Gaza, Sharon : quels objectifs ?

Le désengagement unilatéral de Gaza par Sharon : quels sont ses objectifs ?

Alors que les Palestiniens s’apprêtent à célébrer vers la fin du mois de septembre le cinquième anniversaire de la deuxième Intifada, déclenchée suite à la visite de Sharon à l’Esplanade des Mosquées, qui ne fut qu’une des causes de ce soulèvement populaire palestinien, étant donné que les années précédant le 28 septembre 2000 n’ont fait que accumuler les causes de cet événement.

Au niveau économique, la situation des Palestiniens s’est détériorée au fil de ces années (augmentation du taux des sans-emplois, chute spectaculaire du revenu par habitant d’après les statistiques officielles).

Le déplacement des Palestiniens à l’intérieur des territoires occupés est devenu à cette époque de plus en plus compliqué, voire extrêmement pénible, à cause du découpage dû à la signature de l’accord du Caire en 1996, qui a morcelé les territoires occupés en trois zones : A, B, C dont le passage était contrôlé par l’armée israélienne grâce à la mise en place du système Check-points.

Pendant que les Palestiniens négociaient la suite des accords d’Oslo, les différents gouvernements israéliens intensifiaient une politique de colonisation en Cisjordanie (presque 40% des logements actuels ont été construits entre 1993 et 2000).

Côté palestinien, la nouvelle autorité représentative installée à partir des accords d’Oslo en territoire palestinien dits autonomes, offrait un spectacle de corruption et d’incompétence politique.

Avant d’en arriver aux objectifs de Sharon par ce désengagement, je pense qu’il est important de formuler quelques remarques :

• la joie exprimée par des milliers de Palestiniens dans les rues de Gaza est compréhensible : la présence des colons et de l’armée dans ces territoires confisquait à la fois leur liberté en tant qu’humain et toute perspective d’un quelconque développement économique. Néanmoins, ils sont conscients que cette victoire, due à leur résistance, est incomplète ;

• nous sommes les témoins d’une campagne médiatique extraordinaire visant à présenter les colons installés en territoire palestinien, de manière illégale, depuis 1967, comme les victimes de l’initiative d’un acte de séparation unilatérale ;

• ces médias tentent de nous faire oublier que 38 ans d’occupation par ces colons ont généré un contrôle tout aussi illégal des terres sur lesquelles ces colonies ont été construites, par une main-mise sur 80% de l’eau palestinienne, des entraves à la libre circulation des habitants de la région, sans citer tous les morts tombés à côté de ces colonies, et particulièrement des enfants ;

• les grands médias qui jouent le jeu de Sharon tentent de nous persuader que le passé est le passé et qu’il faut ouvrir une nouvelle page. Sortir de l’intérieur de Gaza ne veut pas dire pour le gouvernement israélien la fin des liens avec ce territoire. Sharon entend bien garder le contrôle extérieur de la région pour freiner la liberté de mouvement des Palestiniens et ainsi réduire leurs contacts avec le monde extérieur ;

• enfin, mettre à profit l’ambiguïté de la situation dans laquelle se trouve la bande de Gaza, pour exiger des concessions de l’autorité palestinienne lorsque celle-ci se trouvera en position de devoir négocier des arrangements avec les Israéliens.

Que cherche Sharon ?

1. Il cherche à faire passer son plan qui date de 2004 dans le cadre de la « feuille de route ». Pour lui, il s’agit de faire admettre que le futur Etat palestinien ne peut inclure que 42% (bande de Gaza et une partie de la Cisjordanie) des territoires actuellement occupés. Sharon propose que cette solution soit acceptée uniquement comme provisoire de longue durée (de 15 à 20 ans), en attendant les changements qui viendront après. Et c’est là qu’intervient le rôle du mur. Celui-ci doit englober les territoire de la Cisjordanie faisant partie de ce futur Etat palestinien. Fort des promesses de Bush au mois d’avril, on peut dire que Sharon a déjà son verre à moitié plein dans la mesure où le premier affirme solennellement qu’Israël n’a pas à se retirer aux frontières du 4 juin 1967 et qu’il est inimaginable que les réfugiés palestiniens puissent retourner sur leurs terres natales.

2. Améliorer l’image d’Israël en mettant en exergue qu’elle est la seule partie du conflit capable de prendre des initiatives en évacuant les habitants de certaines colonies, même si cela est douloureux sur le plan humain afin d’attirer la compassion sur la scène internationale et nationale, ce qui permet de freiner d’une part la destruction massive des colonies en Cisjordanie et d’autre part, de masquer la nature extrémiste de ces colons qui n’ont aucun regard pour les Palestiniens qu’ils ont chassés de leur terre afin de s’installer à leur place. Il faut dire qu’à ce niveau, les médias jouent parfaitement le jeu, qui tendent à dissocier le malheur des uns de celui des autres et oublient de signaler que les colonies de la bande de Gaza (21 avec presque 8000 colons) ne représentent qu’une infime minorité de l’ensemble des colonies. Si l’on prend en compte qu’en Cisjordanie, hors Jérusalem, il y a 240 000 colons, qu’à Jérusalem même, il s’en trouve 130 000, devant l’appareil médiatique déployé autour du désengagement de Gaza, l’idée de faire accepter l’évacuation de toutes les colonies installées depuis 1967 paraît dès lors impossible.

3. Progresser sur le dossier de normalisation avec le monde arabe. Le ministre des affaires israéliennes ayant déclaré que 10 pays arabes sont disposés à normaliser leurs relations avec Israël (Egypte, Jordanie, Maroc, Tunisie, Mauritanie, Qatar, Arabie saoudite, Koweït, Irak et Oman), Sharon cherche à s’assurer cette normalisation des relations avec les pays arabes tout en maintenant son occupation des territoires palestiniens.

4. Sharon espère du fond de lui-même que les Palestiniens finiront par s’affronter entre eux ce qui lui permettrait de montrer qu’ils ne sont pas aptes à vivre ensemble en maintenant une cohésion et que, par conséquent, ils ne méritent pas d’avoir un Etat à eux, ce qui justifierait la nécessité de l’intervention d’une force étrangère pour gérer la situation interne. C’est pourquoi Israël se doit de rester, après tout, c’est dans l’intérêt des Palestiniens…

5. Neutraliser la démographie palestinienne en bande de Gaza en l’empêchant de remplir son rôle national dans le cadre de la résistance du peuple palestinien à l’occupant. C’est à refaire l’expérience jordanienne où presque deux millions de Palestiniens se trouvant en Jordanie sont absents de presque toute participation au combat national palestinien.

Face à ces objectifs de Sharon, que faire ?

La riposte commence avec le refus clair du plan de Sharon. Ne rien négocier sur les bases de celui-ci, c’est le rôle de l’autorité palestinienne, des pays arabes et de toute la communauté internationale. Continuer le combat contre le mur en nous appuyant sur l’avantage que nous offre le droit international. En ce qui concerne ce point précis, nous avons réalisé une grande victoire. La pression sur Israël doit être maintenue en continuant à exiger que l’Union Européenne et d’autres puissances respectent et fassent respecter l’avis de la Cour internationale de Justice de La Haye rendue en 2004, à savoir la mise en place d’une politique de sanctions à l’égard d’Israël jusqu’à ce qu’il se rende à cet avis.

Dans un deuxième temps, il faut déclarer publiquement et officiellement que la bande de Gaza est toujours, preuves à l’appui, un territoire occupé et le sera toujours tant qu’Israël empêchera les contacts entre les Palestiniens et le monde extérieur (espace aérien, port de Gaza ainsi que le passage entre Rafah et l’Egypte). Les Nations Unies ont l’obligation de déclarer la fin de l’occupation par Israël de la bande de Gaza afin que les Palestiniens redeviennent seuls maîtres de cette région sinon ceux=ci auront toujours le droit de s’opposer à cette nouvelle forme d’occupation.

Enfin, les forces palestiniennes, (Autorité et organisations) doivent renforcer leur dialogue politique inter-palestinien. Ce dialogue doit être responsable et privilégier les intérêts nationaux du peuple palestinien, il s’agit de la démocratisation de la société palestinienne qui passe par une réforme profonde de ses différentes institutions, qu’elles appartiennent à l’autorité palestinienne ou à l’O.L.P. Les élections démocratiques doivent être le seul et unique moyen de régler la question de la représentativité interne d’où émergeront le futur exécutif palestinien. Etant donné que nous sommes toujours en phase de libération nationale, la participation à la prise de décision engageant l’ensemble des Palestiniens dans ce contexte, doit rester collective. Il en va de l’avenir du peuple palestinien. En résumé, il s’agit de la consolidation de leur front interne.

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