Chroniques de la nouvelle guerre froide

Comme pour des raisons d’affaiblissement politique financier, il est impraticable de menacer ouvertement et militairement les deux adversaires stratégiques : la Russie et la Chine. Le « danger »  iranien, démesurément grossi  et qui n’existe pas en tant que menace militaire, permet de continuer à alimenter l’activité impérialiste du couple américano-sioniste ( certains l’appellent « l‘Orchestre Noir ») et à maintenir les dépenses militaires au niveau très élevé où l’a laissé l’administration Bush. L’été 2009 a confirmé cet axe de la politique extérieure de l’administration Obama.

 

Premier acte : L’élection présidentielle iranienne

La campagne médiatique mondiale contre la réélection d’Ahmadinejad  à la Présidence de la Ré »publique islamique d’Iran avec fort grossissement électronique des manifestations a été suivie d’aveux d’Hillary Clinton reconnaissant une forte implication des Etats-Unis dans les activités de l’opposition iranienne. L’opération a fait long feu, Ahmadinejad à peine réélu a été accueilli chaleureusement au sommet de l’organisation de coopération  de Shangai tenu à Ekaterinenbourg en Russie et les richissimes ayatollahs affairistes et pro-occidentaux conduits par Rafsandjani sont, après quelques contorsions,  rentrés dans le rang en attendant peut-être des jours meilleurs.

Deuxième acte : l’Artic Sea

Le coup tordu monté par des services secrets étrangers (israéliens ?  Ukrainiens ?) avec des complicités chez leurs homologues russes qui ne sont pas encore complètement guéris de la folle période (1991-2000) où des pans entiers de ces services s’étaient mis à  leur compte et se préoccupaient plus de remplir leurs comptes dans diverses oasis fiscales que de défendre leur pays, était destiné à faire croire que l’Iran allait recevoir clandestinement des missiles russes pour donner une ultime justification à l’attaque militaire contre ce pays que l’actuel gouvernement israélien comme le précédent trépigne d’impatience de lancer.

Un rapide regard sur une carte suffit à montrer le ridicule de cette hypothèse.
Cacher des missiles sous une cargaison de bois chargée en Finlande et destinée officiellement à l’Algérie  et ensuite prolonger le voyage vers un port iranien du Golfe Persique est une idée vraiment saugrenue. Si la Russie veut livrer des missiles à l’Iran il lui suffit de traverser la mer Caspienne , mer fermée où ne pénètre aucun navire de guerre ni des Etats-Unis, ni de l’OTAN ni  aucun sous-marin israélien alors que faire livrer ce matériel dans un port de la côte iranienne du Golfe Persique consiste à faire passer un navire d’abord dans le Golfe d’Aden où la chasse aux pirates mobilise toutes les marines du monde (OTAN, Russie, Inde, Chine) et ensuite dans le Golfe Persique mer sous haute surveillance truffée de navires « ennemis » dans la mer la plus militarisée du monde.
L’opération a fait chou blanc puisque c’est la marine russe qui a récupéré, au nez et à la barbe de toutes les flottes de l’OTAN, sur et sous l’eau, l’Artic Sea , sa cargaison et son ou ses équipages. (Cette question du ou des équipages est encore obscure mais tous ces personnages sont entre les mains des procureurs russes). Le navire a été pris en remorque et arrivera sous peu dans le port russe de Novorossiysk sur la Mer Noire.
Le plan de « l’orchestre noir »  était de faire capturer l’Artic Sea par les flottes de l’OTAN et de présenter au monde éberlué des images bidonnées de faux missiles russes sous la cargaison de bois. La Russie se serait retrouvée en position d’accusé, de complice de l’Iran et le bombardement de l’Iran aurait trouvé une nouvelle justification.  Le coup, s’il avait réussi, était de l’ampleur du mensonge sur les « armes de destruction massive » irakiennes.
La rencontre officieuse entre Netanhyaou qui s’est précipité à Moscou après la capture du navire et Poutine (bien que la partie russe ait refusé de confirmer cette visite éclair du premier ministre israélien) n’a pas du manquer de piquant.

Troisième acte : La nouvelle donne stratégique

Ces deux loupés magistraux n’ont pas empêché, voire même ont accéléré  la nouvelle opération anti-iranienne du couple USA-ISRAEL  qui vient de débuter. Il s’agit de l’annonce par Obama et par le secrétaire à l’Attaque  (appelé aux Etats-Unis secrétaire à la Défense)  Robert Gates de la nouvelle politique anti-missiles des USA. Elle comporte deux volets :
–    Premier volet : annonce de l’abandon du projet de bouclier anti-missile qui devait être installé en Pologne et en République tchèque. Cette annonce satisfera ceux qui, dans ces deux pays, se sont mobilisés contre cette installation et qui méritent un coup de chapeau. Elle satisfera aussi ceux qui, dans l’appareil militaro-industriel US doutaient de la faisabilité et de la fiabilité de ce bouclier. Enfin elle permettra à l’appareil de propagande US de faire croire qu’Obama est moins belliciste que Bush.
–    Second volet : l’annonce du remplacement du bouclier anti-missiles statique au sol par un dispositif de missiles anti-missiles SM3 embarqués sur des destroyers de la classe Aegis qui pourraient donc s’approcher au plus prés des objectifs iraniens et au moins, comme l’a indiqué Gates, en Méditerranée Orientale , c’est-à-dire au large des côtes de la Syrie, du Liban et d’Israël, dés 2011.  De quoi panser les plaies moscovites de Netanyahou!
Les premières réactions russes sont mitigées. Satisfaction d’un côté puisque la Russie a passé son temps depuis l’annonce du projet de bouclier à dire que si l’Iran était l’ennemi visé, comme l’affirmaient et continuent de l’affirmer politiques et militaires US, Obama en tête, elle comprenait mal pourquoi le bouclier était installé le long de la frontière russe bien loin de l’Iran. Méfiance de l’autre car si les destroyers Aegis peuvent circuler en Méditerranée ils pourraient aussi le faire au large des côtes russes de la Mer Noire et Gates laisse entendre que dans une phase ultérieure les missiles SM3 pourraient être installés au sol en Europe.

La rhétorique d’Obama fait de plus en plus penser à celle du Prince Silani  dans le  roman « Le Guépard » où il explique comment doivent agir les conservateurs pour se maintenir au pouvoir : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ».

Source: Contre la guerre, comprendre et agir (n°211)

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