deux mesures que ces derniers appliquent aux prétentions indépendantistes est évident si l’on considère que ces préfets boliviens des provinces rebelles qui font fi des institutions et de la légalité de l’État, seraient en prison s’ils étaient en Espagne et sous les bombes s’ils étaient en Géorgie. Il est curieux que les médias ne traitent avec bienveillance que ceux qui s’opposent à des gouvernements qui tiennent tête aux USA et à l’Union Européenne, comme au Tibet, au Kosovo et maintenant en Bolivie. Ainsi la BBC a qualifié de « match nul » les résultats du référendum !

Il suffit de comparer les réactions du préfet du département de Santa Cruz, Rubén Costas Aguilera, et du président Evo Morales. Alors que ce dernier annonçait « la convocation de toutes les autorités du pays pour chercher un consensus […] dans le respect des normes et des lois », le préfet de Santa Cruz, après avoir appris les résultats du référendum, a qualifié le gouvernement d’ « insensible, totalitaire, populiste, inapte, qui empêche le développement du peuple et cherche seulement à concentrer le pouvoir et nous convertir en mendiants pour qu’on lui demande l’aumône ». Puis il a traité la démocratie bolivienne de « dictature » et a appelé « tyran » un président confirmé dans ses fonctions avec un pourcentage des voix sans précédent dans l’histoire électorale du pays. Il a annoncé la création d’une police départementale et d’un système indépendant de recouvrement des impôts, ce qui équivaut à l’appropriation des ressources et à la création de forces de sécurité subversives. Un vrai coup d’État. À Cochabamba, le préfet de l’opposition qui a perdu aussi son pari au référendum, l’ancien militaire Manfred Reyes Villa, a déclaré qu’il n’accepte pas le résultat et qu’il attend le verdict du Tribunal Constitutionnel… un tribunal qui n’existe pas actuellement. Un deuxième coup d’État.

Mais la réflexion principale que nous vient à l’esprit après ce référendum révocatoire est identique à celle que nous avions exprimé en 2004 au moment du référendum convoqué (et gagné) par Hugo Chávez au Venezuela: la certitude que seuls les gouvernements de gauche sont capables de demander aux citoyens s’ils veulent les garder au pouvoir ou les révoquer. C’est comme si ces gouvernements, péjorativement qualifiés de « populistes » quand ce n’est pas de « dictatures », étaient obligés de remettre une couche de consultations électorales pour être légitimés. Cela ne fait pas de doute : la gauche doit se soumettre à nouveau au verdict des urnes au bout de deux ans au lieu d’attendre la fin d’un mandat ; elle doit tolérer une opposition financée avec de l’argent usaméricain ; elle doit se colleter avec des entreprises multinationales qui participent au jeu politique en soutenant les secteurs néolibéraux qui leur accordent des privilèges et elle doit accepter la conspiration constante d’indépendantismes putschistes épargnés par les condamnations internationales.

Comparons un peu ces résultats avec ceux de pays où le vainqueur a été la droite économique, comme au Mexique ou au Pérou. Leur victoire électorale n’est jamais mise en question par les grands médias des pays riches et puissants malgré les irrégularités qu’il a pu y avoir lors élections, comme ce fut le cas au Mexique. Partout au monde l’opposant progressiste est disparu de l’agenda médiatique : López Obrador et Ollanta Humala n’ont pas de place dans notre presse ou notre télévision. Les mobilisations de l’opposition sont également ignorées, bien qu’elles soient fréquentes et massives dans ces pays. Voici ce que j’appelle la politique du silence à la Une: du silence pour les pays gouvernés par la droite économique pour qu’elle applique ses politiques néolibérales sans être ennuyée par des mobilisations et des protestations, évacuées des grands médias; et la Une consacrée chaque jour aux pays qui se sont donné des gouvernements progressistes, avec une image permanente de précarité, de crise et de déstabilisation.

La conclusion est claire : non seulement la gauche doit gagner des élections tous les quatre ou six ans pour gouverner, elle doit aussi se défendre des conspirations séparatistes, patronales, médiatiques et impérialistes. Et en même temps qu’elle se bat contre tous, elle doit avancer vers la consolidation d’un pouvoir qu’elle ne reçoit pas des urnes, car nous tous savons qu’être au gouvernement n’est pas la même chose qu’avoir le pouvoir.

Mais il n’y a pas que des inconvénients à cet état de fait. Les gouvernements dignes et progressistes d’Amérique Latine comptent sur un tintamarre de supporters enthousiastes dans le monde entier, car on sait très bien sur tous les continents qu’ils représentent le plus grand espoir pour affronter au pillage et à la guerre menés par les USA et leurs alliés à travers toute la planète. Dans un faubourg de New Delhi, dans un camp de réfugiés palestiniens à Gaza, dans les villages du sud de Liban, dans un centre culturel de la zone industrielle de Madrid ou dans un camp du Front Polisario en Algérie, les gens savent qui sont Evo Morales, Hugo Chávez et Fidel Castro et ils savent aussi que les luttes de ces dirigeants sont leurs propres luttes. Les kilomètres ne les séparent pas dans la poursuite d’un même rêve.

Traduit par Manuel Talens, révisé par Fausto Giudice

Source: Tlaxcala

http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=5694&lg=fr

tlaxcala@tlaxcala.es

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