La guerre du Kosovo : des leçons importantes pour tous les peuples

La guerre du Kosovo, ou plutôt la guerre contre la Yougoslavie, n’est pas un conflit isolé, exceptionnel, dû à des causes très spécifiques. C’est au contraire un cas typique de guerre servant à assurer des rapports de domination Nord – Sud. En fait, il s’agissait aussi de faire basculer certaines régions des Balkans dans la catégorie des pays (néo)-colonisés. Dès lors, les méthodes employées là ont déjà servi et pourront resservir contre de nombreux pays du tiers monde, spécialement en Afrique.

C’est pourquoi est très utile d’établir un bilan objectif de cette guerre et de ses conséquences. En allant voir ce qu’on nous a caché…

D’abord, au Kosovo, au lieu de la paix promise, le bilan est catastrophique. Le Kosovo occupé par l’Otan est soumis depuis cinq ans à un véritable nettoyage ethnique permanent qui a chassé 230.000 non-Albanais : Serbes, Roms, Juifs, Turcs, Musulmans, Gorans, etc… Avec la complicité des Etats-Unis, disent les policiers allemands en mission là-bas : "Quand on voit comment les pires mafieux y jouissent manifestement de la protection des Américains, on attrape une crise de colère".

Les buts cachés des Etats-Unis dans les Balkans

Les buts affichés officiellement par les Etats-Unis n’étaient pas leurs véritables buts. En fait, ils visaient à contrôler la voie stratégique des Balkans. La route du pétrole recherchée par Berlin passe normalement par le Danube (donc à Belgrade), pour acheminer vers Hambourg et Rotterdam le pétrole et le gaz du Caucase et du Moyen-Orient. Cherchant à affaiblir et contrôler l’Europe, Washington veut un tracé plus au sud à travers ses Etats-marionnettes : Bulgarie, Macédoine, Albanie. Dans ce but, il a construit au Kosovo une gigantesque base militaire : Camp Bondsteel (montrée dans le film Les Damnés du Kosovo).

L’instrument des USA pour réaliser ce plan stratégique ? L’UCK, mouvement séparatiste et raciste, qui a toujours voulu créer une «Grande Albanie» ethniquement pure (Albanie + Kosovo + morceaux de Serbie, Macédoine, Monténégro et Grèce). Alors qu’ils avaient peu auparavant déclaré cette UCK «terroriste», les Etats-Unis l’ont littéralement achetée et rebaptisée «combattants de la liberté». But ? Faire éclater une Yougoslavie alors trop à gauche et se créer un nouvel Israël dans les Balkans.

Le danger des Etats «ethniquement purs»

Le soutien – camouflé – à la création d’Etats «ethniquement purs» est un crime majeur. Et une menace à l’échelle de la planète. En effet, au moins la moitié des Etats du globe sont constitués par divers peuples. Et les gens sensés considèrent cela comme enrichissant de par le brassage des cultures. Mais si on admet cette théorie des « Etats purs », les USA auront des prétextes pour faire exploser n’importe quel pays « multinational » qui leur résisterait. Toute grande puissance qui veut s’ingérer (pour faire main basse sur les richesses ou sur des positions stratégiques) pourra toujours trouver un moyen d’exciter des querelles entre peuples.

C’est pourquoi il est si important de s’opposer à ces propagandes de haine et à ces manoeuvres secrètes (voir nos livres Poker menteur sur le rôle trouble des Etats-Unis et de l’Allemagne en Bosnie, et Monopoly sur leur rôle au Kosovo). (1)

Catastrophe sociale en Serbie « FMIsée »

Quant à la Serbie, gouvernée depuis trois ans par le FMI, ce sont 10 millions de personnes qui se retrouvent aspirées dans une spirale de misère… Le prix du pain est passé de 4 à 30 dinars en un an. Le kilo de porc de 180 à 260 dinars (il était à 60 sous Milosevic). Les pommes de terre de 7 à 12, le sucre de 25 à 50, le litre d’huile de 36 à 70 dinars. Avec la période Milosevic, les écarts sont encore plus énormes.

Le M3 de gaz est passé de 3 à 11,20 dinars. 170.000 familles de Belgrade ne peuvent plus se payer l’électricité qui vient de doubler en quatre mois à la demande du FMI, et d’autres augmentations sont annoncées. Ils seront donc privés du chauffage urbain cet hiver.

Le FMI est en train de licencier 800.000 travailleurs. Explosion de la drogue et des suicides. Des ouvriers travaillent 13 heures par jour, 6 jours par semaine, sans sécurité sociale. Payés avec des mois de retard et surexploités. Bientôt, on fermera d’autres usines ici pour délocaliser là-bas.

Sordide bataille entre France et USA

Aucune guerre menée par les grandes puissances n’est «humanitaire». Pourquoi Etats-Unis, France et autres grandes puissances se sont-elles ruées sur le Kosovo? La vérité dans ce documentaire de France 2 en l’an 2000 : «Huit mois après la fin de la guerre, la bataille des parts de marché a commencé. Routes détruites, immeubles à rebâtir. Sur ces ruines, un gigantesque chantier se prépare. Pour les plus grandes entreprises de la planète, objectif : se tailler la part du lion dans les juteux marché de la reconstruction. La facture est estimée à trente milliards FF (4,5 milliards €) et le paiement sera garanti par la communauté internationale.» (2)

Cynique, Claude Jaclo, ingénieur français des télécoms, explique le fond de l’affaire: « Un très gros marché. Les telecoms, ça rapporte beaucoup d’argent. Et le Kosovo est un marché à part, c’est colossal. 60.000 Occidentaux qui téléphonent tous les jours. On peut estimer le marché du portable entre quatre cents millions et un milliard de DM sur trois ans. Avec le déploiement sauvage d'un réseau de GSM avec opérateur américain, Motorola (USA) n'a pas répondu à l'appel d'offre, il envahissait, s’imposait et faisait de facto un réseau n’appartenant pas au Kosovo, mais à des intérêts privés ou politiques du Kosovo. »

Dans cette bataille, les armées et des prétendues ONG ont servi d’instrument à ces pays pour décrocher les contrats : «Dans cette guerre du téléphone, les Américains disposaient d’un joker : US AID. Cette agence gouvernementale intervient partout dans le monde, officiellement, sur toutes les crises humanitaires pour venir en aide aux populations. Une sorte d’ONG, truffée d’anciens militaires et financée par les contribuables américains. ». Du coup, Paris a décidé de faire pareil. Il n’y a pas de guerre «humanitaire».

Privatiser le Kosovo avant de privatiser la Serbie

Le véritable but des grandes armées occidentales était aussi révélé dans cette émission : «C’est vrai, le Kosovo d’après-guerre est aujourd’hui un Eldorado pour les entreprises. Pour les entreprises de la planète, être au Kosovo, c’est pénétrer l’antichambre de la Serbie. A Pristina, Européens et Américains n’attendent que le départ de Milosevic pour lancer leurs prospecteurs sur Belgrade. C’est en effet la Serbie toute entière qu’il faudra reconstruire. Et là le chiffre des marchés est gigantesque, on parle déjà de centaines de milliards de francs. Le plus gros chantier depuis la reconstruction de l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

Après l’installation d’un gouvernement du FMI à Belgrade, la Sécurité socialeet les droits des travailleurs étant peu à peu liquidés, les privatisations et destructions sociales ont été déchaînées.

US Steel, par exemple, a pu racheter pour une croute de pain Sartid, la plus grande usine sidérurgique des Balkans. Délocalisations en perspective, et aussi en Europe.

La guerre commence par les médias

Pourquoi et comment l’opinion publique a-t-elle été tenue dans l’ignorance de tout ce qui précède ?

La raison, on la trouve dans cette déclaration de Lloyd George, ministre britannique de la Guerre en 14-18 : « Si les gens savaient vraiment, la guerre serait arrêtée demain. Mais bien sûr, ils ne savent pas et ne peuvent pas savoir. »

La manière, nous l’avons décrite dans notre texte Le Droit à l’information qui résume les grandes règles de la propagande de guerre : « Comment les médias occidentaux ont-ils couvert les diverses guerres qui ont suivi la première guerre du Golfe ? Peut-on dresser des constats communs ? Existe-t-il des règles incontournables de la «propagande de guerre» ? Oui. Les voici.

1. Cacher les intérêts. Nos gouvernements se battent pour les droits de l’homme, la paix ou quelque autre noble idéal. Ne jamais présenter la guerre comme un conflit entre des intérêts économiques et sociaux opposés.

2. Diaboliser. Pour obtenir le soutien de l’opinion, préparer chaque guerre par un grand médiamensonge spectaculaire. Puis continuer à diaboliser l’adversaire particulièrement en ressassant des images d’atrocités.

3. Pas d’Histoire! Cacher l’histoire et la géographie de la région. Ce qui rend incompréhensibles les conflits locaux attisés, voire provoqués par les grandes puissances elles-mêmes.

4. Organiser l’amnésie. Eviter tout rappel sérieux des précédentes manipulations médiatiques. Cela rendrait le public trop méfiant.»

Ces règles sont appliquées à tous les conflits où les grandes puissances ont quelque chose à cacher. C’est pourquoi une activité d’analyse critique de l’information et d’échange des données apparaît nécessaire pour tous ceux qui tentent de trouver et faire connaître la vérité cachée de ces conflits. Nous pensons que les test – médias organisés collectivement sont une condition de l’alternative aux manipulations de l’info.

(1) Michel Collon, Poker menteur, EPO, Bruxelles, 1998 & Monopoly – L’Otan à la conquête du monde, EPO, Bruxelles, 2000.

(2) Extraits d’un film documentaire de Philippe Poiret (agence Capa), diffusé en 2000 sur France 2 – Envoyé spécial

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