Les Chinois, responsables de notre chômage ?

Attention: voici venir le grand Dragon jaune!

Fa Quix est le président de la fédération belge des patrons du textile. Il déclare: «La Chine est une dictature communiste qui a élaboré un maître plan en vue d'inonder le monde entier. La Chine est une menace sans précédent.» Communiste, dictature, menace sans précédent, inonder le monde entier. Tels sont les termes avec lesquels les patrons créent une nouvelle image hostile.

Au milieu des années 70, quand il est apparu que la crise économique n'avait rien d'une petite dépression de courte durée, les immigrés sont devenus les têtes de Turcs. Avec leur «envahissement massif du marché du travail», on les rendait responsables du nombre élevé de chômeurs.

Par la suite, pas mal de patrons et d'hommes politiques allaient dire qu'il fallait chercher la cause de la crise dans le fait que, «des centaines de milliers de femmes envahissent aujourd'hui le marché du travail» et, de la sorte, «prennent le travail des hommes».

Encore un peu plus tard, on allait dire que le chômage «est la faute aux chômeurs mêmes, qui ne font pas assez d'efforts pour chercher du travail».

Aujourd'hui, ce sont les Chinois, les responsables du chômage.

Depuis 30 ans, les patrons ne cessent de supprimer des emplois

Quels sont les faits? Aujourd'hui, l'industrie belge du vêtement et du textile emploie 36.000 personnes. C'est trois fois moins qu'en 1975. Il y a trente ans, débutait une série de fermetures et de licenciements. Il n'était encore nullement question de produits textiles chinois sur le marché européen. Entre 1975 et 2003, les patrons du textile ont supprimé 75.000 emplois. On produit autant, aujourd'hui, qu'il y a trente ans, mais avec seulement un tiers du personnel. La valeur ajoutée par produit fini, autrement dit, ce que les patrons gardent en bénéfice, a augmenté de 50 %.

Aux Etats-Unis, c'est pareil. Les patrons du textile américains exigent de leur gouvernement qu'il muselle l'importation de produits chinois car, «cette année, nous avons déjà dû supprimer 17.000 emplois».1 Mais, entre 1990 et 2000, les patrons textiles américains ont liquidé un bon million d'emplois, bien avant qu'il soit question de «l'inondation par les produits chinois».2

Depuis 30 ans, en Europe occidentale et aux Etats-Unis, les patrons ne cessent d'accroître la productivité et les bénéfices avec le renouveau technique, en remplaçant les gens par les machines, en créant du chômage. Les innovations technologiques n'apportent pas un allègement du travail au personnel, mais du chômage. Par contre, aux patrons et aux actionnaires, ces innovations technologiques apportent de la richesse. Les bénéfices incroyablement élevés des entreprises le prouvent.

S'agit-il d'un problème insoluble? Non, bien sûr que non. Pourquoi le progrès de la science et de la technique ne pourrait-il être salutaire pour les gens? Pourquoi le profit doit-il passer avant tout, et pas les gens? Si nous avions un système de production faisant passer les gens à l'avant-plan, le travail serait réparti, le progrès technologique servirait à réduire le stress, le rythme et la durée du temps de travail et les gens progresseraient constamment sur le plan de la prospérité et du bien-être.

1 David Barboza, West's dilemma over China textiles, The New York Times, 4 avril 2005. · 2 West blocks China's cotton route, Asia Times, 7 avril 2005.

Les patrons ne peuvent exister sans inégalité

La Chine représente 22 % de la population mondiale. Le commerce international de la Chine ne constitue que 5,8 % du commerce mondial total.

L'Allemagne ne représente que 1,4 % de la population mondiale, mais la part allemande dans le commerce mondial est de 9,2 %. Les Etats-Unis représentent 4,9 % de la population mondiale, mais leur part du commerce mondiale est de 10,4 %.1 Pourtant, personne ne s'indigne de «l'inondation de notre marché» par les produits allemands et américains.

Depuis plus d'un siècle, les patrons d'Europe occidentale et des Etats-Unis inondent le tiers monde de leurs produits. Ils ont rendu impossible le développement industriel de ces pays. De la sorte, ils sont responsables de la pauvreté et du sous-développement et des dizaines de millions de morts qui en ont été et sont toujours la conséquence.

Aujourd'hui que la Chine, l'Inde et le Brésil se libèrent de cette situation, qu'ils bâtissent leur propre industrie et qu'ils produisent pour le marché mondial, les grands patrons poussent de hauts cris. Manifestement, ce système capitaliste ne peut exister que grâce à l'inégalité et à l'oppression.

1 Thomas Rumbaugh et Nicholas Blancher, China: international trade and WTO accession, IMF, Working Paper 04/36, Washington, mars 2004, p.15, Tabel: Share in world exports.

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