N’aie pas peur, tata Véro

Le passage de Véronique Genest à l’émission de Laurent Ruquier a secoué la blogosphère. L’interprète de Julie Lescaut a confirmé son islamophobie et confessé des positions extrêmes sur le conflit israélo-palestinien. Mais que celui qui n’a jamais flippé lui jette la première pierre.

 
 
 
 
— Tu as vu, chérie ? Julie Lescaut avoue qu'elle est islamophobe. Je me disais bien aussi, commissaire depuis vingt ans sur TF1…
— Mais non mon amour, c'est Véronique Genest qui s'explique chez Ruquier.
 
 

Ma chère Véronique, permets-moi de te tutoyer. Depuis le temps que tu partages nos vies à travers la petite lucarne, tu fais un peu partie de la famille. Il faut reconnaitre, tata Véro, que tu dégages une sympathie naturelle, quelque peu écornée ces derniers temps certes, mais que peu de gens peuvent revendiquer. Certains s'y essaient parfois, maladroitement. Angela Merkel peut bien mettre des boucles d'oreilles fantaisie et étirer quelque peu ses babines d'ordinaire figées, les Grecs ne s'y trompent pas. Raymond Domenech pourrait balancer des blagues grivoises en troisième mi-temps de ligue alsacienne, il garderait cet air blafard qui fascine tant les fabricants d'anxiolytiques. Mais chez toi, tata Véro, c'est inné. Tu as même écrit un livre de régime dans lequel tu préconises de ne se priver de rien. Autant dire que ton capital sympathie pèse lourd.

C'est ce qui explique sans doute que les chroniqueurs de Laurent Ruquier ne t'ont pas réduite en charpie malgré les quelques absurdités que tu as pu glisser sur le plateau. Il t'a suffi de reprendre un verre d'eau et de brandir ton état de fatigue avancé pour sauver les meubles d'une interview qui aurait pu tourner à l'expulsion définitive du PAF. Ce ne fut pas facile. Ça aurait pu être pire. Sur les réseaux sociaux en revanche, les commentaires se sont faits plus virulents. Ta prestation de samedi soir a fait le buzz, souvent accompagnée de noms d'oiseaux que ma morale d'ornithologue m'interdit de reproduire ici. Mais, autant te le dire tout de suite, je ne t'écris pas ces quelques lignes pour hurler avec les loups. Bien au contraire.

C'est vrai, tu as dit que tu étais islamophobe. Mais tu as surtout reconnu que tu avais peur. Comme on peut craindre les araignées ou les ascenseurs, toi, tu redoutes les musulmans. En reconnaissant ouvertement ta peur, tu as déjà franchi un cap important. Beaucoup n'en sont pas capables, du genre à trembloter tout dégoulinant en haut d'un escabeau en demandant : « Quoi, le vertige ? ». Pas toi, tu assumes ta phobie, tous tweets dehors. Aussi, l'important à présent n'est pas de combattre l'objet de ta peur, mais ta peur elle-même.

Ma fille a peur du noir en ce moment. J'écris bien du noir et non des noirs. Ça aurait peut-être été plus facile pour établir une analogie avec tes propres angoisses, mais tu vas rapidement comprendre où je veux en venir, ne t'inquiète pas. Ma fille a peur du noir donc. Elle s'imagine que, tapis dans l'obscurité de sa chambre, d'effroyables monstres n'attendent qu'à perturber son sommeil d'ange. Nous savons bien qu'à part une garde-robe, un lit et quelques jouets, rien n'occupe le petit espace où chaque soir, elle sombre dans les bras de Morphée. Et pourtant, la petite n'est pas tranquille. Son imagination la travaille, prend le pas sur la raison. Un peu comme toi et l'Islam. Pour rassurer ma fille, je laisse la porte entrouverte afin que la lampe du palier projette sur son lit un réconfortant filet de lumière. J'espère de même que tu m'ouvriras un peu ton esprit pour que je puisse éclairer ta lanterne.

Dans une interview au Parisien, tu déclares : « Bien sûr que je ne parle que des extrémistes. Mais je vois les infos, les appels à rétablir la charia, les foules en liesse dans la rue, parfois, quand il y a des attentats. Alors oui, l’islam me fait peur ». C'est bien le problème. Tu parles de quelque chose que tu ne connais pas vraiment, mais que ton esprit ne semble pouvoir approcher que par le prisme des médias. Or, tu es bien placée pour savoir que la presse se plait à sacrifier la platitude de la réalité sur l'autel du sensationnalisme. Tes déclarations en ont fait les frais. Tu connais l'adage : les trains qui arrivent à l'heure, ça n'intéresse personne. Mais une locomotive qui déraille et fait 18 morts… C'est pareil avec les musulmans. Un brave type qui vit sa foi tranquillement comme des millions d'autres a peu de chance de voir s'ouvrir les portes du 20h. En revanche, il suffit qu'un cagoulé agite sa ceinture d'explosifs aux cris d'Allah Akbar pour que l'audimat grimpe en flèche. Quand on a du temps de cerveau disponible à refourguer à Coca-Cola, le choix entre les deux profils est vite fait.

Sur le plateau de Laurent Ruquier cependant, tu ne t'es pas totalement affichée comme une vulgaire mécréante apeurée par son ignorance. Tu as prétendu avoir lu le Coran. Samia Sassi et Mouss Diouf, deux anciens collègues de la série Julie Lescaut, t'en auraient offert chacun un exemplaire. On imagine déjà l'effroi qu'ont pu susciter de telles révélations auprès de la France profonde. Ainsi donc, des intermittents du spectacle contribuent à l'islamisation du pays entre deux prises sur les plateaux de TF1. Mais Samia Sassi a formellement démenti ces allégations depuis. De son côté, Mouss Diouf n'aura pas le loisir de revenir sur ta déposition. On espère juste qu'il n'est pas occupé à faire des triples saltos arrière au fin fond de sa tombe.

Tu affirmes néanmoins avoir lu le Coran. Deux fois. Et ce que tu as pu y lire t'a flanqué la trouille. Il faut reconnaitre que certaines sourates sont plutôt flippantes. Mais as-tu déjà lu la Bible, la Torah ou le Talmud ? Ça ne dégouline pas d'amour à chaque page comme un roman de Cartland. En fait, tout dépend de la manière d'interpréter ces livres. Aussi, pourquoi réduire l'Islam à une poignée d'enragés coupeurs de mains, alors qu'on accepte l'idée que l'Église catholique puisse regrouper des composantes aussi diverses que l'abbé Pierre et les allumés qui incendient des cliniques d'avortement ? Tu avoues toi-même ne viser que les intégristes, mais c'est tout l'Islam qui te fait peur. Pour surmonter tes craintes et pousser plus loin la réflexion, je te recommande vivement la lecture de « L'Islam imaginaire » de Thomas Deltombe.

Enfin, il y a tes considérations sur le conflit israélo-palestinien. Visiblement, sous ta chevelure flamboyante, la hasbara[1] s'est nichée une place douillette aux côtés de ton islamophobie assumée. Il faut bien reconnaitre qu'avec Jonathan-Simon Sellem, le candidat que tu te proposes de suppléer aux législatives partielles, tu es aux premières loges. À propos du webzine sioniste qu'il a fondé, JSS News, les internautes les plus taquins se plaisent à dire que le « J » est facultatif. C'est rude, je te le concède. Tout comme cet article sur la disparition de Stéphane Hessel, titré avec finesse : "Hessel: il puait des bras, il pue le mort!"  

Il paraît, tata Véro, que tu lis beaucoup pour aller au fond des choses. Je t'invite donc à laisser un peu de côté tes brochures du CRIF pour t'ouvrir à d'autres horizons. C'est avec plaisir que je t'enverrai un exemplaire d'« Israël, parlons-en ». Oh, j'imagine bien que dans ton entourage, on te glissera que ce vulgaire pamphlet va te brûler les doigts. Qu'il mérite de caracoler au rayon « best-sellers » des librairies islamiques, aux côtés de « Mein Kampf ». Ou bien encore qu'il réunit une belle brochette d'antisémites, qui sentent des pieds et qui feraient passer les jeunesses hitlériennes pour des supporters du Maccabi Haïfa. Alors de grâce, ne t'arrête pas à ces étiquettes, tout comme je l'ai fait avec toi.

Tant qu'on y est, je te recommande aussi la lecture du récent « Palestine, l'État de siège ». Il réunit des interviews de Noam Chomsky et d'Ilan Pappé. À propos du premier, le New York Times questionne: « C'est le plus important intellectuel de notre époque. Mais pourquoi dit-il toutes ces horreurs sur la politique étrangère des États-Unis ? » Comme je dis toujours, la réponse est dans l'énoncé. Le second est un historien israélien qui ne partage pas l'idée que la Palestine est une fiction. Et il ne manque pas d'arguments. Tu verras que cette histoire de terre sans peuple pour un peuple sans terre, c'est comme une pub Findus. Ça sonne bien, mais on n'y croit plus une seule seconde.

Soyons clairs tata Véro, je ne m'attends à ce que tu deviennes, du jour au lendemain, une figure de proue de la campagne BDS[2]. Mais si tu pouvais déjà dire un peu de moins de conneries, ça nous ferait des vacances. Je t'embrasse.
 
 
 
Notes:



[1] Propagande israélienne, ndlr

[2] Campagne Boycott, désinvestissement et sanctions qui vise à exercer des pressions politiques, économiques et académiques contre Israël.

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