Féministes contre la loi sur le voile intégral

Les plus hautes autorités de l’Etat ont fait le choix de jeter à la vindicte publique des catégories entières de population : Roms et Gens du voyage accusés comme les étrangers d’être des fauteurs de troubles, Français d’origine étrangère sur lesquels pèserait la menace d’être déchus de leur nationalité, parents d’enfants délinquants, etc”. C’est par ces mots que commence la pétition lancée par la Ligue des droits humains contre le xénophobie d’Etat. Plusieurs individus et groupe féministes ont à coeur de rappeler que, dans cet “etc”, figurent aussi des femmes, discriminées en raison de leurs pratiques vestimentaires et croyances religieuses : il s’agit des femmes portant le voile intégral et que la loi, votée à l’Assemblée et examinée au Sénat le 13 septembre, entend exclure de l’espace public si elles ne se résolvent pas à adopter une tenue plus conforme aux normes occidentales. Nous republions ici le communiqué des TumulTueuses, qui revient sur les ressorts de cette loi, et propose, en réponse aux députés, quelques mesures très simples, et véritablement féministes.


Nous sommes féministes, et nos revendications sont nombreuses. En aucune manière, toutefois, l’égalité réelle entre les hommes et les femmes pour laquelle nous nous battons ne saurait passer par des mesures :

 

- punissant les femmes en les excluant de l’espace public ;

- réduisant le sexisme au monde musulman ;

- et laissant se perpétuer, notamment dans cet espace public, le lot de violences subies par des millions de femmes, quotidiennement, et dans toutes les couches de la société française.

C’est pourquoi nous sommes résolument hostiles à une loi qui interdirait le port du voile intégral en public sous peine d’une amende et/ou d’un stage dit de citoyenneté.

Nous dénonçons la malhonnêteté de ses initiateurs. Le gouvernement ne cherche qu’à poursuivre par des moyens détournés le débat nauséabond sur l’identité nationale. Nous refusons qu’il aille puiser dans les principes féministes la légitimité qui lui a toujours manqué pour exclure de la citoyenneté tous les individus considérés comme trop « différents ».

Nous ne croyons pas un instant que le gouvernement cherche ainsi à faire avancer la cause des femmes. Et nous refusons qu’on nous brandisse, sans aucune évaluation sérieuse, la menace de l’ « islamisme » dans nos « quartiers » pour nous faire taire, et nous rallier à des manœuvres racistes et liberticides. Que le gouvernement soit prêt à passer outre toutes les mises en garde du Conseil d’Etat sur le caractère anticonstitutionnel de la loi en dit long sur son respect du droit, et rend bien peu crédible sa défense d’une République prétendument assiégée par les « fanatiques ».

Voilà ce que nous avons à dire, nous, féministes, sur le voile intégral. Qu’il s’agisse du niqab, de la mini-jupe ou des talons aiguilles, quels que soient les conditionnements sociaux qui poussent des femmes à les porter, nous estimons que ce n’est pas par l’interdiction qu’on y met fin. Nous ne condamnons, ni ne défendons aucune tenue vestimentaire en soi : nous nous battons pour le droit élémentaire, en démocratie, des individu-e-s à évoluer et à s’habiller comme ils/elles le veulent dans l’espace public. Nous refusons que des hommes, qu’ils soient musulmans, catholiques ou athées, parlementaires ou simples citoyens, intellectuels ou ouvriers, contrôlent nos corps et notre liberté de mouvement, nous obligent à le montrer ou le cacher, nous dictent la juste mesure de ce que nous devrions rendre visible.

Nous invitons les initiateurs de cette loi à s’intéresser aux milliers de licenciements en cette période de crise économique, aux dizaines de suicides à Orange, aux millions de précaires que génère l’impitoyable système financier qui gouverne nos vies. Sans parler, alors qu’on se focalise sur les 367 femmes portant, selon les Renseignements généraux, le voile intégral, des 48 000 viols par an, des 156 femmes décédées sous les coups de leur conjoint en 2008 etc…

Plutôt que d’assigner des femmes à résidence en prétendant les « libérer », nous suggérons à nos parlementaires de prendre quelques mesures immédiates :

- la création d’une commission parlementaire sur la diffusion de valeurs anti-féministes par les magazines, la publicité et l’industrie des produits de beauté ;

- l’obligation pour chaque candidat-e aux élections de fournir un certificat de féminisme ;

- la mise en place de cours de citoyenneté à destination des personnes condamnées pour des actes ou propos racistes, sexistes et homophobes, et non pas des femmes qui les subissent.

 

 

les mots sont importants

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