Les retraites expliquées à ma grand mère

A travers un entretien imaginaire avec une personne du troisième âge, le site resistances-politiques.fr revient, dans le cadre de sa sous-rubrique “entretiens avec ma grand-mère”, sur les enjeux de la réforme des retraites et sur les idées reçues qui accompagnent souvent le débat qui s’y rapporte

Ça fait bien longtemps que je suis à la retraite, tu sais ! Je plains les jeunes d’aujourd’hui qui vont avoir bien du mal ! Tu crois vraiment qu’ils vont supprimer la retraite par répartition ?

Pas tout à fait. Margaret Thatcher a essayé de convaincre les ouvriers anglais de cotiser à des fonds de pension, mais ils n’y ont pas cru. Ceux qui pouvaient économiser ont acheté des maisons. Pour le capital, ce n’est pas le bon circuit.

 

Cette tentative a convaincu les intellectuels du capital que, pour développer les fonds de pension, il faut maintenir, a minima, une retraite par répartition. Ils la veulent trop faible pour vivre, une sorte de minimum vieillesse. D’après leurs calculs, les fonds de pension comme complément à la retraite sont plus convaincants pour les salariés que si c’était le principal. Bernard Friot explique ça dans son livre « L’enjeu des retraites ». Je vais tout à l’heure te citer des chiffres, c’est de ce livre que je les tire.

Mais tu vois bien qu’il y a de plus en plus de retraités, et que les gens vivent plus longtemps qu’avant ; alors forcément, les retraites vont coûter de plus en plus cher. Il faut bien une solution !

C’est vrai, le poids des pensions va s’accroître dans les années qui viennent. Mais il n’y a aucune inquiétude à avoir. Regarde, en 1950, les pensions représentaient 5 % du PIB. En 2000, elles en représentent 13 %. On estime qu’en 2050, ce sera environ 18 %. Mais le PIB lui-même double tous les cinquante ans ! Donc en 1950, le PIB était de 1000 milliards d’euros : 50 pour les pensions, 950 pour les salaires, les investissements et les profits ! En 2000 il était de 2000 milliards d’euros, soit 260 milliards pour les pensions (13 %) et donc 1740 milliards pour le reste. En 2050, le PIB sera de 4000 milliards d’euros dont 720 milliards pour les pensions et 3280 pour le reste. Tu vois que, contrairement à la propagande du capital, la part du salaire actif et des investissements augmentent. La population augmente beaucoup moins vite que le PIB : on était 42 millions en 1950, on est 65 millions aujourd’hui, on sera sans doute environ 70 millions en 2050.

Ton PIB qui n’arrête pas de doubler, et qui grandit plus vite que la population, comment tu l’expliques ?

C’est que la productivité du travail s’est considérablement accrue. Dans la même heure de travail, un ouvrier d’aujourd’hui produit beaucoup plus que le même ouvrier, travaillant la même heure après guerre. Par exemple, il y avait après-guerre environ 10 millions d’agriculteurs en France. Cela représentait la moitié de la population active. Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’un million (c’est-à-dire 3 % des actifs), et pourtant la production agricole a beaucoup augmenté avec beaucoup moins d’heure de travail. C’est-à-dire que chaque heure de travail est beaucoup plus productive : ici, presque 20 fois plus. Mais je te donne un autre exemple : actuellement, selon les chiffres de Peugeot, il est fabriqué 13 000 voitures par jour. La première Peugeot, la 201, c’étaient 13 000 voitures par an ! Et avec plus d’ouvriers que maintenant !

Voilà l’affaire, la production par ouvrier augmente, mais pas les salaires !

Tout le problème est là : la question des retraites est la question des salaires. Parce que pour financer les retraites, il est nécessaire d’augmenter les cotisations. C’est la bonne solution : après guerre, les cotisations étaient à peu prés de 5 % du salaire total. Tu sais que le salaire est en deux parties, d’une part le salaire net, celui.qui est versé sur le compte en banque du salarié, et d’autre part l’ensemble des cotisations sociales : maladie, vieillesse, invalidité, chômage, etc. Ces cotisations sont arbitrairement divisées en deux parts : la part dite « ouvrière », et la part dite « patronale ». C’est artificiel, car l’ensemble est dû par l’employeur à son employé pour son travail. Mais ce « paritarisme » permet au patronat de se mêler de la gestion de l’ensemble de ces cotisations, qui représentent beaucoup d’argent, supérieur au budget de l’Etat !

Les cotisations pour la retraite ont plus que doublé jusque dans les années 80 où elles ont été gelées à leur niveau de 1979 pour les salaires inférieurs à 1,6 smic, c’est-à-dire pour plus de la moitié des salariés, le salaire médian étant à 1,5 SMIC.

Pourquoi ce gel ? Parce qu’augmenter les cotisations augmente mécaniquement les salaires ! C’est justement ce que ne veut pas le patronat. C’est grâce à ce gel des cotisations, et la non-augmentation des salaires, que le patronat accapare l’augmentation de la productivité.

Tout à l’heure, on disait que le poids des pensions allait augmenter : la question est de savoir qui va payer. Le capital, par la voix de son gouvernement a une réponse très claire : ce seront les salariés qui paieront. Soit on augmente les salaires, et avec, les cotisations, soit on continue à bloquer les cotisations et on allonge le temps où il faut cotiser. C’est pour ça que je te dis que la question des retraites est en fait la question des salaires !

Tu sais que certains, à gauche, disent qu’en effet, il faut taxer le capital pour financer les pensions. C’est de la poudre aux yeux : s’ils veulent que le capital paye, qu’ils militent donc pour une augmentation des salaires.

 

Sources: "Résistance", journal de la cellule de Lille du PCF, publié sur resistance-politique.fr

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