La répression israélienne du mouvement de non violence palestinien

Fin février 2014, environ deux mille Palestiniens déferlaient dans les rues d’Hébron pour aller à l’encontre de l’armée d’occupation. Leur objectif : revendiquer la réouverture de la rue Shuhada (rue des martyrs en arabe) dans le cadre de la campagne « Open Shuhada Street ».

 

 


 

La rue Shuhada  est l’ancienne artère commerciale au cœur de la vieille ville d’Hébron, fermée  depuis 14 ans par l’armée israélienne. Depuis, une zone tampon s’est formée autour de cette rue pour protéger les colons israéliens qui s’y sont établis. Ce secteur de la vieille ville autrefois très animé est devenu un quartier fantôme exclusivement accessible aux colons et aux étrangers et où des violences entre colons israéliens et des Palestiniens ont lieu de façon répétée.

 

Bombes lacrymogènes et balles en caoutchouc dispersent les manifestants palestiniens et les activistes internationaux qui se sont engagés dans la rue des martyrs. Bilan: 13 blessés et cinq détenus. Badia Dwaik, habitant d’Hébron et membre de l’association Al Karama (dignité en arabe) fut l’un des détenus. Il nous explique : 

 

« Lors de la dernière manifestation dans le cadre de la campagne “open shuhada street”, j’ai été arrêté par l’armée et emprisonné quatre jours avant d’être libéré en échange d’une caution. On a retenu contre moi quatre charges : avoir attaqué des soldats israéliens, avoir pénétré dans une zone juive interdite aux Palestiniens, avoir organisé et mené une manifestation, et avoir frappé un commandant de l’armée israélienne.  Ce n’est pas vrai. Je suis un partisan de la non violence. En fait le commandant qui dit avoir été frappé a tout simplement inventé cette accusation. Il essaie souvent d’obtenir des informations auprès des habitants du quartier. On s’est croisé dans la vieille ville. J’ai toujours refusé de lui parler, et donc il a pris sa revanche. L’armée m’a envoyé quatorze fois en prison au cours de ma vie. La première fois, j’ai passé trois ans en prison pour mon engagement politique en tant que militant. J’avais juste 20 ans. Depuis, je suis persuadé que la lutte que nous devons mener pour notre cause doit être non violente ».

 

 


        Photo: Badia Dwaik lors de son arrestation par l’armée (Ma’an News)

 

 

L’occupation rend la vie impossible aux Palestiniens d’Hébron habitant à l’intérieur de la zone militarisée H2 [1] comme en témoigne Badia Dwaik :

 

 « J’habite dans la zone H2 à Hébron. Notre situation ici est même pire qu’à Gaza. Eux n’ont plus à subir la présence des colons. Une partie de mon quartier, où j’ai vécu mon enfance, m’est interdite. A ma place, se promènent les colons les plus dangereux d’Israël. Ils frappent les Palestiniens, les harcèlent constamment ». 

 

Une répression systématique

 

Depuis la fin de la seconde Intifada, des initiatives dans le cadre de la stratégie de résistance non violente initiée par le Comité de Coordination de la Résistance Populaire se multiplient face à l’occupation militaire et civile israélienne de la Cisjordanie. Ces initiatives ont pour but de récupérer l’esprit de la première Intifada, qui fut un soulèvement populaire. 

 

Des manifestations non violentes se déroulent chaque semaine dans de nombreux villages menacés par le mur ou l’extension de colonies. L’armée israélienne y répond bien souvent par la violence. Les militants palestiniens prônant la non violence sont ciblés de façon systématique. 

 

Le 27 mars, une trentaine de soldats débarquent dans la maison d’un militant du Comité de Résistance Populaire du village Al Ma’sara :

 

« Environ 30 soldats de l’occupation israélienne ont encerclé ma maison à 4h du matin. Ils ont frappé à la porte très fort, cela a effrayé mes enfants. J’ai ouvert la porte et ils sont rentrés dans la maison, ils ont tout fouillé. Puis, ils m’ont emmené dehors et ils ont commencé à me menacer disant que cette fois-ci ils n’avaient rien détruit, mais que la prochaine fois ils viendraient à un autre moment et agiraient autrement. Ils ont dit : nous savons que tu es le responsable de nombreuses manifestations qui ont eu lieu dans ce secteur. Nous te prévenons que si tu participes à ces manifestations la Journée de la Terre (le 30 mars), nous agirons différemment avec toi. Puis, ils sont partis. Ce n’est pas la première fois qu’ils utilisent cette méthode pour menacer les militants. Cela se produit partout en Palestine ; ils sont en train de cibler les défenseurs des droits de l’homme. Cela montre combien la résistance populaire est en train d’affecter ou menacer l’occupation, et à quel point son énergie et sa puissance les inquiète ».

 

 

[1] : la partition de la ville d’Hébron en deux parties H1 et H2, suite au Protocole d’Hébron du 15 janvier 1997 a conduit à mettre le secteur H1 sous sécurité palestinienne (18 km², soit 80 % de la ville) et le secteur H2 sous sécurité israélienne (5 km², 20% de la vieille ville habitée par environ 40 000 palestiniens (OCHA, 2013) et occupée par quelques cinq cents colons protégés par près de 1 500 militaires israéliens.

 

 

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