Fortis : les contribuables vont-ils sauver les spéculateurs ?

L’Etat belge injecte 4,7 milliards d’euros dans Fortis Banque pour sortir la société de la banqueroute. Est-ce acceptable ?

Notre gouvernement n’avait pas d’argent pour le pouvoir d’achat, il annonce même un trou de 5 milliards d’euros dans les caisses pour le budget 2009.

Pourtant en un week-end, il a trouvé 4,7 milliards d’euros pour sauver les actionnaires de Fortis, comme la famille Lippens, de la faillite.

Or, en dix ans, Fortis a réalisé plus de 27 milliards d'euros de bénéfices et distribué plus de 12 milliards aux grands actionnaires et spéculateurs sous forme de dividende. Ses avoirs totaux ont été multipliés par quatre. Dans cette course à la taille et aux bénéfices, Fortis a racheté (avec Barclays et Santander) ABN-Amro pour 24 milliards d’euros.

Et maintenant que les managers de Fortis ont joué et perdu avec l’argent de millions d’épargnants, l’Etat vient les sauver.

Ceux qui risquent d’être sanctionnés sont les travailleurs : car qui va payer ces milliards de nouvelles dettes de l’Etat ? Va-t-on encore réduire les budgets sociaux pour maintenir les normes européennes de Maastricht? Pourquoi les coupables ne devraient pas payer mais bien les victimes ?

Comment encore avoir confiance dans la fiabilité d’un tel système financier ? Le cours de Fortis a chuté à un des niveaux les plus bas, deux présidents du groupe ont été remerciés en quelques mois. Mais la direction de la firme a prétendu qu'il n'y avait aucun problème, qu'il y avait suffisamment de liquidités et que l'affaire était solvable. Mais, en même temps, dans un certain secret, on a rencontré les ministres concernés et on a cherché un repreneur.

Chaque travailleur doit faire connaître son salaire jusqu’au dernier sou, pourquoi une banque ne devrait pas publier ses comptes chaque mois, et être contrôlé par les autorités publiques ?

Ce que fait le gouvernement, ce n’est pas nationaliser Fortis dans l’intérêt des contribuables. C’est nationaliser les pertes (provisoirement) pour pouvoir rendre ensuite au privé, la firme une fois qu’elle sera bénéficiaire… Devant la crise financière mondiale, alors que Dexia, voire KBC ne sont pas à l’abri, il faut au contraire des mesures sociales et radicales: l’instauration d’un système de banques (et d'assurances) publiques qui éviterait que l'argent des épargnants soit jouée en Bourse ou en produits dérivés.

L’opération « Il faut sauver le soldat Fortis » ne résoudra pas fondamentalement les choses. Car nous ne sommes pas à l’abri de faillites dans les prochains mois. Les sociétés financières tombent comme des mouches. Il n'y a déjà plus que deux banques d'investissement indépendantes aux USA, alors qu'il y en avait encore cinq il y un an. Et en cinq jours, la situation d'une firme financière peut passer du beau fixe inquiétant à la catastrophe. En outre, toutes ces sociétés se prêtent les unes aux autres. Donc il y a un effet domino: la chute de l'un peut entraîner celle des autres. De ce point de vue, la situation est électrique.

Dans ces conditions, les petits épargnants doivent être réellement protégés. La Belgique a adopté la position minimale en terme de garanties des déposants, soit 20.000 euros par personne. Il y a un Fonds de soutien, qui dispose en tout et pour tout de 765 millions d'euros, de quoi indemniser 38.000 personnes à 20.000 euros… Pourquoi ne pas instaurer un impôt de crise sur les hauts revenus pour refinancer réellement le Fonds de garantie ?

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