Les ‘Marines’ à Bagdad en janvier 2003 ?

«Le premier chapitre de la guerre, l’Afghanistan, s’achève, vient de déclarer l’ex-premier ministre israélien Barak. L’étape suivante, c’est l’Irak, et ensuite l’Iran. »(1) Pourquoi ? « Nous devons gagner la 1ère guerre mondiale du 21ème siècle. Ce ne sera pas une simple guerre. Ce sera un marathon. »

« Nous » désigne bien sûr le patron de Barak, les Etats-Unis, dont il dévoile avec franchise les objectifs dans les « chapitres » qui nous attendent. Au même moment, Bob Graham, président de la commission Services secrets du sénat US, réclame une intervention pour « éliminer les camps terroristes » au Liban et en Syrie(2). Enthousiaste pour la nouvelle croisade, le ministre australien des Affaires étrangères réutilise la classique comparaison « Irak = nazis » (déjà employée par exemple en 1956 lorsque l’Occident attaquait l’Egypte progressiste de Nasser).(3)

Le chapitre 2 de cette « guerre mondiale » vise bel et bien à mettre l’Irak à genoux pour trois raisons : 1. Contrôler tout le pétrole du monde. 2. Isoler, puis briser les Palestiniens. 3. « Avertir » tout pays s’opposant à la mondialisation des multinationales.

Pour étrangler l’Irak et faire main basse sur ses réserves pétrolières convoitées, Washington continue ses diverses formes d’agression : cette semaine encore, des bombardements US sans aucune base légale ont touché des civils dans le sud de l’Irak. Pendant que le maintien du veto US continuait à bloquer l’importation de biens de nécessité vitale : 1.074 contrats concernant la nourriture, l’électricité, la production d’aliments, l’eau, les équipements sanitaires, etc…(4)

Au 1er semestre 2002, les exportations de pétrole irakien pour acquérir des produits humanitaires ont dégringolé de 2,2 à 1,2 million de barils par jour. Washington et Londres cherchent aussi à réduire le nombre de petites firmes commerçant avec l’Irak en imposant que le prix du brut irakien soit connu seulement… après sa livraison !(5)

Imposer partout dans le monde des « dirigeants capables » sortis de leurs valises

A travers et en même temps que l’Irak, les Palestiniens aussi sont visés. Condoleezza Rice, conseiller de Bush pour la sécurité, vient de le répéter : « Aussi bien l’Irak de Saddam que les Palestiniens d’Arafat ont besoin de nouveaux leaders »(6). Ajoutant avec arrogance : « Les Palestiniens ont besoin d’une direction capable de diriger des réformes comme en Serbie et en Afghanistan ».

En Serbie, le gouvernement made in FMI a quadruplé le prix de l’électricité, la rendant impayable pour des centaines de milliers de Belgradois qui ne pourront se chauffer l’hiver prochain. En Afghanistan, quand le n°2 du gouvernement est assassiné, les médias nous signalent en deux lignes, et après coup seulement, « qu’il était de notoriété publique qu’il avait bâti sa fortune sur la culture et le trafic d’opium »(7) . Mais George Bush exige le droit d’imposer dans le monde entier de tels « dirigeants capables », sortis de ses valises. Avis aux Palestiniens !

Pressions pour former la « Grande Coalition Bush bis »

De nombreux pays arabes rejettent ces politiques US, et aussi l’agression qui se prépare. « Les Arabes de Jordanie se détournent bien plus des Etats-Unis qu’en 1990 », affirme Abou Odeh, conseiller de l’ancien roi(8). A Amman, Mc Do et Burger King ont dû licencier du personnel. La consommation de Coca a baissé.

Le secrétaire de la Ligue Arabe, Amr Moussa, a refusé toute coalition militaire contre l’Irak(9). Le président iranien Katami (pourtant étiqueté « réformiste », donc plus ouvert aux USA) a qualifié le président Bush de « va-t-en-guerre »(10). Même le pro-US président égyptien Moubarak a dû se déclarer « opposé aux frappes sur l’Irak » et à toute tentative d’éliminer Hussein ou Arafat, « le Moyen-Orient ne pouvant supporter le poids de nouvelles crises »(11). Tandis que l’Arabie Saoudite annonçait qu’elle organisera une foire commerciale à Bagdad(12). Et que le Qatar et la Jordanie refusaient – publiquement, en tout cas – de servir de bases militaires aux troupes US.

Et en coulisses ? Ces deux derniers pays sont particulièrement sous pressions pour prêter leur territoire. Washington vient de doubler son « aide » militaire à la Jordanie. Et le Guardian britannique cite des « témoins oculaires affirmant que les préparatifs (US) sont en cours à la base militaire de Muafaq Salti ».(13)

En fait, selon plusieurs analystes arabes, Washington prépare un « deal » avec ces régimes arabes : « Nous vous laissons vous critiquer en public, mais vous nous laissez renverser Saddam et vous contrez les manifestations populaires de solidarité. Après, nous vous offrirons un Etat palestinien. » Bien sûr, une fois l’Irak brisé, la promesse ne serait pas plus tenue que les précédentes.

La guerre annoncée

Pourquoi Washington recherche-t-elle toutes ces bases autour de l’Irak ? Parce qu’elle craint une résistance acharnée en Irak même, et particulièrement une guérilla urbaine à Bagdad. L’occupation du pays coûterait plus de vies de soldats US que celle de l’Afghanistan, prédisent certains analystes militaires(14). Tarek Aziz, vice-premier irakien confirme : « Nous n’avons pas peur. Nous sommes prêts à protéger notre pays, notre indépendance, notre dignité. Quiconque dans le monde arabe s’oppose aux Américains deviendra plus fort aux yeux de son peuple. Une attaque US sur Bagdad n’affaiblirait pas mais renforcerait Saddam. »(15)

Cette résistance irakienne et arabe inquiète les alliés européens de Bush. « Lesquels ne s’engageront pas dans une guerre, a déclaré le ministre italien des Affaires étrangères, sauf si on leur prouvait clairement et sans équivoque que l’Irak produit des armes de destruction massive »(16). Ce « sauf si » laisse évidemment la porte ouverte à de futurs revirements. N’empêche que Bush a dû reculer quelque peu : « Je suis un homme patient. Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition. » (17)

« Tous les moyens » veut dire que la CIA a reçu instruction d’essayer d’assassiner le chef d’Etat irakien (elle s’y connaît) ou de fomenter un coup d’Etat comme au Venezuela. Mais, toujours selon le New York Times, « la plupart des responsables militaires et politiques estiment qu’un coup d’Etat ne réussirait sans doute pas et qu’une bataille terrestre avec des forces locale ne suffirait pas. »

La guerre, donc. Dans quelques mois, car le climat ne permet pas une guerre terrestre en été. Et surtout parce que, pour venir à bout de la résistance irakienne, les USA doivent masser d’importantes troupes, ce qui prendra plusieurs mois. Ils voudraient un encerclement complet permettant, selon une récente « fuite » du New York Times , d’attaquer à partir de sept pays : Turquie, Jordanie, Emirats, Bahrein, Omar, Koweït et Qatar, outre les habituels porte-avions et bases plus lointaines. Tous ces pays, sous pression de leurs opinions publiques, sont réticents. Aussi le forcing va se renforcer en coulisses pour les obliger à entrer dans la « Grande Coalition Bush bis ». Horizon : la guerre en janvier 2003.

La première guerre mondiale du 21ème siècle, annonce l’ex-premier israélien. Nous voilà avertis. Seule une grande mobilisation anti-guerre, unissant tout particulièrement les peuples arabes avec les travailleurs et les jeunes du monde entier, permettra d’arrêter ces plans guerriers et de développer la lutte pour une société qui mette fin aux guerres.

(1) AFP-Sofia, 11 juillet.

(2) AFP-Beirouth, 8 juillet.

(3) AFP-Sydney, 12 juillet.

(4) AFP-DubaÔ, 10 juillet.

(5) AP-UN, 12 juillet.

(6) AFP-Rome, 3 juillet.

(7) Le Soir, 8 juillet.

(8) The Guardian, 13 juillet.

(9) Xinhua, 14 juillet.

(10) AP-Teheran, 12 juin.

(11) Xinhua, 15 juillet.

(12) AFP-Bagdad, 9 juillet.

(13) The Guardian, 7 juillet.

(14) MichaÎl Kinsley, Washington Post, 12 juillet.

(15) Reuters, 6 juillet.

(16) AFP-Rome, 9 juillet.

(17) AFP-Washington, 14 juillet.

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