« L’allégement de la dette est un succès pour la politique de reconstruction du gouvernement congolais ! »

M. Mukulubundu Albert est conseiller politique du Premier Ministre de la RD Congo Adolphe Muzito. Il nous a accordé cette interview. Il y parle du récent allégement de la dette, des difficultés que le Congo a rencontrées pour l’obtenir, de la souveraineté économique, des résultats déjà obtenus dans le travail de reconstruction et des efforts encore à accomplir.

 

Interview: Danny C

Q: Dans la presse congolaise, l'allégement de la dette est présenté avant tout comme un succès pour le tandem Kabila-Muzito.

Albert Mukulubundu: L'allégement de la dette est certainement un pas en avant, non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour toute la nation. Concrètement, on peut dire que, avant l'allégement, le gouvernement devait déposer chaque fin du mois un chèque de 50 millions de dollars. Dans un budget qui s'élevait en 2009 seulement à 3 milliards de dollars, c'est extrêmement lourd. Cet argent est maintenant disponible pour des initiatives sur le plan de la reconstruction et du progrès social. En plus, il y a un moratoire de deux ans sur le payement du solde de la dette. Après, il y aura de nouvelles négociations avec le FMI sur de nouvelles conditions de remboursement.

Mais c'est aussi une victoire politique pour le tandem Kabila-Muzito, c'est vrai. L'opposition qui ne cesse de critiquer le gouvernement avait toujours prétendu, que le gouvernement n'allait jamais obtenir un allégement. Des vieux mobutistes, comme Kengo Wa Dondo ou Jean Pierre Bemba, eux aussi avaient essayé d'obtenir cela dans le temps, mais cela a été toujours refusé. Maintenant que le gouvernement a obtenu l'allègement, ils prétendent que c'est “un effort commun” et qu’eux, ils avaient déjà commencé le travail quand ils étaient au pouvoir. Mais la réalité est là : à la fin de l'époque mobutiste, la communauté internationale a presque abandonné complètement notre pays, tandis que maintenant, il n'y a pas une semaine sans qu'il y ait des hôtes de tous les horizons.

L'allégement de la dette est un signal fort symbolique pour l'extérieur. Le Congo peut profiter de cela pour attirer d'avantage des investisseurs et accélérer la modernisation du pays.

Q: Certains disent par contre que le gouvernement s'est incliné devant le FMI et ne fait qu’obéir aux diktats de la haute finance internationale.

A.M.: Je peux vous assurer que personne dans le gouvernement n’est heureux de devoir rembourser une dette qui n'est pas la leur. C'est un héritage de notre passé, pour lequel nous ne portons pas de responsabilité et qui nous est imposé. Tout le monde sait que la politique de reconstruction de notre pays et les conditions de vie souffrent à cause de cette dette. Mais, vous savez, quand le gouvernement a commencé le travail de reconstruction, après les élections de 2006, notre pays était le paria de la communauté internationale. Nous avons beaucoup souffert de l'indifférence de la communauté internationale face à la guerre qui nous a été infligée pendant des années, car elle considérait à tort ce conflit comme un problème interne au Congo. Maintenant encore, il y a des vautours dans l'arène internationale qui veulent détruire notre pays. Il y a ces fameux fonds vautours qui essayent de voler notre argent. Il y a aussi des “analystes” qui prétendent que notre pays est “ingérable” et qu'il vaut mieux le balkaniser…

Dans un environnement pareil, le gouvernement a fait le choix de tout faire pour stabiliser le pays, maintenir l'unité de la nation et améliorer les relations avec la communauté internationale. Un refus de paiement de la dette aurait causé un isolement international, voire même un boycott contre notre politique de reconstruction. Après quatre ans, on peut dire: c'était dur, mais, à la longue, cela a profité à notre pays.

Q: L'allègement n'a pas été donné comme un cadeau?

A.M.: Certainement pas ! Il faut souligner que la mise en ordre des finances de l'Etat, le fait d'avoir un contrôle sur les dépenses et les recettes, c'est un souhait de tous ceux qui se mobilisent pour le développement du pays. C'est une lutte contre la culture politique mobutiste, qui règne dans notre pays depuis plus de trente ans. Chez nous, la culture mobutiste, c’était : obtenir le poste politique pour s'enrichir le plus vite possible et laissez le pays en ruine derrière soi.

D'un autre côté, on sait que le FMI a ses propres plans. On l’a vu lors du débat autour du contrat avec les Chinois. La pression a été forte pour annuler ce contrat et de continuer à développer des relations unilatérales avec l'Occident. Mais le Congo veut une diversification : les investisseurs occidentaux sont les bienvenus, mais aussi ceux de l'Orient ou des pays émergents. Le gouvernement n'a pas cédé à cette pression. Même chose avec les privatisations que le FMI veut nous imposer. Le Congo a besoin du know how sur le plan de la gestion moderne. Ainsi, nous voulons des partenariats avec des hommes d'affaires qui peuvent nous aider à mieux rentabiliser nos affaires et notre appareil de production. Nous cherchons des partenariats avec l'étranger, mais nous ne sommes pas prêts à abandonner le contrôle sur les secteurs vitaux de notre économie. Là aussi, il y a un équilibre à trouver, mais un équilibre qui est avantageux pour la reconstruction du pays et pas pour les appétits des firmes étrangères.

Q: Le redressement sur le plan social, entretemps, n'avance pas tellement.

A.M.: Quand on voit les résultats de la politique de la lutte contre la pauvreté, (le DCRSP) cela est décevant. L'aide internationale qui est prévue dans cet accord pour le redressement des secteurs sociaux comme la santé ou l'éducation ne suffit que pour entretenir la pauvreté, au lieu de redresser la situation. Pour la santé, il y a un budget de seulement 0,5 dollar par habitant et par année prévu dans le budget 2009. Que peut-on faire avec cela ? C'est pour cette raison que le gouvernement cherche à développer des initiatives alternatives et complémentaires. Il y a maintenant un projet d'induction d'eau potable à la campagne. Le but est de construire 600 puits et amener de l'eau potable à 25 millions de gens. C'est clair que l'effet de tels projets sur la santé sera considérable. Même chose pour l'électricité: une coopération avec des investisseurs indiens nous permettra de construire un barrage au Bandundu et au Kasai. Ainsi nous allons contribuer à revitaliser ces deux provinces.

Je crois que le peuple commence à comprendre le travail difficile que le gouvernement effectue. Les gens apprécient que le Congo devienne de plus en plus stable. Mais cette stabilité demande un grand effort pour défendre l'unité de notre pays et investir dans sa sécurisation. Sur le plan monétaire il y a aussi une certaine stabilité, et ce dans un contexte mondial très difficile et perturbant. Pour la première fois, le taux d'inflation dans notre pays reste en-dessous de 10 %. Mais, surtout, la population voit que les routes et les ponts se construisent, que la communication se développe, qu'il y a des régions auparavant enclavées qui accrochent de nouveau avec le reste du pays. Suivant l'évaluation du DSCRP en mars 2010, le gouvernement a aménagé ces dernières années pas moins de 22.900 km de routes en mobilisant des investissements étrangers et locaux, ainsi que la population elle-même pour cette réalisation gigantesque. Cependant, nous ne sommes même pas à mi-chemin : pour les cinq ans à venir, dans le cadre du DSCRP II, il est prévu de poursuivre les efforts de reconstruction, de réouverture et de bitumage des routes d’intérêt général, les voiries urbaines et les pistes rurales. Un réseau d’environ 20.650 km a été fixé comme objectif à atteindre. Ce sont des conditions de base pour que le pays et la population se redressent !

 

Source: Intal

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