Les médias français financent l’industrie de la mort d’Israël

La France et la morale, la France et les droits de l’homme : quelles belles histoires ! Mais, dans l’ombre la plus totale, les contribuables français financent sans le vouloir les intérêts enchevêtrés des médias et des marchands d’armes. Un répugnant jeu pour le fric, qui permet à Israël de renforcer sa répression violente à l’égard de la population palestinienne.
Dans cet extrait du livre « Israël, parlons-en », Michel Collon analyse les rapports entre les grands patrons des médias français, avec l’aval de l’Etat français, et l’Etat d’Israël. Une collaboration qui porte notamment sur une industrie florissante et controversée, très profitable aux parties en causes : l’industrie des drones…

  


Lagardère, le « frère » de Sarkozy


Deuxième exemple des liaisons douteuses entre la guerre, la presse, Sarkozy et Israël : le groupe Lagardère, le plus puissant groupe médiatique français. Lagardère a publiquement présenté Sarkozy comme son « frère ». Voyons donc les activités de ce frère. Comme chez Dassault, elles ont deux volets : médias et armements. Au niveau des médias, Lagardère, le plus gros monopole médiatique français, contrôle des télés (MCM, Canal Satellite, Mezzo…), des radios (Europe 1, RFM, Europe 2…), des quotidiens (France Dimanche, Journal du Dimanche, Ici Paris, La Provence, Nice-Matin…), des magazines (Paris Match, Marie-Claire, Entrevue, Parents, Télé 7 jours, Elle, Photo…), des  maisons d’édition (Hachette, Hatier, Grasset, Fayard, Livre de Poche, Stock, Masque, Lattès, Harlequin, Calmann-Lévy…), des distributeurs (Relay, Press Shop, AMP, Payot, City Press, BDP, Curtiss, Naville…). Un empire. Lagardère est-il démocratique dans la gestion de ses médias ? Sur le plan des conceptions, il vaut bien Dassault puisqu’il a osé déclarer en 2006 : « C’est quoi l’indépendance en matière de presse ? Du pipeau. Avant de savoir s’ils sont indépendants, les journalistes feraient mieux de savoir si leur journal est pérenne. » Entendez : pour survivre, obéissez aux intérêts des puissants. Et c’est appliqué. Alain Genestar était rédacteur en chef de Paris Match. De beaux tirages avec des unes racoleuses et de complaisants reportages sur les puissants de ce monde. Notamment pour aider un certain Nicolas Sarkozy à devenir président de la France. Seulement un jour, Genestar rate son coup. Apprenant que la propre femme du président élu n’était pas aller voter pour lui, il pense tenir un scoop juteux. Juteux, il le sera, mais fatal aussi. Furieux, Sarkozy téléphone à Lagardère et le rédac chef est viré. Si on se fait licencier pour avoir osé parler de choses finalement très secondaires, qu’est-ce qui se passerait si on voulait publier de vraies révélations sur les malversations financières des amis de Sarkozy ! Lagardère est aussi un énorme marchand d’armes avec EADS, principal consortium militaire européen. EADS contrôle Airbus (constructeur d’avions civils, mais aussi militaires), ainsi que le plus grand hélicoptériste mondial Eurocopter, le partenaire majeur du consortium Eurofighter (avion de combat européen) et détenant une partie du capital de la joint venture MBDA, leader mondial des systèmes de missiles. Au niveau moral, Lagardère n’est pas très regardant. Sa société EADS collabore étroitement avec Israël Aircraft Industries, spécialisée dans la fabrication de drones. Ce partenariat opère avec la complicité de l’Etat français dont la Direction Générale de l’Armement (DGA) a mis sur pied un programme de deux milliards d’euros prévoyant la fabrication de 40 drones pour l’Europe. A quoi servent ces avions sans pilote ? A espionner la population palestinienne pour préparer les attaques de l’armée israélienne. Mais certains drones sont équipés de charges fièrement décrites par le ministère français de la Guerre qui, en juin 2009, proposait « de visiter l’Espace Défense, un stand innovant, ludique, concret et instructif ». Ludique : « relatif au jeu », selon le dictionnaire.

L’industrie de la mort rapporte gros


Ce « jeu » consiste à financer l’industrie israélienne de la mort, à lui fournir le savoir-faire technologique des ingénieurs de Lagardère et, en retour, à profiter du savoir-faire acquis par Israël dans ses opérations militaires. Tout cela rapportant de merveilleux bénéfices sur les marchés internationaux. Exagère-t-on en parlant d’industrie de la mort ? Non. Par exemple, en juin 2006, ces drones israéliens ont servi au massacre de Joub Jannine. Durant leur agression contre le Liban, les Israéliens avaient donné la permission à des Libanais – dont les villages avaient été dévastés – de quitter Marjayoun, en spécifiant la route qu’ils pouvaient emprunter. Mais ensuite, ils les ont attaqués avec des drones sans pilote tirant des missiles : « La première bombe a frappé la deuxième voiture du convoi », raconte Karamallah Dagher, un journaliste de l’agence Reuter. « Je remontais la route, à mi-chemin, et mon ami Elie Salami se tenait là, me demandant si j’avais un peu d’essence en rab. C’est à ce moment-là que le second missile a frappé ; la tête et les épaules d’Elie furent arrachées. Sa fille Sally, qui a 16 ans, a sauté de la voiture et s’est mise à hurler : “Je veux mon papa ! Je veux mon papa !” Mais il n’était plus »[1]. C’est avec ce genre d’exploits que Lagardère construit ses profits, c’est ce genre d’exploits qu’il occulte soigneusement dans ses médias, c’est ce genre d’exploits dont Sarkozy est complice en favorisant l’alliance militaire France-Israël. Croyez-vous que les journalistes de Lagardère auront le droit d’expliquer que leur patron est directement complice du massacre des Palestiniens et que tout ceci est financé avec l’argent des contribuables français?
 

 





[1] Robert Fisk, The Independent, 23 août 2006.

 

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