Irak : interview d'un front de la résistance

Interview de Abou Muhammed, porte-parole tant du Parti socialiste arabe baathiste en Irak que du Commandement suprême du Front de lutte (djihad) et de libération de l’Irak (FSL), dont la constitution a été annoncée le 2 octobre dernier. Ce front est l’une des principales coalitions ou fronts d’organisations qui participent à la Résistance nationale irakienne (INR) contre l’occupation américaine. C’était la première série d’interviews d’un représentant officiel d’une coalition majeure de la résistance irakienne hors du Moyen-Orient.

La Résistance nationale irakienne réclame le retrait américain et la reconnaissance

Publié le 20 octobre

http://www.workers.org/2007/world/iraq-1025/

Abou Muhammed est venu en Espagne pour répondre à l’invitation du groupe CEOSI (iraqsolidaridad.org) et il y a tenu des réunions médiatiques, politiques et institutionnelles.

Il existe d’autres coalitions qui regroupent également des milliers de combattants de la résistance irakienne. Tout en partageant un grand nombre d’objectifs identiques à ceux du Front de lutte et de libération – et particulièrement l’objectif consistant à chasser les États-Unis – ces autres fronts peuvent avoir une évaluation différente de leur force relative, du rôle précis de l’Iran, du rôle précis du parti baathiste, etc. Il existe une possibilité de coopération suivie et croissante entre ces fronts.

Ces fronts, toutefois, ne considèrent pas que l’armée du mahdi Muqtada al-Sadr fait partie de la résistance, bien que les Américains traitent cette même armée, forte de 100.000 hommes, comme une force hostile.

Abou Muhammed, qui a fait ses études de médecine aux États-Unis, a été professeur d’université à Bagdad à l’époque de Saddam Hussein. Puisque ses présentes remarques ont déjà été traduites à deux reprises, de l’arabe en espagnol, puis de l’espagnol en anglais, il est plus indiqué, pour l’information des lecteurs, de les paraphraser, plutôt que d’y voir des citations exactes.

Les déclarations d’Abou Muhammed

Nous, qui faisons partie du Commandement suprême du djihad et de la liberté en Irak, sommes des combattants de la résistance contre l’occupation américaine. Nous voulons qu’il soit bien entendu qu’il n’y a jamais eu de terroristes en Irak avant le début de l’occupation. Il n’y avait aucune présence d’al-Qaïda en Irak avant l’occupation américaine. Nous condamnons les attentats d’al-Qaïda contre des civils.

Izat Ibrahim al-Duri, qui était général dans l’armée irakienne et vice-président du dernier gouvernement irakien avant l’invasion, et qui est actuellement secrétaire général du Parti socialiste arabe baathiste en Irak, est le chef du Commandement suprême des 22 groupes et partis nationalistes et islamistes qui se sont réunis en un front.

En ce qui concerne le Parti socialiste arabe baathiste en Irak, il n’était pas ni n’est un parti dictatorial. Nous croyons dans le nationalisme. La situation actuelle en Irak, ces dernières décennies, et les défis affrontés par le parti ont abouti à une centralisation du parti sous Saddam Hussein. Depuis l’occupation, le parti a évolué, passant du statut de parti au pouvoir à celui de parti en résistance. Nous croyons dans le pluralisme et dans une nouvelle vision démocratique.

Notre parti a commis des erreurs, dans le passé. Il y a eu du bon et du mauvais, sous le gouvernement de Saddam Hussein. Le parti ne s’est pas enfermé dans ses vieilles façons de faire. Nous ne sommes plus un parti centralisé ni ne sommes une dictature. Après la libération, nous continuerons à être pluralistes. Nous participerons aux élections en compagnie des autres partis.

En ce qui concerne la tentative de division de l’Irak, la vérité est que l’Irak vit pour l’instant sous une occupation et sous les personnes qui soutiennent l’occupation. L’occupation et ses partisans sont les partis qui entretiennent des milices composées respectivement de sunnites, de chiites et de Kurdes. Ces partis entretiennent des escadrons de la mort. Certains coopèrent avec l’Iran. Nous, qui appartenons à la résistance, représentons plus de 80 pour cent des Irakiens de toutes les parties de l’Irak. Selon une étude récente réalisée par USA Today, la majorité des Irakiens sont favorables à la résistance et hostiles à l’occupation et ils sont également partisans d’un Irak démocratique et pluraliste. Le système du parti unique est révolu.

Nous, dans la résistance armée ou non armée, sommes la seule voie vers l’indépendance et la stabilité de l’Irak. Nous continuerons à résister jusqu’à la défaite des États-Unis ou jusqu’au moment où les États-Unis accepteront de se retirer. Nous n’accepterons de négocier que si les États-Unis reconnaissent les droits des Irakiens. Sinon, nous continuerons de résister.

Plus d’un million et demi d’Irakiens ont perdu la vie durant la période des sanctions (1990-2003) et plus d’un million d’autres ont été tués depuis l’invasion. Du côté américain, les 3.700 tués dont il est fait état concernent uniquement les marines. Ce chiffre n’inclut pas les mercenaires et il y a autant de mercenaires en Irak que de militaires. Les mercenaires participent davantage aux actions que les marines, entre autres, à Falluja, Samarra et dans d’autres villes encore.

Le Pentagone a estimé qu’il y avait eu au total 54.000 actions menées par la résistance contre les troupes américaines. Si vous estimez qu’il y a eu au moins un mort toutes les deux actions, cela représente quelque 27.000 morts. Ce nombre inclut les troupes américaines et les mercenaires. Actuellement, la résistance mène une moyenne de 177 opérations par jour.

La majorité des Irakiens dans le pays combattent ou soutiennent les gens qui combattent. Il n’y a pas de montagnes ou de forêts en Irak et nous ne recevons d’aide d’aucun pays voisin. Les Irakiens ont surpris le monde par leur détermination à poursuivre le combat malgré toutes les difficultés et les destructions.

Message de la Résistance nationale irakienne à la population américaine

J’aimerais adresser un message de la résistance au peuple des États-Unis.

Bush a humilié le peuple américain, avec son invasion et son occupation de l’Irak. Il a également humilié l’armée américaine. C’est une tache honteuse sur l’histoire des États-Unis que d’occuper un pays qui vivait dans la paix et la stabilité et qui s’était engagé dans la voie du développement.

Bush et son administration ont menti au peuple américain, ils lui ont servi mensonge sur mensonge à propos des causes de l’occupation de l’Irak et des événements qui ont eu lieu en Irak même. Ils mentent également à propos du nombre de morts de l’armée américaine.

En ce qui concerne les prétendues causes de la guerre, les États-Unis ont d’abord objecté que Saddam Hussein dirigeait une dictature et qu’il détenait des armes nucléaires et chimiques, ces fameuses armes de destruction massive (ADM), et qu’il entretenait également des relations avec al-Qaïda. Aujourd’hui, les dirigeants américains ont fait marche arrière à propos de cette affirmation. Ils ont reconnu que ces raisons étaient non fondées et que personne ne pouvait prouver qu’il y ait eu la moindre relation entre al-Qaïda et Saddam Hussein. Personne n’a jamais découvert non plus d’ADM en Irak.

En effet, si l’administration Bush avait réellement cru que l’Irak détenait des ADM, jamais elle n’aurait envahi l’Irak.

Puisque l’invasion s’appuyait sur ces mensonges et que les dirigeants américains savaient pertinemment qu’ils mentaient, cela veut dire que le gouvernement américain est responsable de toutes les conséquences de l’invasion et de l’occupation de l’Irak. Ceci inclut l’existence d’al-Qaïda en Irak, puisqu’il n’y avait pas d’organisation de ce genre en Irak avant l’invasion et que personne en Irak n’avait jamais entendu dire qu’al-Qaïda y eût été présent.

Cette invasion américaine a d’autres conséquences négatives : l’ingérence de l’Iran en Irak ; les combats sectaires pour pouvoir suivre l’agenda politique ; les milices et les escadrons de la mort qui appartiennent aux partis qui coopèrent avec l’occupation, et même au gouvernement. Tout cela se traduit par la situation grave qui règne en Irak, sans parler de l’absence de services tels les services sociaux, les soins de santé et l’eau potable. Les massacres de personnes, les incarcérations sans motif, le vol des richesses irakiennes, tout cela a été provoqué par l’occupation de l’Irak et ce sont les États-Unis qui en sont responsables.

La résistance a commencé à se développer dès les premiers jours de l’occupation, s’intensifiant d’abord de jour en jour jusqu’à prendre une ampleur quantitative et qualitative et englober aujourd’hui tous les Irakiens des divers groupes nationaux, religieux, sectes, Kurdes et Arabes, sunnites et chiites, chrétiens, Turkmènes, etc., bref, tous les Irakiens. Selon USA Today et CNN, 80 pour cent de l’ensemble de la population irakienne soutient la résistance.

La résistance combat l’armée américaine et tue des soldats américains en Irak, non parce que ce sont des hommes venant des États-Unis, mais parce qu’ils sont les occupants de l’Irak.

Le programme de la résistance

La politique de la résistance consiste à libérer l’Irak. Après cela, elle constituera un conseil temporaire à partir des divers groupes et partis politiques qui ont rejeté l’occupation. Ceci inclut tous ceux qui ont quitté le processus politique organisé par l’occupation et qui sont désormais entrés en résistance. Ce conseil temporaire sélectionnera un gouvernement de transition qui gouvernera pendant deux ans. Il instaurera également une constitution nationale. À ce moment, il promulguera une loi permettant aux partis de présenter des candidats. Telle est la nouvelle vision du Parti socialiste arabe baathiste et de la résistance.

Le projet et la stratégie de la résistance tendent à ce que les États-Unis et leurs alliés reconnaissent les droits de l’Irak et du peuple irakien. Ils comprennent :

• Une reconnaissance de la Résistance nationale irakienne en tant que représentant militaire et politique du peuple irakien.

• Un retrait total et inconditionnel hors des frontières de l’Irak.

• L’annulation de toutes les lois et structures qui ont été adoptées sous l’occupation.

• La libération de tous les prisonniers enfermés par les États-Unis et par le gouvernement.

• Le paiement de compensations à l’État et au peuple de l’Irak.

• L’arrêt des intrusions dans les maisons et du harcèlement des citoyens.

Si les droits des Irakiens sont reconnus et que les États-Unis sont disposés à les respecter, les représentants de la Résistance nationale irakienne sont, de leur côté, disposés à siéger directement avec les États-Unis afin d’établir un plan de retrait de l’armée américaine et de discuter de la mise en place de bases à la frontière iranienne en vue d’empêcher une invasion, puis de conclure un accord qui assurera de bonnes relations avec tous les pays qu’ils soient voisins ou disséminés à travers le monde.

Dans le cas contraire, la résistance se poursuivra durant des générations entières, s’il le faut, et quelles que soient les pertes. Il ne pourrait y avoir de stabilité en Irak, dans ce cas, tant que l’armée américaine n’aura pas subi de défaite majeure. L’administration américaine sait très bien ce que signifierait une telle défaite et quelles en seraient les graves conséquences.

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