Le rêve néolibéral absolu de la N-VA

La N-VA veut « verser une prime aux régions, pour chaque chômeur qu’elles suspendront ». Le véritable visage des nationalistes flamands se précise de plus en plus. La vision de la N-VA s’appuie sur le contrôle, la sanction et la récompense. Le contrôle de ceux qui sont exclus, la sanction à l’égard des pauvres et la récompense pour ceux qui sont déjà suffisamment nantis.

La N-VA a un programme conservateur et néolibéral. Et il s’agit d’une combinaison impitoyable pour le simple citoyen, l’homme ou la femme de la rue.
 
Rien n’a encore été prouvé

« Pour ceux qui gagnent gros, la libération complète des structures communautaires constitue une fois pour toutes l’ultime rêve néolibéral. Pour ceux qui ont moins de chance, se profile la menace d’un monde rébarbatif dans lequel, en tant qu’individu, vous devez ramer tout seul sur le plan culturel, économique et démocratique », écrivait Bart De Weaver (N-VA) dans De Standaard du 15 juillet 2010.

Il s’agissait de l’une des attaques directes (ou réponses, si vous préférez) dans le débat avec les gros formats de l’OpenVLD. Le « simple citoyen » est content car voilà enfin un parti qui défend la cause de l’homme et de la femme de la rue. Si cela pouvait être vrai.

En fait, nous ne pouvons pas dire non plus que ce n’est pas vrai car, jusqu’à présent, De Wever n’a encore rien dû prouver sur ce plan. Hormis la présidence de son parti, De Wever n’a encore jamais rempli une fonction accompagnée d’un mandat exécutif.

Admettons, il est fort en rhétorique mais, quand il s’agit d’en venir au fait, la politique est un peu plus qu’une simple évidence.

Examinons un peu le discours et le programme de la N-VA. Dans quelle mesure est-elle réellement concernée par « l’individu forcé de ramer tout seul » ?
 
Le contrôle, la sanction et la récompense

« La N-VA a déposé une proposition sur la table des négociations du conciliateur politique Wouter Beke (CD&V) visant à verser aux régions un bonus pour chaque chômeur qu’elles suspendront », écrit De Morgen (11/04/2011).

Apparemment, cela a été confirmé par plusieurs sources. Si c’est exact, en effet, le vrai visage de la N-VA se précise de plus en plus. La vision de la N-VA s’appuie sur le contrôle, la sanction et la récompense. Elle vise le contrôle maximal des exclus, elle veut sanctionner les pauvres et récompenser ceux qui sont déjà suffisamment nantis (plus on a, plus on reçoit).

Lorsqu’on lit le programme socioéconomique de la N-VA et qu’on analyse attentivement le discours de la N-VA, on ne tombera pas de sa chaise en découvrant cette information. Une fois pour toutes, la N-VA a un programme conservateur et néolibéral. Et il s’agit d’une combinaison impitoyable pour « l’homme et la femme de la rue ».

La N-VA essaie de se faire passer pour anti-néolibérale et de se profiler comme le parti qui prend la défense du « simple Flamand » et non celle des « néolibéraux qui gagnent gros », pour reprendre une fois encore les termes de Bart De Wever, mais la réalité, hélas, est tout autre.

Est-ce un hasard si la N-VA préférerait appliquer son agenda socioéconomique avec ces mêmes libéraux « néolibéraux » ? Il y a manifestement quelque chose qui cloche, dans le discours de la N-VA.
           
C’est pourquoi je me pose un certain nombre de questions. Comment peut-on prendre la défense du « Flamand moyen » avec des propositions visant à sanctionner les chômeurs et non pas ceux qui détruisent les emplois (voyez le programme de la N-VA en ce qui concerne les PDG, les banquiers et les bonus) ?

Comment peut-on aider le Flamand avec un attirail d’emplois flexibles qui nuisent à la vie familiale et qui, en outre, sont vraiment sous-payés et qui n’offrent par conséquent que peu de sécurité, voire pas du tout ? De plus en plus de personnes vont devoir alors combiner deux ou trois emplois pour arriver à grand-peine à joindre les deux bouts.
 
Pas de sécurité dans la « flexicurity »
 
Dans le programme de la N-VA, plus précisément dans le volet « Politique de l’emploi et sécurité sociale », nous lisons que « le travail est le principal moyen pour combattre la pauvreté et l’exclusion sociale ». « Mettre le plus vite possible un maximum de personnes au travail constitue le défi majeur, pour la N-VA », découvrons-nous dans le même texte.

Chers décideurs politiques futurs, vous allez devoir revoir votre programme car le genre d’emplois que vous envisagez est précisément celui qui engendre la pauvreté.

En attendant, partout en Europe, les études et les chiffres ont déjà prouvé des dizaines de fois qu’il n’y a pas suffisamment d’emploi pour pouvoir échapper à la pauvreté. Dans notre pays aussi (ou dans notre région, si vous préférez), nous connaissons ce problème.

Faire travailler tout le monde sans tenir compte de la qualité et des conditions du travail, voilà à quoi ressemble la politique d’aujourd’hui. La politique de la « flexicurity », si populaire chez les partis de droite – et de « gauche » – a abouti à une hausse du nombre de personnes vivant dans la pauvreté et socialement exclues. Dans « flexicurity », on ne trouve en fait pas la moindre trace de « security ».

Un ticket à destination de la pauvreté
 
Comme si cela ne suffisait pas, la N-VA débarque avec une « solution », qui promet des primes à qui poussera encore plus ces personnes dans la pauvreté et dans l’exclusion. Cette proposition montre à quel point la N-VA est préoccupée par le sort du « simple citoyen » et celui des centaines de milliers de personnes qui survivent dans la pauvreté.

Ou peut-être est-ce la tantième preuve que la N-VA n’a pas de programme socio-économique convenable ?

À la N-VA, ils doivent bien savoir qu’une région moins performante sur le plan économique propose également moins d’emplois et compte par conséquent relativement plus de chômeurs. Et, même si une région va bien et propose beaucoup d’emplois, comme Bruxelles, ces emplois ne vont pas pour autant aux habitants de cette région, aux Bruxellois en l’occurrence. Je serais curieux de savoir comment la N-VA entend expliquer la chose aux nombreux Bruxellois qui vivent dans la pauvreté…

Au service d’étude de la N-VA, ils savent qu’il n’y a pas assez d’emplois et qu’il est impossible que chacun trouve un emploi convenable dans l’actuel système capitaliste. Pourtant, le programme de la N-VA déclare « que le parti veut tout mettre en œuvre pour que tout le monde, entre 18 et 65 ans, puisse trouver du travail ». Quant à l’aide sociale et aux indemnités de survie, aux yeux de la N-VA, il s’agit de la « toute dernière option ».

Par ailleurs, on ne peut nier le fait qu’il y aura toujours des gens qui ne sont pas directement engageables, pour la simple raison que nombre de gens ont des problèmes sociaux, psychiques ou de santé. Et ce sont ceux-là, précisément, que la N-VA entend sanctionner.
 
Suspendre ou ne pas suspendre ?
 
Donc, en suspendant les chômeurs, nous allons résoudre le problème ? Je n’en crois rien. Ce n’est même plus du populisme, c’est de la tromperie grossière. Sanctionner les chômeurs signifie rendre ces personnes dépendantes d’une indemnité de survie du CPAS. Mais ne sont-ce pas ces mêmes CPAS qui se plaignent depuis tout un temps déjà qu’ils disposent de trop peu de moyens pour le travail qu’ils doivent accomplir ?

Comment faire avaler de telles propositions aux CPAS ? Et comment De Wever va-t-il expliquer cette mesure aux plus pauvres des pauvres, qui seront les plus gravement touchés par ses propositions immorales ?

Cela veut-il dire qu’il ne doit pas y avoir de contrôle ? Non, naturellement. Les moyens de l’État et de la sécurité sociale (brefs, nos moyens) doivent être équitablement et justement répartis et, sur cela, nous voulons pouvoir exercer un contrôle. En fin de compte, c’est pour cela que nous avons un État.

Et il y aura toujours des gens qui veulent profiter des autres et c’est intolérable. Mais leur nombre est minime et, malheureusement, il est constamment gonflé jusqu’à ce que Monsieur Tout-le-Monde s’imagine que tous les chômeurs et tous les assistés sociaux sont des voleurs et des profiteurs.


Un rêve social au lieu d’un rêve néolibéral
 
Nous avons besoin d’autres propositions. Au lieu de contrôler et de sanctionner davantage les chômeurs, nous devrions investir dans ces personnes. Investir aussi dans une autre économie. Une économie qui corresponde à la réalité du chômeur et qui propose une plus-value au reste de la société.
           
Tous les moyens financiers et primes que les autorités investissent dans une politique de sanction, elles pourraient tout aussi bien les investir dans la formation, l’enseignement et autres alternatives économiques convenables auxquelles on peut intégrer les chômeurs.
           
L’ONEM, l’appareil de contrôle des chômeurs, écrit lui-même dans son rapport annuel : « Le passage de l’enseignement au travail, le fait de maintenir au travail et la réinsertion des plus âgés, la lutte contre la discrimination et l’accompagnement des demandeurs d’emploi peu scolarisés ou de longue durée, restent donc des points d’action prioritaires. » Ce sont, bien sûr, d’autres actions que celles envisagées par la N-VA.
           
Celui qui a moins de chance, qui a le plus de mal à s’en tirer, est lui-même responsable de sa situation et doit être sanctionné pour cette raison. Telle est l’analyse de la N-VA, qui se base ici sur un rêve ressemblant à s’y méprendre à celui des gens qu’elle prétend critiquer, à savoir, « le rêve néolibéral absolu ».

 
Bleri Lleshi
 
Bleri Lleshi est philosophe et chargé de cours en Économie sociale à la Haute École Artesis. Il a rédigé ce billet d’humeur en son nom propre.

Traduit du néerlandais par Jean-Marie Flémale pour Investig'Action


Source originale: De wereld morgen

Source: investigaction.net

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