Analyse d'un édito de Guetta, journaliste sans mémoire (France-Inter)

LE DOCUMENT DE BERNARD GUETTA

France Inter le 4 janvier 2007 à 8h16

"lI y a un point, le seul, sur lequel les grandes puissances s'accordent aujourd'hui.

Toutes considèrent que, dans le chaos croissant du Proche-Orient , il n'y aurait pas de plus grande urgence que de parvenir à relancer un processus de paix israélo-palestinien afin de circonscrire la crise irakienne.

Georges Bush lui-même, à la mi-décembre, a encouragé Tony Blair à tenter de faire bouger les choses mais y a-t-il le moindre espoir que quiconque y parvienne cette année ?

A priori, la réponse est non. Rien ou presque ne le laisse croire et cela pour trois raisons.

La première est que les Palestiniens n'en finissent plus de s'entredéchirer entre, d'un côté, leur Président, Mahmoud Abbas, qui voudrait parvenir à un accord avec Israël mais a peu de pouvoir, et, de l'autre, les islamistes du Hamas, aux commandes gouvernementales mais toujours résolument hostiles à une reconnaissance d'Israël.

Israël, en deuxième lieu, est gouverné par un Premier ministre affaibli par l'échec de la guerre du Liban, éclaboussé par des affaires de corruption et qui réunit contre lui deux tiers de mécontents. La marge de manœuvre d'Ehud Olmert en est d'autant plus réduite que les Israéliens constatent, chaque jour, que l'évacuation de Gaza a fait de ce territoire une rampe de lancement d'obus sur leurs agglomérations les plus proches.

Et puis, enfin, le dernier mot revient immanquablement aux plus radicaux des islamistes car, chaque fois qu'un élément de détente pourrait intervenir, ils s'arrangent pour tuer l'espoir comme ils l'avaient fait, au début de l'été, avec les enlèvements de soldats israéliens. "

Bernard Guetta

ANALYSE :

1 – " Le chaos croissant du Proche-Orient " .

"II y a un point, le seul, sur lequel les grandes puissances s'accordent aujourd'hui. Toutes considèrent que, dans le chaos croissant du Proche-Orient il n'y aurait pas de plus grande urgence que de parvenir à relancer un processus de paix israélo-palestinien afin de circonscrire la crise irakienne." (Bernard Guetta)

Il convient de constater que le chaos qui règne dans la région – en Palestine et au Liban – semble chu de la galaxie ou surgir au titre d'une entité théologique dépourvue de cause . Comme la suite du discours cible plus précisément la Palestine on devine que, dans l' esprit du chroniqueur, il sera question de la situation intérieure des Palestiniens et du conflit qui oppose le Hamas , victorieux aux dernières élections législative, et le Fatah , qui ne parvient pas à digérer sa défaite et les conséquences financières qui vont avec.

M. Guetta se garde d'évoquer la responsabilité de la féroce occupation israélienne, de l'extension continue des colonies et de la guerre persévérante menée déjà depuis des décennies par Barak et Sharon contre l'OLP d'Arafat. Olmert a simplement pris la relève.

Qui a oublié l'holocauste de la vaillante Jenine, les ruines de Ramallah, le siège du Raïs dans son quartier général, les tanks et les bulldozers éventrant les pistes de l'aéroport et les quais du port construits à grands frais avec l'argent des contribuables européens, la soldatesque israélienne se répandant dans les bâtiments des ministères de l'embryon de gouvernement palestinien et détruisant méthodiquement tout ce qu'elle ne pouvait pas piller? Les fichiers, les listes, les dossiers des ministères, des administrations, tout a été piétiné, ravagé . Et naturellement, le casseur n'est jamais le payeur.

Faut-il croire qu'au-delà de quinze jours, les journalistes n'ont plus de mémoire?

Rien non plus sur les récentes élections démocratiques qui ont porté le Hamas au pouvoir, précisément parce que les Palestiniens se sont rendus compte de la vanité des concessions d'Arafat d'abord, de Mahmoud Abbas ensuite, de la gabegie et de la corruption , du clientélisme du parti au pouvoir , accentués par la désorganisation de tous les services de leur embryon d'Etat.

Ces innocents ne se sont-ils pas avisés de prendre au pied de la lettre les injections occidentales à voter librement? N'auraient-ils pas dû savoir qu'ils jouaient en réalité à une sorte de jeu de l'oie, que les dés étaient pipés et que la case " victoire du Hamas " faisait d'eux des parias, des pestiférés et les précipitait dans la case prison ou dans le puits de la famine? Ces naïfs ne savaient pas qu'un seul portillon leur était ouvert . Ils n'avaient pas compris que les maîtres du monde sont aussi les maîtres du vocabulaire.

Punir toute une population d'avoir choisi librement des représentants qui déplaisent à l'occupant et à son allié américain, en la condamnant à la famine, c'est en effet un chaos qui devrait faire mourir de honte tous les démocrates du monde dignes de ce nom.

C'est même le déni absolu de la démocratie. Les nombreux observateurs présents sur place avaient tous salué la régularité du scrutin . La "civilisation occidentale" – comme aiment à se qualifier l'occupant et ses alliés – s'est tiré une balle dans le pied . La blessure est si profonde qu'une gangrène mortelle est en train de monter en tapinois dans le corps tout entier .

Le soutien à la politique du marteau-pilon israélien conduit donc à rien moins qu'à la ruine de la civilisation occidentale par la négation des valeurs sur lesquelles elle repose et qu'elle est censée promouvoir.

Malgré cette infamie, "le canard est toujours vivant…" . (Référence au célèbre sketch de Robert Lamoureux )

2 – La colonie pénitentiaire

La monstrueuse machine décrite par Kafka dans La Colonie pénitentiaire a été mise en marche par les tortionnaires des USA, de l'Union européenne mollassonne , invertébrée et suiveuse, des Etats arabes indifférents. Le principal responsable, Israël, la fameuse "seule démocratie de la région" officie aux manettes de la machine.

Les roues dentées de la herse de la démocratie pénitentiaire ont été huilées par les bourreaux et ses aiguilles, aiguisées et ajustées à la profondeur de la pénétration ont commencé leur patient travail . Chaque jour elles s'enfoncent un peu plus dans la chair des Palestiniens . Elles triturent et torturent les corps, mais l'objectif est d'atteindre le cerveau afin de vaincre le siège de la résistance.

Le monde entier est au balcon. Il assiste , à peine gêné, à cette torture de tout un peuple. Il évalue l'état du torturé, la profondeur des blessures , la quantité de sang qu'il a perdu et attend le moment où , comme l'écrit le génial Kafka "l'esprit le plus stupide s'ouvre alors . Cela commence autour des yeux, puis rayonne et s'étend" .

Et voilà pourquoi Israël et ses acolytes, les tortionnaires américains et européens, attendent que les Palestiniens "déchiffrent avec leurs plaies" les mots S O U M I S S I O N et C A P I T U L A T I O N que la machine grave dans leur chair en lettres de sang.

Mais Kafka a également prévu que la machine finit par se détraquer et c'est dans le front des tortionnaires que se plantera la pointe de la grande aiguille de fer .

Résistant vaillamment à la torture de la famine… "le canard est toujours vivant…"

3 – Le blocus financier

Parmi les causes du " chaos ", outre le chantage des Européens et des Américains , M. Guetta ne s'avise pas d'évoquer, même à demi mot, le blocus économique et financier d'Israël qui empêche les Palestiniens d'exporter leurs propres productions afin de tenter de s'assumer eux-mêmes économiquement . Car Gaza est une gigantesque cage et la Cisjordanie le royaume du Père Ubu par le nombre des interdits qui emprisonnent et empoisonnent la vie quotidienne des Palestiniens .

Le journaliste se garde également de faire allusion aux taxes et aux droits de douane que l'occupant retient illégalement et sur lesquelles, je suppose, il perçoit des intérêts dont personne n'imagine qu'il en fera bénéficier les propriétaires du capital. Qui contrôle les sommes qu'il perçoit au nom des Palestiniens ?

Il ne vient pas non plus à l'esprit de cet éditorialiste de se demander pourquoi aucune banque au monde n'accepte les fonds des Etats arabes sensibilisés à la détresse des Palestiniens et pourquoi les dirigeants du Hamas sont obligés , s'ils veulent alléger la souffrance de leurs administrés , de ramener de l'étranger des valises de billets de banque.

S'il était un esprit curieux, il s'informerait de la composition et le statut des grandes institutions financières mondiales – la FED, le FMI , la BERD – et il s'apercevrait que ce sont des organismes privés gérés par de grands trusts financiers et qu'elles sont entre les mains de :

Rothschild Banks of London and Berlin

Lazard Brothers Bank of Paris

Israel Moses Sieff Banks of Italy

Warburg Bank of Hamburg and Amsterdam

Lehman Brothers Bank of New York

Kuhn Loeb Bank of New York Chase

Manhattan Bank of New York

Goldman Sachs Bank of New York

Ainsi, M. Guetta comprendrait , au simple énoncé du nom de cess banques, par quel jeu de quilles des solidarités le blocus financier des Palestiniens est aussi hermétique .

Je ne rappelle que pour mémoire le terrible chaos provoqué par la destruction volontaire et malveillante de la seule centrale électrique de Gaza payée par l'Union européenne et des réseaux d'eau potable et d'assainissement. Pas d'eau, pas d'électricité , pas de réfrigérateur, pas de ventilateur quand la température flirte pendant des semaines avec les 40°, voilà en effet un chaos volontairement institué par l'occupant qui devrait soulever d'indignation tous les hommes de cœur.

L'Europe paie, construit et Israël, moins vache sacrée que taureau furieux, passe derière , détruit tout et personne n'y trouve à redire. Le même scénario s'est répété au Liban. Et ensuite une quête internationale est organisée, sous l'appellation pompeuse de Paris I, Paris II, Paris III… pour "aider" à la "reconstruction" des régions "dévastées". Comme personne ne s'avise de désigner le coupable et de lui demander des comptes, les "généreux donateurs" finissent par donner l'impression qu'il s'agissait de remédier aux conséquences d'une catastrophe météorologique. A quand un Paris IV, Paris V……Paris X…?

Ensuite un journaliste, la main sur le coeur, distille subtilement ses lamentations accusatoires et sa réprobation , non pas contre les responsables de la chienlit, mais contre les victimes, les Palestiniens, ces terroristes, ces fauteurs de désordre, incapables de se gouverner.

L'auditeur ainsi conditionné boira comme du petit lait la sempiternelle lamentation que les Israéliens répètent comme un leitmotiv depuis des années: " Nous n'avons pas de partenaire pour la paix " .

Rien n'y fait. Malgré le blocus financier… "le canard est toujours vivant…"

4 – Passons du "chaos" au "processus de paix" israélo-palestinien

"lI y a un point, le seul, sur lequel les grandes puissances s'accordent aujourd'hui. Toutes considèrent que, dans le chaos croissant du Proche-Orient il n'y aurait pas de plus grande urgence que de parvenir à relancer un processus de paix israélo-palestinien afin de circonscrire la crise irakienne." (Bernard Guetta)

Ne croirait-on pas qu'il s'agit de deux Etats d'un statut équivalent et qui auraient à faire des concessions réciproques en vue de l'établissement d'une convention raisonnable ?

Ah ! le beau " processus " ! M. Guetta a dû avoir des distractions et manquer les épisodes " Opération premières pluies " suivie de l'" Opération pluies d'été " à laquelle a succédé la non moins romantique " Opération nuages d'automne " . Le vocabulaire interpelle: sachant que les Palestiniens manquent d'eau, ces "pluies" de bombes et ces "nuages" menaçants constituent une dérision cynique. Le poids des mots, le choc des missiles.

A chaque fois, ces " pluies " de plus en plus virulentes, virant à l'orage et même à une tempête de missiles, de bombes tirées à partir de F-16, de drones ou de chars se sont abattues sur la bande de Gaza avant et après que les mêmes " pluies d'été " particulièrement féroces aient ravagé le Liban et laissé sur le carreau des centaines de cadavres .

Pendant que le monde avait les yeux braqués sur le Liban, Tsahal a passé sa rage sur les Palestiniens et s'est vengée sur un peuple désarmé de la déroute honteuse que lui a infligée la poignée de combattants du Hezbollah. Les incursions de colonnes de tanks et d'une soldatesque déchaînée ont conduit à de véritables tueries , notamment de femmes et d'enfants.

Là encore, M. Guetta a déjà oublié les pilonnages nocturnes de maisons de civils à Beit Hanoun et l'épisode glorieux des vaillants soldats de la si " morale " Tsahal ouvrant courageusement le feu à bout portant sur un groupe de femmes désarmées. Je rappelle pour mémoire l'utilisation d'armes expérimentales provoquant des blessures particulièrement atroces .

Pour un " chaos ", ce fut un splendide " chaos " et il se déroula dans l'indifférence universelle , tant de la majorité des Israéliens, qui détournent pieusement la tête , contemplent leur ciel ou leurs chaussures et se gargarisent d'être la " seule démocratie de la région ". Ils savaient et n'ont rien dit. Cela ne nous rappelle-t-il pas quelque chose ?

Que dire de l'indifférence des Etats arabes tout tremblants devant l'empereur Picrochole, protecteur et complice d'Israël, mais qui les nourrit , et des petits cris discrets d'une Union européenne paralysée par sa soumission à l'Amérique et par les lobbies pro-israéliens, qui n'a commencé à augmenter les décibels de ses gémissements qu'au moment où les cadavres pantelants des civils libanais ont envahi les écrans et lui ont sauté à la figure.

Mais les cadavres palestiniens n'émeuvent plus personne. Le blocus du camp de concentration de Gaza est tel que les images ont été rares. Les punitions collectives sauvages et le génocide larvé ont donc pu se dérouler tranquillement à l'abri des regards et quasiment à huis-clos.

Les bombes, les missiles ne sont pas parvenus à l'exterminer et … "le canard est toujours vivant…"

5 – Faire bouger les choses

"Georges Bush lui-même, à la mi-décembre, a encouragé Tony Blair à tenter de faire bouger les choses". (Bernard Guetta)

On ne peut nier qu'Israël s'applique à " faire bouger les choses " . En laissant son armée faire des cartons sur les femmes, les enfants, les vieillards, les cortèges funèbres qui se succèdent en Palestine à un rythme accéléré entre deux bombardements de missiles ou d'incursions de tanks, créent en effet, beaucoup de mouvement et déplacent de foules considérables.

Le mouvement n'épargne d'ailleurs pas les maisons que les bulldozers de l'armée s'appliquent à faire passer de l'état vertical à celui de tas de gravas.

Là encore, le journaliste a la mémoire courte. Il a oublié l'extravagante comédie offerte à la planète par les quelque huit mille colons qui squattaient les meilleures terres du misérable territoire de Gaza surpeuplé et dont la gloutonnerie a quasiment épuisé les nappes phréatiques si bien que les Gazaouis sont condamnés à utiliser une eau saumâtre polluée par les infiltrations d'eau salée.

Les larmes, les gémissements de colons se débattant , hurlant des accusations de déportation, faisant référence à l'holocauste, à la shoah, au génocide, à Auschwitz, à Hitler et tutti quanti, ont accablé nos écrans pendant des semaines. Même l'avocat engagé volontaire dans la police des Checkpoints, Arno Klarsfeld, avait trouvé ces lamentations indécentes!

C'est, en effet, bien douloureux de devoir rendre ce qu'on a chapardé ! Mais des colons de ce tonneau et de cette mentalité, c'est cinquante fois plus qu'il faudrait faire partir de Cisjordanie pour donner une chance à un Etat palestinien viable . Quel est l'esprit politique assez délirant ou assez déconnecté de la réalité anthropologique et politique pour imaginer que c'est faisable ou seulement envisageable ?

Malgré la destruction de son toit… "le canard est toujours vivant…"

6 – Une rampe de lancement d'obus

"La marge de manœuvre d'Ehud Olmert en est d'autant plus réduite que les Israéliens constatent, chaque jour, que l'évacuation de Gaza a fait de ce territoire une rampe de lancement d'obus sur leurs agglomérations les plus proches." (Bernard Guetta)

" Une rampe de lancement ", mazette !

C'est vrai que pour survivre dans les conditions infernales qui sont les leurs, il faut aux Palestiniens une dose de débrouillardise et de résistance peu communes. Mais qui aurait imaginé qu'ils auraient poussé le génie jusqu'à avoir été capables d'installer une " rampe de lancement ", autant dire un mini cap Canaveral, au nez et à la barbe des satellites-espions de l'occupant, de ses avions-espions , de ses drones-espions qui ronronnent nuit et jour dans leur ciel , de ses innombrables espions infiltrés et déguisés en Palestiniens et des espions palestiniens qu'il a achetés, comme il en existe, hélas , toujours? Ils seraient vraiment forts, ces Palestiniens, comme dirait notre Astérix national !

Certes, les Palestiniens utilisent quelques pétoires artisanales appelées Qassam impossibles à guider. Mme Leila Shahid , qui n'approuve pas l'utilisation de ces armes , inefficaces militairement et nuisibles politiquement , expliquait qu'elles étaient bricolées à partir de matériaux de récupération et notamment avec de vieux tuyaux de salle de bain. Est-il impossible à un esprit normalement constitué de comprendre qu'à moins de devenir les légumes décrits par Kafka dans sa "colonie pénitentiaire" , les pilonnages et les assassinats de "Tsahal" poussent logiquement les hommes à la résistance et à la révolte? L'armée d'occupation, par ses dévastations est donc la cause de ces tirs et le principal fournisseur d'un matériau inépuisable à la fabrication de ces pétoires.

Ces réactions prouvent que les Palestiniens continuent d'appartenir à l'humanité et que l'action de la machine pénitentiaire n'a pas encore atteint le cerveau et provoqué l'hébétude de la soumission heureuse des bovidés.

Ces résistants courageux se trouvent face à la plus forte armée de la région .

163 500 hommes ,425 000 réserviste et 8000 garde-frontières.

3 930 chars lourds, les fameux Merkava

855 canons automoteurs (calibre 155 et plus)

520 canons tractés (calibre 105 et plus)

198 lance-roquettes (calibre 122 mm et plus)

770 mortiers de 120 mm et plus,

1300 missiles ( Stinger, Redeye et Chaparral).

La marine israélienne aligne trois sous-marins et 47 bâtiments.

L'aviation israélienne dispose de 446 avions de combat et 250 en réserves dont 98 F-15 et 237 F-16 et 133 hélicoptères, sans compter les drones et les avions espions.

On connaît la recette du célèbre pâté d'alouette, où, comme chacun sait, on mélange les ingrédients par moitié, c'est-à-dire un cheval pour une alouette. Dans le pâté d' alouette appelé " processus de paix israélo-palestinien " nous retrouvons les mêmes proportions : un cheval israélien face à une alouette palestinienne .

Refusant de capituler…. "le canard est toujours vivant…"

6 – Les déchirements inter-palestiniens

"les Palestiniens n'en finissent plus de s'entredéchirer entre, d'un côté, leur Président, Mahmoud Abbas, qui voudrait parvenir à un accord avec Israël mais a peu de pouvoir, et, de l'autre, les islamistes du Hamas, aux commandes gouvernementales." (Bernard Guetta)

Il est vrai que si Mahmoud Abbas voulait offrir à ses adversaires des verges pour se faire battre, il n'agirait pas autrement qu'il ne fait . Ces derniers jours, il semble avoir retrouvé un peu de fermeté, de bon sens et de dignité puisqu'il a refusé la carotte de " frontières provisoires " que brandissait Mme Rice, reprenant les principales propositions du plan de la Ministre des Affaires étrangères, Tsippi Livni – mais combien de temps durera sa fermeté ?

Il a peut-être compris que ce " provisoire "-là avait toutes les chances de devenir éternel et constituait une toute petite carotte sans lendemain.

Mais ses rencontres officielles avec une Condoleezza Rice rayonnante et le berçant de promesses de " mesures pour reconstruire la confiance " en vue d'un " état viable " et surtout sa rencontre du 24 décembre avec Ehud Olmert et les embrassades auxquelles elle a donné lieu ont rappelé à ceux qui ont encore une mémoire historique la rencontre du Maréchal Pétain et d'Adolf Hitler à Montoire. Il y a des télescopages ravageurs.

voir La collaboration consensuelle

Naturellement , aucune des promesses claironnées par le Premier Ministre Ehud Olmert en vue " d'aider Abou Mazen" (Mahmoud Abbas), n'a été tenue . Les restrictions liées aux check points en Cisjordanie ont été allégées d'une manière si homéopathique que personne ne s'en est aperçu et dans certaines zones, l'armée a même ajouté des check points mobiles.

La densité de ces points de contrôle en Cisjordanie et le sadisme des soldats qui les contrôlent font des banthoustans palestiniens soumis au bon plaisir d'une soldatesque souvent cruelle et d'une population de colons racistes, de gigantesques camps de concentration soumis à un strict apartheid.

Quant au territoire de Gaza, c'est le blocus complet . Une seule porte ouvre ce gigantesque pénitencier sur le monde et son ouverture, intermittente, dépend du caprice des forces d'occupation.

Etouffé, enfermé … "le canard est toujours vivant…"

Aucun prisonnier n'a été libéré.

En revanche, afin d'attiser la jalousie, la division, la haine et la guerre civile entre les groupes et les partis et reproduire dans la société palestinienne ce que l'Amérique a si bien réussi en Irak et qu'elle tente de mettre en place au Liban, Mme Condoleezza Rice a généreusement offert la coquette somme de 86,4 millions de dollars au parti de Mahmoud Abbas. Le but de cette généreuse obole n'est évidemment pas de soulager les souffrances de la population mais de " renforcer les forces de sécurité " du Président de l'autorité Palestinienne .

Devinette : contre qui " renforcer" Abbas ?

Les Usa lui ont même fait livrer directement, via l'Egypte pour Gaza et via la Jordanie en direction des banthoustans de Cisjordanie, des milliers de fusils, de munitions et d'armes diverses et les Israéliens ont largement ouvert les portes de la prison afin que cette cargaison pénètre commodément. Grâce à cette généreuse offrande, les " modérés " du Fatah sous le commandement du Président Abu Mazen et du " charismatique Mohammed Dahlan " pourront dorénavant tuer les " extémistes " du Hamas pour le compte de leurs bailleurs de fonds, pendant qu'Israël et les USA , aux premières loges, compteront les points et les cadavres .

De plus, la puisssance occupante a décidé de reverser aux occupés une obole de 100 millions de dollars sur les sommes qu'elle retient indûment , non pas au gouvernement légal issu des urnes, mais au Président du parti adverse afin que celui-ci puisse distribuer quelque argent aux Palestiniens – mais à ses partisans uniquement.

Amener l'ennemi à s'auto détruire, c'est le dernier stade du cynisme d'un occupant, la manœuvre ultime de l'émiettement tentée par le duo infernal Olmert-Rice face à laquelle Mahmoud Abbas s'était momentanément ressaisi . La nouvelle stratégie de la Maison Blanche et de Tel Aviv n'est donc pas difficile à décrypter : elle vise à créer, comme en Irak une guerre civile et à se lamenter ensuite de " l'augmentation du chaos parmi les Palestiniens ", comme l'écrivait notre chroniqueur, pour finir par dénoncer " l'incapacité de gouverner du Hamas".

Il semble, malheureusement, que les Palestiniens soient en train de tomber dans le piège. La fatalité des éternels Laval et des éternels Pétain serait-elle en train de se mettre en place ?

(Voir Discours du Président de l'autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, à la suite de son annonce de la tenue de nouvelles élections législatives et présidentielles dans les territoires palestiniens sous occupation israélienne)

Là, le canard est devenu très triste, son compagnon de misère va-t-il céder au chant des sirènes de la collaboration ? Mais le pire n'est pas sûr. Pour l'instant … "le canard est toujours vivant…"

7 – L'espoir ? Quel espoir?

"les islamistes s'arrangent pour tuer l'espoir comme ils l'avaient fait, au début de l'été, avec les enlèvements de soldats israéliens.

Parler d'espoir alors qu'il faudrait l'échelle de Jacob pour arriver au sommet du mur monstrueux qui continue inexorablement de zébrer la campagne palestinienne de sa hideuse balafre, relève de la dérision . Condamné par tous les organismes internationaux le tracé du mur en Cisjordanie a , comme beaucoup de personnes l'ignorent, été vicieusement planifié afin d'intégrer les ressources en eau palestiniennes à l'intérieur des frontières israéliennes .

Le blocus pour affamer les Palestiniens et le mur pour les assoiffer et faire dépérir leur agriculture.

8 – Le poids des mots

Ce journaliste oublie d'ajouter que ce même gouvernement, pieds et poings liés par le blocus de l'occupant, a vu la moitié de ses ministres et une centaine de députés et d'élus enlevés la nuit dans leurs maisons, donc au sens propre du mot cette fois, et même kidnappés, et enfermés sans jugement dans les geôles israéliennes

Depuis quand un soldat en campagne est-il " enlevé ", pour reprendre l'expression du journaliste de France-Inter? Un soldat ennemi capturé est un prisonnier de guerre.

De même , a-t-on entendu la presse occidentale parler de terrorisme lorsque l'armée d'occupation largue des bombes ou des missiles sur des maisons dans un quartier très peuplé et tue sans discrimination toute la maisonnée? Il s'agit toujours, dans ce cas, de "destruction légitime d'un nid de d'activistes", de "punition", de "représailles" , de "bavure" quand les cadavres sont un peu trop nombreux et voyants .

Israël a, par définition, "le droit de se défendre" face à des "terroristes" et le journaliste de France-Inter reprend ce vocabulaire sans état d'âme et sans la moindre remise en question.

Certes, le sort d'un prisonnier n'est jamais enviable, mais le soldat Shalit est une monnaie d'échange précieuse et il ne subira pas le sort des 181 prisonniers palestiniens morts dans les geôles de la " seule démocratie du Moyen Orient " des suites de tortures ou de négligences médicales.

Car cette démocratie " exemplaire " a légalisé la torture et elle a réussi l'exploit d'"enlever" 650 000 Palestiniens depuis 1967, soit un cinquième de la population. Que dirait-on si durant l'occupation de la France, les nazis avaient emprisonné et torturé 14 millions de Français !

Aujourd'hui, Israël conserve dans ses prisons environ 11 000 otages parmi lesquelles 400 femmes et jeunes filles et 341 enfants . Tous les prisonniers sont battus ou torturés et 99% des enfants emprisonnés ont été soumis à des tortures .

Les Palestiniens ont un seul prisonnier.

Emprisonné, torturé … "le canard est toujours vivant…"

9 – La "reconnaissance d'Israël"

"les islamistes du Hamas, aux commandes gouvernementales mais toujours résolument hostiles à une reconnaissance d'Israël." (Bernard Guetta)

Afin de mieux évaluer les raisons du refus du Hamas de "reconnaître" le "droit à l'existence" non pas d'Israël, comme l'écrit fautivement M. Guetta , mais "d'un Etat juif" – telle est la terminologie exacte – je renvoie à mon texte Israël et le complexe de Monsieur Perrichon .

Le canard, subtil, a détecté le piège. C'est bien la preuve que …"le canard est toujours vivant…"

10 – Injonction

Après quoi Bernard Guetta achève pompeusement son tour d'horizon par une injonction péremptoire adressée au gouvernement issu des dernières élections démocratiques palestiniennes : " Sous peine de se discréditer, les islamistes doivent améliorer le sort des Palestiniens ".

M. Guetta n'explique pas comment dans un territoire sous occupation militaire depuis des années, qui a vu cette occupation se renforcer à un point insoutenable, un territoire dans lequel les habitants ne peuvent plus ni se déplacer, ni travailler librement, ni cultiver leurs champs, ni exporter la moindre production; un territoire dans lequel l'occupant continue à ravager les infrastructures , où les routes sont réservées aux colons, où les ministères ont été dévastés ou transformés en tas de ruines, où les administrations , privées de leurs outils et de leurs ordinateurs, n'ont plus les moyens de fonctionner; un territoire où l'occupant a jeté la moitié du gouvernement dans ses culs de basse fosse ; un territoire que le geôlier a réussi à boucler politiquement et à étrangler financièrement; comment dans cette situation digne du Père Ubu, les "islamistes" sont censés produire le miracle "d'améliorer le sort des Palestiniens" . Allah est grand! Alleluiah !

Méprisant , le canard tourne le dos aux falsificateurs de la réalité . Imperturbable, il se dirige vers son destin en se dandinant , comme tout canard qui se respecte, et il chantonne … "le canard est toujours vivant…", "le canard est toujours vivant…" , "le canard est toujours vivant…" en clignant de l'oeil.

Nous sommes deux, le canard et moi, à savoir que cette seule réalité enrage l'occupant. Nous savons tous les deux que tous les obstacles dressés sur le chemin de la fatalité n'empêcheront pas la fatalité de suivre son cours .

Conclusion

Ce petit exercice de " déconstruction " révèle à quel point le parti-pris de la presse occidentale est solidement bétonné et combien il est urgent que les Palestiniens envoient dans toutes les grandes capitales du monde des représentants qui soient de grands intellectuels familiers du style d'argumentation des médias occidentaux.

Constamment aux aguets, ils devraient exiger des droits de réponse face à l'omniprésence et à la variété des représentants de la thèse israélienne . Ceux-ci sont innombrables : porte-parole de la présidence, porte-parole du gouvernement, porte-parole de l'armée, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, ambassadeur en poste, ancien ambassadeur – tous parfaitement francophones. Et la liste s'allonge avec les partisans déclarés ou crypto-sympathisants , à laquelle s'ajoute toute une brochette de journalistes qui , comme je l'ai montré pour le rédacteur de France-inter présentent volontairement ou par ignorance une information tellement biaisée qu'elle s'apparente à un lavage de cerveau.

Et surtout, il faudrait que ces personnalités maîtrisent parfaitement la langue et les usages du pays dans lesquels ils seraient envoyés.

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