Interview exclusive du dirigeant du Hamas

La clé de la paix au Moyen-Orient est la restauration du droit international et la reconnaissance du droit, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens juifs, de vivre en paix et en sécurité côte à côte. Comme le dit le président Obama, il n’y a actuellement pas de processus de paix.

Benjamin Netanyahou, premier ministre israélien, continue à étendre les colonies illégales en Cisjordanie et à Jérusalem et à maintenir le blocus quasi complet de Gaza. Les Palestiniens tirent des roquettes inefficaces sur Israël. Israël attaque régulièrement les territoires palestiniens au moyen d’armes modernes. Aucun conflit majeur ne peut être résolu sans que chaque côté parle avec l’autre. Ce fut le cas en Afrique du Sud, en Irlande et dans d’innombrables autres situations où les intéressés avaient dit qu’ils ne parleraient jamais avec leurs adversaires. Dans les années 80, j’ai été contesté pour avoir dit que la solution du conflit en Irlande exigeait que l’on parle avec Gerry Adams et Martin McGuinness. Au Moyen-Orient, la paix ne peut être réalisée que par des discussions entre les représentants élus , tant des Israéliens que des Palestiniens, à savoir le Hamas – qui a remporté les dernières élections parlementaires palestiniennes avec une importante majorité – ainsi que le Fatah.
Cela ne veut pas dire que je sois d’accord avec les vues du Hamas, du Fatah ou du gouvernement israélien. Loin de là : je ne suis pas d’accord. Par exemple, je crois qu’un certain nombre de passages de la charte originale du Hamas sont inacceptables et devraient être rejetés.
Beaucoup d’observateurs pensent que ce point de vue est partagé par certains membres du Hamas. Pourtant, de l’avis de trop de gens, le Hamas reste opaque en tant qu’organisation . Ce qu’ils en savent provient de médias hostiles ; le Hamas n’a pas de visage. La plupart des gens pensent probablement que son dirigeant est un personnage dérangé du genre Osama Bin Laden.
De fait, les partisans d’Al Qaida à Gaza sont tellement hostiles au Hamas qu’ils lui ont déclaré la guerre. Pour ces raisons, j’ai pensé qu’il était important d’interviewer Khaled Meshal, dirigeant de facto du Hamas qui vit en exil en Syrie.
Toutes les questions ne sont pas claires. Mais au début de tout processus de paix, ce qui compte le plus est de s’y engager. Le dialogue est nécessaire pour arriver à la clarté et à la compréhension mutuelle. Au début, Sinn Fein n’a pas répondu à toutes les questions, pas plus que Benjamin Netanyahou aujourd’hui. Meshal donne ses réponses à un moment de tension accrue et de nouvelles menaces de mort à son endroit qui s’ajoutent au danger permanent d’un assassinat aux mains non seulement des Israéliens, mais également des partisans d’Al Qaida dans la région. J’espère que cette interview contribuera à plaider en faveur du dialogue nécessaire, qui est, je le crois, inévitable. Il s’agit simplement de savoir combien de souffrance subiront les deux côtés avant d’arriver à ce stade.

Ken Livingstone : pourriez-vous expliquer un peu votre enfance et les expériences qui ont fait de vous ce que vous êtes aujourd’hui ?
Khaled Meshal :
je suis né dans le village de Silwad en Cisjordanie, près de Ramallah, en 1956. Tout jeune, j’ai appris de mon père comment il avait participé à la révolution palestinienne contre le mandat britannique en Palestine dans les années trente et comment il s’était battu aux côtés d’autres Palestiniens, avec des armes primitives, contre les gangs de Sionistes bien équipés et entraînés qui attaquaient des villages palestiniens en 1948. J’ai vécu à Silwad pendant 11 ans jusqu’à la guerre de 1967, où, comme des centaines de milliers de Palestiniens, j’ai été forcé avec ma famille de quitter notre maison et de m’établir en Jordanie. C’est une expérience bouleversante que je n’oublierai jamais.

KL : Que vous est-il arrivé après la guerre ?
KM : Peu après, j’ai quitté la Jordanie pour le Koweït où mon père travaillait et vivait déjà avant 1967. Après avoir terminé l’école primaire en 1970, je suis entré dans la prestigieuse école secondaire Abdullah al-Salim. Au début des années 70, c’était un lieu d’intense activité politique et idéologique. Pendant ma deuxième année à l’école al- Salim, je suis entré chez les frères musulmans (al-Ikhwan al-Muslimun). Après ma quatrième année, j’ai réussi à entrer à l’université de Koweït, où j’ai fait un BSc en physique. L’Université de Koweït avait une branche active de l’Union générale des étudiants palestiniens (GUPS), qui avait été sous le contrôle total du mouvement Fatah. Moi-même et mes compagnons islamistes avons décidé, en 1977, d’adhérer au GUPS, que nous avions auparavant boudé parce que nous contestions l’élection de ses dirigeants. Toutefois, il nous a été impossible de travailler au sein du GUPS ; nous nous sentions constamment bridés et nous nous sommes rendus comptes qu’en tant qu’islamistes, on ne nous laisserait jamais la moindre chance. En 1980, deux ans après mon diplôme, mes compagnons plus jeunes ont décidé de quitter le GUPS et de former leur propre association palestinienne sur le campus. Beaucoup d’étudiants étaient déçus du leadership palestinien qui semblait disposé à se contenter de beaucoup moins que ce dont ils rêvaient depuis leur enfance, à savoir la libération complète de la Palestine et le retour de tous les réfugiés chez eux.

KL : Quelle est la situation à Gaza aujourd’hui ?
KM : Gaza aujourd’hui se trouve sous siège. Les passages sont fermés la plupart du temps et depuis des mois, les victimes de la guerre israélienne contre Gaza se sont vu refuser l’accès aux matériaux nécessaires pour reconstruire leurs maisons détruites. Dans de nombreuses parties de la Bande de Gaza, il faut reconstruire des écoles, des hôpitaux et des maisons. Des dizaines de milliers de personnes n’ont pas d’abri. À mesure que l’hiver approche, la situation de ces victimes ne fera qu’empirer dans le froid et sous la pluie. Un million et demi de personnes sont détenues comme otages dans l’une des plus grandes prisons de l’histoire de l’humanité. Elles sont incapables de sortir librement de la Bande, que ce soit pour un traitement médical, pour leur éducation ou pour d’autres besoins. Ce que nous avons à Gaza est un désastre et un crime contre l’humanité perpétré par les Israéliens. Par son silence et son indifférence, la communauté mondiale, est complice de ce crime.

KL : Pourquoi pensez-vous qu’Israël continue à imposer le siège à Gaza ?
KM : Les Israéliens prétendent qu’ils maintiennent le siège pour des raisons de sécurité. Leur véritable motif est de faire pression sur le Hamas en punissant toute la population. Les sanctions ont été mises en place peu après la victoire du Hamas aux élections palestiniennes en janvier 2006. Bien que les Israéliens aient des soucis de sécurité, ce n’est pas leur principale motivation. Leur objectif est avant tout de préparer un coup monté contre les résultats des élections démocratiques qui ont amené le Hamas au pouvoir. Les Israéliens et leurs alliés cherchent à faire échouer le Hamas en persécutant la population. C’est une entreprise hideuse et immorale. Aujourd’hui, le siège se poursuit bien que nous observions le cessez-le-feu depuis six mois.
L’année dernière, une trêve a été observée de juin à décembre 2008. Pourtant le siège n’a jamais été levé et les sanctions sont restées en place. Saper le Hamas est le principal objectif du siège. Les Israéliens espèrent retourner la population de Gaza contre le Hamas en augmentant les souffrances de toute la population de la Bande.

KL : Il y a combien de partisans du Hamas et de représentants élus du Hamas emprisonnés en Israël ? Ont-ils tous étés inculpés et déclarés coupables ?
KM : Sur les 12 000 Palestiniens au total détenus dans les prisons israéliennes, quelque 4000 sont membres du Hamas. Ce chiffre comprend notamment des dizaines de ministres et de parlementaires (membres du Conseil législatif palestinien). Environ 10 ont été libérés récemment, mais il reste quelque 40 membres du PLC en détention. Certains se sont vu infliger des peines, mais beaucoup sont en détention administrative selon le vocable israélien. Le seul crime que ces personnes aient commis est d’être associées au groupe parlementaire du Hamas. Israël considère qu’exercer son droit démocratique est un crime. Tous ces parlementaires sont traduits devant un système israélien de justice qui n’a rien à voir avec la justice. Le système judiciaire israélien est un instrument de l’occupation. En Israël, il y a deux systèmes de justice : l’un s’applique aux Israéliens et l’autre aux Palestiniens. C’est un régime d’apartheid.

KL : Quel rôle éventuel jouent les autres États et institutions tels que les USA, l’U.E., la Grande Bretagne, l’Égypte ou l’Autorité palestinienne dans le blocus de Gaza ?
KM : Le blocus de Gaza n’aurait jamais été imposé  sans la collusion avec des puissances régionales et internationales.

KL : Comment peut-on lever le blocus selon vous ?
KM : Pour la levée du blocus, il faut respecter le droit international. Les droits fondamentaux des Palestiniens et leur droit de vivre dans la dignité et à l’abri de la persécution devraient être reconnus. Il faut qu’il y ait une volonté internationale de servir la justice et de respecter les principes fondamentaux de la loi internationale en matière de droits humains. La communauté internationale devrait se libérer des entraves de la pression israélienne, parler vrai et agir en conséquence.

KL : Israël dit qu’il a bombardé et envahi Gaza l’année dernière en réaction devant les violations répétées du cessez-le-feu par le Hamas et les tirs de roquettes sur le sud d’Israël. Est-ce le cas ?
KM : Les Israéliens ne disent pas la vérité. Nous avons conclu une trêve avec Israël du 19 juin au 19 décembre 2008.. Néanmoins, le blocus n’a pas été levé. Le marché prévoyait un cessez-le-feu bilatéral, la levée du blocus et l’ouverture des passages. Nous avons entièrement respecté le cessez-le-feu tandis qu’Israël ne l’a observé que partiellement, et vers la fin de la période il a repris les hostilités. Pendant toute cette période, Israël a maintenu le siège et n’a ouvert certains des passages que par intermittence, n’autorisant l’entrée que de 10 % au maximum des fournitures répondant aux besoins essentiels de la population de Gaza. Israël a tué la possibilité de renouveler la trêve parce qu’il l’a délibérément brisée à plusieurs reprises. J’ai toujours dit à mes visiteurs occidentaux, notamment à l’ancien président étasunien, Jimmy Carter, que dès qu’une trêve sera proposée au Hamas comprenant la levée du blocus et l’ouverture des passages, le Hamas répondra positivement. Jusqu’ici, personne ne nous a fait une telle offre. En ce qui me concerne, le blocus équivaut à une déclaration de guerre justifiant l’autodéfense.

KL : Quelle est l’idéologie et quels sont les objectifs du Hamas ?
KM : Notre peuple a été victime d’un projet colonial appelé Israël. Pendant des années, nous avons subi différentes formes de répression. La moitié de notre peuple a été dépossédée et se voir refuser le droit au retour chez lui, la moitié vit sous un régime d’occupation qui viole ses droits humains fondamentaux. Le Hamas lutte pour mettre fin à l’occupation et pour restaurer les droits de notre peuple, notamment le droit de rentrer chez lui.

KL : Quel est selon vous, la cause du conflit entre l’État d’Israël et les Palestiniens ?
KM : Le conflit découle de l’agression et de l’occupation. Nous menons notre lutte contre les Israéliens, non pas parce qu’ils sont juifs, mais parce qu’ils ont envahi notre patrie et nous ont dépossédés. Ce n’est pas parce que les juifs ont été auparavant persécutés en Europe qu’ils ont le droit de prendre notre terre et de nous jeter dehors. Les injustices subies par les juifs en Europe ont été horribles et criminelles, mais elles n’ont pas été commises par les Palestiniens, les Arabes ou les musulmans. Alors, pourquoi devrions-nous être punis pour les fautes des autres ou nous ferait-on payer pour leurs crimes ?

KL : Croyez-vous qu’Israël compte continuer à reculer ses frontières ?
KM : Israël n’a pas de frontières définies. Quand Israël a été créé dans notre patrie il y a 62 ans, ses fondateurs rêvaient d’un « Grand Israël » allant du Nil à l’Euphrate. L’expansionnisme s’est manifesté à plusieurs occasions : en 1956, en 1967 et plus tard lors de l’occupation d’une partie du Liban dans les années 80. La faiblesse des Arabes, la supériorité militaire d’Israël, le soutien accordé par les puissances occidentales à Israël, et les massacres que celui-ci était prêt à commettre contre des civils sans armes en Palestine, en Égypte et au Liban, lui ont permis de s’étendre par étapes. Bien que beaucoup d’Israéliens aient toujours des idées expansionnistes, il semblerait que ce ne soit plus une option pratique. La résistance libanaise et palestinienne a forcé Israël à se retirer unilatéralement de terres qu’il avait antérieurement occupées comme suite à la guerre et à l’agression. Alors que par le passé Israël a pu battre plusieurs armées arabes, il est confronté aujourd’hui à une redoutable résistance qui fera non seulement obstacle à son expansionnisme, mais qui l’obligera également avec le temps à lâcher de plus en plus de terres occupées illégalement.

KL : Quelles sont vos principaux objectifs ? Le Hamas est-il principalement une organisation politique ou religieuse ?

KM : Le Hamas et un mouvement de libération nationale. Nous ne voyons pas de contradiction entre notre identité islamique et notre mission politique. Bien que nous confrontions les occupants par le biais de la résistance et de la lutte pour obtenir les droits de notre peuple, nous sommes fiers de notre identité religieuse tirée de l’islam.

Mais à l’encontre de l’expérience des Européens avec le christianisme, l’islam ne prévoit pas, n’exige pas ni ne reconnaît une autorité ecclésiastique. Il fournit simplement une série de directives larges dont l’interprétation détaillée est soumise à la réflexion humaine (ijtihad) et en découle.

KL : Est-ce que vous vous consacrez à la destruction d’Israël ?

KM : Ce qui se passe en fait c’est la destruction du peuple palestinien par Israël ; c’est lui qui occupe notre terre, nous exile et nous tue, nous incarcère et persécute notre peuple. Nous sommes les victimes, Israël est l’oppresseur et ce n’est pas l’inverse..

KL : Pourquoi le Hamas adopte-t-il la force militaire dans ce conflit ?

KM : La force militaire est une option à laquelle notre peuple a recours parce que rien d’autre ne marche. La conduite d’Israël et la complicité de la communauté internationale, que ce soit sous forme de silence, d’indifférence ou de participation, justifie la résistance armée. Nous aimerions tellement que ce conflit soit résolu pacifiquement.

Si l’occupation devait cesser et que notre peuple puisse exercer son autodétermination dans sa patrie, il ne serait pas nécessaire d’avoir recours à la force. La réalité est que près de 20 ans de négociations de paix entre les Palestiniens et les Israéliens n’ont restauré aucun de nos droits. Au contraire, les compromis unilatéraux conclus par l’équipe de négociation palestinienne nous ont fait subir plus de souffrances et de pertes.

Depuis que l’OLP a conclu le traité de paix d’Oslo avec Israël en 1993, les Israéliens ont exproprié de nouvelles terres palestiniennes en Cisjordanie afin de construire des colonies juives illégales, d’étendre les colonies existantes ou de construire des routes réservées exclusivement aux Israéliens vivant dans ces colonies. Le mur d’apartheid que les Israéliens ont érigé en Cisjordanie a absorbé de vastes terres qui étaient censées être rendues aux Palestiniens d’après le traité de paix.

Le mur d’apartheid et des centaines de postes de contrôle ont transformé la Cisjordanie en enclaves isolées comme les cellules d’une grande prison qui rend la vie intolérable.

Jérusalem est constamment malmenée afin d’en modifier le paysage et l’identité et des centaines de maisons palestiniennes ont été détruites dans la ville et alentour, laissant des milliers de Palestiniens sans abri dans leur propre patrie. Au lieu de libérer les prisonniers palestiniens, les Israéliens ont arrêté 5000 Palestiniens de plus depuis la conférence de paix d’Annapolis en 2007 – action qui atteste que la paix ne les intéresse absolument pas.

KL : Le Hamas s’engage-t-il dans une activité militaire en dehors de la Palestine ?

KM : Non. Depuis sa création il y a 22 ans, le Hamas a confiné son champ d’opération militaire à la Palestine occupée.

KL : Souhaitez-vous établir en Palestine un état islamique dans lequel toutes les autres religions auront un statut subalterne ?

KM : Notre priorité comme mouvement de libération nationale est d’en terminer avec l’occupation israélienne de notre patrie. Une fois que notre peuple sera libre sur sa terre et bénéficiera du droit à l’autodétermination, c’est lui seul qui aura le dernier mot sur sous le système de gouvernement avec lequel il souhaite vivre. C’est notre ferme croyance que l’Islam ne peut pas être imposé aux gens. Nous ferons campagne, dans un processus entièrement démocratique, sur un programme islamique. Si c’est ce que les gens choisissent, alors ce sera leur choix. Nous croyons que l’Islam est la meilleure source d’inspiration et le meilleur garant pour les droits des musulmans comme des non-Musulmans.

KL : Le Hamas impose-t-il la tenue islamique dans Gaza ? Par exemple, oblige-t-on à Gaza que les femmes portent le hijab, le niqab ou la burqa ?

KM : Non. Intellectuellement, la vision du Hamas vient de la culture et de la religion du peuple. L’Islam est notre religion et il est le constituant de base de notre culture. Nous ne refusons pas à d’autres Palestiniens le droit d’avoir des visions différentes. Nous n’imposons aux gens aucun aspect concernant la religion ou leur conduite sociale. Les aspects de la religion dans la société de Gaza sont sincères et spontanés ; ils n’ont été imposés par aucune autorité autre que la foi et la conviction du croyant.

KL : Il est dit que la division dans le peuple palestinien entre de Cisjordanie et de Gaza et entre le Fatah et le Hamas, qui affaiblit évidemment leur position, est survenue parce que Hamas a pris par la force le contrôle de Gaza. Est-ce vrai et comment expliquez-vous cette division ?

KM : Assurément, la division affaiblit les Palestiniens et nuit à leur cause. Cependant, la division n’est pas le fait du Hamas, mais de l’insistance de certaines parties internationales et régionales à vouloir effacer les résultats de la démocratie palestinienne. Cela les a consternés que Hamas ait été élu par le peuple palestinien.

La division vient de l’existence d’une partie palestinienne qui cherche le soutien de ces mêmes parties régionales et internationales, dont les Etats-Unis et Israël, qui souhaitent voir Hamas mis hors jeu. Peu après sa victoire aux élections de janvier 2006, tout a été fait pour miner la capacité du Hamas à gouverner.

Après que ces efforts aient échoué, le général Keith Dayton de l’armée d’Etats-Unis, qui sert actuellement de coordonnateur de sécurité entre Israël et l’Autorité palestinienne [de Ramallah], avait été expédié à Gaza pour préparer un coup de force contre le gouvernement d’unité nationale conduit par le Hamas et issu de l’accord de la Mecque de 2007. Ce complot a incité le Hamas à Gaza à agir en situation d’autodéfense lors des événements de juin 2007.

Prétendre que le Hamas a effectué un coup de force est sans fondement parce que le Hamas était à la tête d’un gouvernement élu démocratiquement. Tout ce qu’il a fait était d’agir contre ceux qui préparaient un coup contre lui sous la direction et les conseils du général Dayton.

KL : Est-ce que ceux qui ont d’autres vues politiques ou religieuses, comme le Fatah, bénéficient-ils des libertés démocratiques à Gaza ? Quelle est la situation de ceux qui appartiennent au Hamas dans les territoires de la Cisjordanie sous contrôle du Fatah ?

KM : Des factions palestiniennes ont été inspirées par le nationalisme arabe, d’autres par le marxisme ou le léninisme, et d’autres par le libéralisme. Alors que nous sommes persuadés que ces idées sont étrangères à nos peuple et ont échoué à répondre à ses aspirations, nous insistons sur le fait que le peuple est le dernier arbitre sur qui souhaite-t-il voir diriger et sous quel système désire-t-il être régi. Ainsi, la démocratie est notre meilleure option pour diminuer nos divergences internes. Celui que le peuple choisi devra être respecté.

Nous essayons au mieux de notre capacité de protéger les droits de l’homme et les libertés civiles de ceux qui sont affiliés au Fatah et à toutes les autres factions dans la bande de Gaza. En revanche, les Palestiniens en Cisjordanie sous occupation israélienne et sous l’Autorité palestinienne de Ramallah continuent de se voir niés leurs droits fondamentaux.

Le Général Dayton supervise en Cisjordanie une répression sévère et brutale contre le Hamas et d’autres groupes palestiniens. Plus de 1000 prisonniers politiques, dont des étudiants, des professeurs d’Université et des professionnels dans tous les domaines sont pourchassés, détenus et torturés, parfois jusqu’à la mort, par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne commandités et entrâinées par les Etats-Unis, les Britannique et l’Union Européenne.

KL : Croyez- vous possible de regrouper le peuple palestinien ? Si oui, comment pensez-vous que cela puisse être fait et dans quel type de délai ?

KM : Il est possible de réunir les Palestiniens. Afin que cela se produise deux choses sont nécessaires. D’abord, les interventions et les exigences étrangères doivent cesser. Il faut laisser le peuple palestinien traiter ses propres divergences internes sans pression externe. En second lieu, toutes les parties palestiniennes doivent respecter les règles du jeu démocratique et se soumettre aux résultats de son processus.

KL : Le refus du Hamas de reconnaître Israël est fréquemment cité comme obstacle insurmontable aux négociations et à un règlement pacifique.

KM : Cette question est uniquement employée comme prétexte. Israël ne reconnaît pas les droits du peuple palestinien, pourtant ceci n’est pas un obstacle pour qu’Israël soit reconnu au niveau international ou participe à des pourparlers. La réalité est que c’est Israël qui occupe la terre et dispose de la plus grande force. Plutôt que de solliciter les Palestiniens, qui sont les victimes, c’est Israël qui est l’oppresseur qui devrait être invité à reconnaître les droits des Palestiniens.

Dans le passé, Yasser Arafat a reconnu Israël mais a il a peu obtenu [en échange]. Aujourd’hui, Mahmoud Abbas reconnaît Israël, mais nous avons encore à voir les dividendes promis dans le processus de paix.

Israël ne fait de concessions que sous la pression. En l’absence de pression réelle sur Israël par les Arabes ou par la communauté internationale, aucun accord n’aboutira.

KL : Avez-vous une « feuille de route » pour des étapes intérimaires qui pourraient normalement mener à un règlement pacifique du conflit ? Pensez-vous que les juifs, les musulmans et les chrétiens peuvent un jour vivre ensemble et en paix en Terre Sainte ?

KM : Nous, au Hamas, croyons qu’un règlement pacifique réaliste au conflit devra commencer par un accord de cessez-le-feu entre les deux côtés basés sur un plein retrait d’Israël de tous les Territoires Occupés en 1967. L’intransigeance israélienne et le manque de volonté pour agir de la part de la communauté internationale sont ce qui empêche ce règlement. Nous croyons que nous pourrons déterminer le futur du conflit uniquement lorsque notre peuple sera libre et de retour sur sa terre.

Il faut rappeler ici que nous ne résistons pas aux Israéliens parce qu’ils sont juifs. Par principe, nous n’avons pas de problèmes avec les juifs ou les chrétiens, mais avons un problème avec ceux qui nous attaquent et nous oppriment. Durant de nombreux siècles, les chrétiens, les juifs et les musulmans ont coexisté paisiblement dans cette présente partie du monde. Notre société n’a jamais été témoin de ce type de racisme et de génocide contre « l’autre » que l’Europe a hébergé jusque récemment Ces problèmes ont débuté en Europe. Le colonialisme a été imposé à cette région par l’Europe, et lIsraël a été le produit de l’oppression des juifs en Europe et non pas d’un problème en terre musulmane.

KL : Quel rôle pensez-vous que d’autres pays et organismes, en particulier les Etats-Unis, l’Union Européenne et la Grande-Bretagne, jouent actuellement dans le conflit israélo-palestinien et dans les divisions entre les Palestiniens ?

KM : Le rôle joué par tout ceux-ci jusqu’ici a été négatif. L’attitude à l’égard des crimes israéliens contre peuple a été l’objet de silence ou de connivence. Les politiques et les prises de positions adoptées par ces parties ont contribué à la division palestinienne ou l’ont augmentée. D’une part, on énumère des conditions qui ont pour effet de torpiller des discussions sur l’unité et les efforts de réconciliation. D’autre part, certaines de ces parties internationales sont directement impliquées en éliminant nos partisans en Cisjordanie.

Les Etats-Unis et l’Union Européenne fournissent l’argent, la formation et les conseils pour construire un appareil de sécurité palestinien spécialisé dans la persécution de ceux qui sont critiques vis-à-vis de l’autorité palestinienne de Ramallah.

Nous sommes préoccupés en particulier par des informations selon lesquelles le gouvernement britannique, directement aussi bien qu’indirectement et au moyen de firmes privées spécialisées en sécurité et de services de vétérans de l’armée, d’officiers de police et d’agents de renseignements, est totalement impliqué dans le programme conduit par le Général Dayton contre le mouvement Hamas en Cisjordanie.

KL : Que devraient faire les pays tels que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour aider à un règlement pacifique ?

KM : Ils devraient simplement confirmer le droit international – l’occupation est illégale, l’annexion de Jérusalem est illégale, les colonies sont illégales, le mur de ségrégation est illégal, et le siège de Gaza est illégal. Pourtant rien n’est fait.

KL : Quelles relations le Hamas souhaite-t-il avoir avec le reste du monde, et, par exemple, avec la Grande-Bretagne ?

KM : Le Hamas défend une cause juste. À cette fin, il désire s’ouvrir au monde. Notre mouvement cherche à établir de bonnes relations et à mener un dialogue constructif avec le tous ceux concernés par la situation en Palestine.
 

Ken Livingstone est ancien maire de Londres

Traduction : Anne-Marie Goossens et Claude Zurbach

Source: Info Palestine

Photo: Tlaxcala

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