L’Irak et sa résistance

La réponse à la question de savoir si les Irakiens ont le droit de résister à l’occupation de leur pays par la coalition dirigée par les Américains est claire : ils l’ont. La question de savoir s’ils ont le droit de résister à cette occupation par tous les moyens est une question abstraite.

Le fait essentiel, c’est que, de tous temps, les peuples sous occupation ont résisté aux occupations et continueront à le faire. Et, puisque les gens pauvres ne disposent pas d’hélicoptères de combat, de chars et de bombardiers – qui sont les outils de l’occupant –, ils recourent donc aux moyens qui leur tombent sous la main.

Souvent, ces moyens sont horrifiants. Certains diront barbares et non civilisés. Le gouvernement américain les qualifie de terroristes, puisqu’ils défient par la violence et par les armes l’exploitation par les sociétés américaines, l’armée des Etats-Unis et leurs agents. (On ne sera pas surpris si Washington a une attitude bien plus tolérante à l’égard des défis armés à l’exploitation par ses rivaux, comme l’ont prouvé récemment les membres de l’establishment de la politique étrangère américaine en importunant la Russie afin qu’elle entame des pourparlers avec les guérillas tchétchènes.)

Que les méthodes des occupants soient au moins aussi barbares, sinon plus, c’est un fait admis comme normal, y compris par ceux qui déplorent les méthodes de la résistance et qui vouent les deux camps aux gémonies. C’est la position régulièrement adoptée par les moralistes occidentaux, dont l’intention, en se lavant bien proprement les mains des deux côtés, plutôt que de faire étalage de leur piété, n’est jamais claire. Des actes non civilisés et barbares se produisent, de façon régulière, inéluctable, comme si c’était une loi, et les déplorer ne modifient en rien les conditions qui les provoquent ou les rendent à tout le moins possibles demain.

Il est tout aussi inéluctable que le gouvernement irakien qui sera formé après les élections de dimanche dernier sera un agent de la politique américaine.

L’arène électorale favorise invariablement les groupes qui ont accès aux ressources vitales – dans le cas présent, les ressources fournies par l’occupation sous direction américaine et par des institutions financées par les Etats-Unis, tels USAID et le National Endowment for Democracy (Soutien national à la démocratie), qui opèrent afin de financer à leur tour les partis politiques et organisations favorables aux Etats-Unis. Cet argent est fourni à ces groupes dans le seul but de les faire élire afin qu’ils appliquent la politique américaine.

S’il s’avère que le résultat des élections n’est pas entièrement favorable à la poursuite des objectifs américains, le vainqueur sera forcé de se retirer en faveur d’un agent pro-américain fiable. Dans toute élection, le résultat – que ce soit dans le décompte final ou via des actions visant à faire capoter l’élection, si nécessaire – est déterminé en dernier recours par ceux qui détiennent le pouvoir, quels qu’ils soient, et, en Irak, il s’agit des Etats-Unis.

En effet, c’est presque un lieu commun que d’affirmer que le seul genre de gouvernement susceptible d’être élu et de pouvoir se maintenir en place sous une occupation militaire sera un gouvernement pro-américain. Il serait terriblement naïf d’imaginer autre chose et il faudrait être totalement ignorant du modèle historique utilisé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne dans les pays qu’ils ont prétendument « libérés » et où, invariablement, ils mettent au pouvoir des dirigeants conservateurs, procapitalistes et pro-Anglo-Américains. La chose s’est produite, entre autres, en Grèce, en France, en Belgique et en Corée au cours de la Seconde Guerre mondiale et, plus tard, au Vietnam.

Le but des élections de dimanche consiste à établir une base légalement confirmée en vue du transfert, vers des sociétés américaines, des biens et avoirs irakiens, y compris les importantes ressources et installations pétrolières. Jusqu’à présent, il n’y avait pas eu de gouvernement irakien légitime (c’est-à-dire élu) en place pour ratifier la vente des entreprises d’Etat et des droits pétroliers aux compagnies américaines et britanniques et, partant, pas de base légale permettant de procéder à l’annexion de l’économie irakienne.

Il est vrai que Washington n’avait pas l’autorité légale d’envahir le pays non plus, mais la question du titre de propriété et le problème des litiges concernant la prétention à la propriété ne peuvent être résolus que par l’autorité d’un gouvernement irakien à la souveraineté légalement reconnue.

Ainsi donc, avec ces élections qui leur assurent toute légitimité, les autorités de Bagdad peuvent se faire passer pour les représentants légitimes du peuple irakien, tout en opérant comme agents des investisseurs et actionnaires américains.

Loin de restituer une souveraineté de fait aux Irakiens, ceci leur garantit une plongée dans un abîme de dépendance perpétuelle. Si tout se passe conformément à ces plans, les ressources naturelles et l’infrastructure économique de l’Irak – ses transports publics, son électricité, ses télécommunications, son eau et son industrie pétrolière – auront été transférées vers des sociétés privées américaines et britanniques avant même qu’un terme ait été mis à l’occupation.

Dès cet instant, le pays ne sera rien de plus qu’une colonie économique des Etats-Unis, dégorgeant ses ressources et ses richesses au profit des investisseurs et actionnaires américains, tout en s’installant dans le modèle habituel caractéristique des pays exploités et dépendants. Il y aura une mince couche de compradores aisés, une population excédentaire grouillante et toute une volée de véritables bagnes s’échelonnant sur les rives de l’Euphrate et aux mains d’entrepreneurs à la solde des sociétés géantes étrangères, principalement américaines.

La résistance est la seule force capable de bouleverser ce plan.

Traduction Jean-Marie Flémal pour Stop USA.

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